Un mur se dresserait au 30e kilomètre du marathon, paralysant le coureur sur place. Incapables d’avancer, certains abandonneraient même l’épreuve. Mythe ou réalité ? Comment faire pour affronter l’obstacle ? Les réponses de deux entraîneurs et d’un nutritionniste.
Le spectre d’un mur hante le marathonien. «La course commence au 30e km», disent les plus chevronnés, quand les débutants s’imaginent un rempart infranchissable après plus de trois heures de course. Le fameux mur du marathon existe-t-il vraiment ? Comment l’affronter ? Réponses.
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Épuisement des réserves d’énergie
«Le mur n’existe pas», lâche d’emblée Bruno Heubi, entraîneur et ancien athlète de haut niveau. De longues pages Internet tentent pourtant de l’expliquer et chaque marathonien en entend parler dès son inscription à l’épreuve. «Le mur, au titre où nous l’entendons, ne concerne que les marathoniens élites qui vont finir la course en moins de trois heures. En raison de leur vitesse très élevée, ils consomment une grande quantité de glycogène, jusqu’à se trouver brutalement sans carburant», détaille le coach.
Le glycogène, soit la réserve de sucres dans le foie et les muscles, est une source d’énergie rapidement disponible. Ainsi, plus la vitesse est élevée, plus le coureur va utiliser ces réserves jusqu’à les épuiser. «Il doit alors basculer sur une autre source d’énergie : les graisses. Celles-ci sont moins efficaces et disponibles», explique Bruno Heubi. En l’absence du «super carburant», le coureur se voit alors obligé de réduire sa vitesse jusqu’à parfois ne plus pouvoir avancer. Selon l’entraîneur, ceux qui courent le marathon en plus de quatre heures ne vont pas utiliser autant de glycogène que les champions. Ce que certains appellent «mur» serait donc en réalité un mélange de plusieurs facteurs les obligeant à ralentir.
Selon Jean-Pierre Monciaux, entraîneur et ancien athlète, les effets du mur sont amplifiés par la fatigue musculaire après plusieurs heures de course. «En raison de cet épuisement, des microtraumatismes engendrés par la foulée, et de l’absence de réserves énergétiques, le cerveau fait un coupe-circuit pour préserver le corps», détaille-t-il.
On dit souvent que cette difficulté à avancer arrive au 30e kilomètre, mais cette extrême fatigue peut très bien arriver avant ou après, en fonction du niveau d’entraînement mais aussi de sa gestion de la course. Par exemple, un marathonien qui part beaucoup trop vite va rapidement utiliser les glucides et se trouver sans énergie en peu de temps. «Cela peut même arriver après 1 heure 30 de course si on ne s’est pas bien préparé ou si l’on est parti trop rapidement», affirme Jean-Pierre Monciaux.
S’entraîner avec rigueur
Une bonne préparation permet de gérer l’utilisation de ses ressources en énergie et de ne pas être paralysé au moment du « mur » du marathon.
Marathon ne rime donc pas forcément avec mur. Un entraînement et une alimentation adaptés permettront de garder une allure régulière pendant 42,195 kilomètres. «La préparation permet d’apprendre à bien utiliser ses réserves énergétiques, avoir une foulée efficace et donc limiter la fatigue musculaire», souligne Jean-Pierre Monciaux. L’idée est de repousser le mur pour qu’il apparaisse le plus tard possible, idéalement après la ligne d’arrivée voire pas du tout.
Renforcement musculaire, sortie longue, séance de fractionné ou de côtes, chaque phase du plan d’entraînement est importante pour vivre au mieux la compétition. «Lors de certaines sorties comme une longue à allure réduite ou la course à jeun, on va apprendre à utiliser les graisses», indique Bruno Heubi. En sachant mobiliser différentes sources d’énergie, l’organisme pourra préserver les stocks de glucides le plus longtemps possible.
Un bon plan de préparation doit être d’une durée d’au moins dix semaines pour les coureurs aguerris, tandis que les débutants devront se planifier une première période de huit semaines pour préparer le corps avant de commencer un plan spécifique marathon d’au moins douze semaines.
Miser sur l’alimentation et l’hydratation
Pour traverser le mur du marathon sans difficulté, il faut également miser sur une alimentation à base de glucides complexes qui constituera le stock de glycogène nécessaire le jour de la course.
«Ceux qui vont compter sur la pasta party de la veille pour avoir l’énergie nécessaire se trompent, on commence à faire des réserves cinq jours avant et non la veille», souligne Christophe Parguel, nutritionniste du sport. Si la course a lieu le dimanche, il faut commencer à manger des féculents comme du riz, des pâtes, du quinoa ou du boulgour à chaque repas dès le mercredi.
L’hydratation est également essentielle pour limiter la fatigue musculaire et passer la ligne d’arrivée presque frais. Que ce soit pendant la phase d’entraînement ou quelques jours avant la course, le marathonien doit consommer entre 2,5 et 3 litres d’eau par jour. Puis pendant l’épreuve, il faudra s’arrêter à chaque ravitaillement. «Je recommande de boire entre 500 ml et 1 litre d’eau par heure, or 95% des coureurs se contentent d’à peine un gobelet», affirme Bruno Heubi.
Respecter sa stratégie de course
Euphorie et stress submergent le coureur lors du départ, moment attendu et redouté depuis plusieurs mois. Porté par ces émotions et la vitesse des autres, le marathonien part plus vite que prévu. Certains se disent qu’en gagnant quelques minutes lors du départ, ils peuvent se permettre de marcher vers la fin. Mauvais calcul, car souvent c’est parce que l’on court trop vite au début que l’on marche après. «Ils vont utiliser beaucoup de sucres au début et se retrouver sans carburant à la fin», explique Bruno Heubi. Selon Jean-Pierre Monciaux, lors de la première heure de course il faut être dans l’économie, «courir d’une façon relâchée, respecter son allure et se concentrer sur sa foulée». Et tout devrait bien se passer.
* Cet article, initialement publié en mars 2019, a fait l’objet d’une mise à jour.
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