Les chercheurs explorent toutes les possibilités pour aider les malades à mieux respirer. Avec déjà de belles avancées ! On fait le point.

Restez informée

Quatre millions de Français sont asthmatiques. Certes, cette inflammation chronique des bronches se déclare principalement dans l’enfance, mais il n’est pas rare que d’authentiques asthmes se déclenchent pour la première fois à la cinquantaine, parfois même à 70 ans. En réalité, il n’existe pas « un asthme » mais plusieurs profils de malades, auxquels on peut désormais proposer la molécule la mieux adaptée grâce aux biothérapies et parvenir à soulager les formes les plus sévères. Toutefois les efforts des scientifiques ne s’arrêtent pas là. Ils sont nombreux à explorer des cibles de traitement inédites pour insuffler aux malades un nouveau souffle.

Réduire l’inflammation des bronches

Chez les asthmatiques allergiques, les crises se déclenchent lorsqu’un allergène (pollen, acarien, poussière, etc.) pénètre dans les voies respiratoires : les cellules musculaires de la paroi bronchique se contractent, le diamètre des bronches diminue d’où une plus grande difficulté à respirer avec un essoufflement, une sensation d’étouffement, une toux, des sifflements… Le problème est que 5 à 10 % des individus ne se sentent pas soulagés par les traitements habituels tels que les anti-inflammatoires et les bronchodilatateurs.

La découverte de la protéine appelée Rac1, impliquée dans le développement de cet emballement bronchique, pourrait changer la donne. Vincent Sauzeau, chercheur à l’Inserm, et son équipe de l’Institut du thorax à Nantes, qui explorent cette possible piste thérapeutique, ont fait inhaler à des souris asthmatiques exposées à un allergène, un inhibiteur de cette protéine. Résultat : la contraction bronchique lors d’une crise diminue tout comme l’inflammation locale au niveau des poumons. Ce processus fonctionne aussi sur des échantillons de tissus bronchiques humains. « Si ce lien est confirmé, cela validera l’intérêt de poursuivre le développement d’un inhibiteur de Rac1 chez l’homme. Il serait alors administré par voie inhalée pour une action ciblée dans les bronches », précise Vincent Sauzeau.

Des hormones mâles au secours de l’asthme féminin

L’asthme allergique touche 6 % des adultes mais les femmes sont deux fois plus exposées et développent des formes plus sévères. Les hommes pourraient-ils être protégés par leurs hormones ? C’est ce qu’ont suspecté puis confirmé Jean-Charles Guéry et son équipe du Centre de physiopathologie de l’Institut toulousain des maladies infectieuses et inflammatoires (Infinity). En s’intéressant au lien possible entre le système immunitaire et les hormones sexuelles masculines, comme la testostérone, les chercheurs ont observé que les rongeurs mâles développent, eux aussi, un asthme allergique aux acariens beaucoup moins sévère que les femelles. Pourquoi ? Les hormones mâles permettraient de brider des cellules immunitaires récemment identifiées dans les poumons, les ILC2 impliquées dans la réaction inflammatoire et le développement de l’asthme allergique. « Le nombre d’ILC2 est en effet moins important dans les poumons des souris mâles. En revanche, cette différence disparaît chez les mâles castrés, privés d’hormones masculines », note Jean-Charles Guéry, directeur de recherche à l’Inserm. Pour confirmer ce possible rôle protecteur des hormones masculines contre la multiplication des cellules immunitaires lymphoïdes ILC2, les scientifiques ont récemment testé l’effet d’un implant sous-cutané à base d’androgènes sur des souris femelles. Et comme ils s’y attendaient, le nombre d’ILC2 dans les poumons est retombé au bout de dix jours, aux mêmes niveaux que chez les souris mâles. L’inflammation bronchique a également significativement diminué chez les femelles traitées. Reste à confirmer ces résultats chez l’homme et à trouver des laboratoires pharmaceutiques prêts à développer un traitement hormonal à base d’androgènes pour les femmes.

La piste d’un traitement universel

Retenez bien son nom : interleukine 33, dite IL-33. Depuis sa découverte par l’Institut de pharmacologie et de biologie structurale (IPBS) à Toulouse, cette protéine – codée par un gène majeur de prédisposition à l’asthme – suscite l’intérêt des chercheurs. Et pour cause : elle est au cœur du déclenchement des crises. « Nous avons observé qu’IL-33 est comme un signal alarme, une protéine d’alerte du système immunitaire. Elle est libérée par l’épithélium des voies aériennes supérieures (poumons, nez) en présence d’un virus ou de nombreux allergènes de l’environnement comme les pollens, les moisissures, les acariens, les poussières, ce qui provoque une inflammation chronique au niveau des poumons et la production de mucus qui bloque la respiration », pointe Jean-Philippe Girard, directeur de recherche Inserm à l’IPBS. Des essais cliniques ont été menés chez des asthmatiques sévères, avec des résultats probants sur la réduction de la fréquence et de la sévérité des crises. Cerise sur le gâteau : « bloquer IL-33 pourrait être aussi efficace chez les formes non allergiques, c’est-à-dire celles qui ne sont pas déclenchées par la présence d’un allergène, ce qui pourrait en faire un traitement universel pour tous les asthmatiques », s’enthousiasme Jean-Philippe Girard. Une nouvelle biothérapie pourrait arriver d’ici trois à cinq ans.

Bientôt un vaccin protecteur

C’est le Graal ! Un vaccin contre l’asthme fait l’objet de recherches par plusieurs équipes dans le monde. Celle de l’Inrae-Bia Allergie aux protéines en collaboration avec l’unité Inserm de l’Institut du thorax de Nantes est parvenue à élaborer un vaccin préventif contre les acariens. « Nous avons prélevé un fragment de protéine d’un acarien puis nous l’avons inoculé chez la souris de façon à éduquer son système immunitaire à tolérer cet acarien sans surréagir en cas d’exposition », explique Grégory Bouchaud, chercheur. Les résultats démontrent une réelle efficacité chez les souris prédisposées à la maladie comme chez celles déjà asthmatiques : l’injection suivie d’un rappel supprime totalement les crises, améliore la fonction respiratoire et limite l’inflammation des bronches. Le vaccin testé in vitro sur des cellules humaines de personnes asthmatiques s’est également révélé efficace. « Nous testons désormais d’autres espèces d’acariens, mais aussi des pollens, les poils de chat… », précise Grégory Bouchaud. Ce dispositif très prometteur doit encore être expérimenté chez l’homme avant une potentielle commercialisation d’ici dix ans. Et offrir ainsi aux asthmatiques de quoi souffler un peu.

Source: Lire L’Article Complet