• Jeudi 4 août 2022, « 20 Minutes » a mis en ligne une vidéo sur TikTok à partir de son compte certifié pour expliquer les tensions entre la Chine et les Etats-Unis à l’occasion de la visite de Nancy Pelosi sur l’île.
  • Au lendemain de sa publication, ce contenu à vocation pédagogique a été suspendu par la plateforme pendant près de 24 heures, TikTok évoquant une « contestation reçue » pour le « motif de violation » suivant : « Intégrité et authenticité ».
  • Cet incident inédit pour notre rédaction intervenant dans un contexte géopolitique particulier, et sachant la proximité entre TikTok et le gouvernement de Pékin, nous avons cherché à comprendre ce qu’il s’est passé.

Le jeudi 4 août 2022, 20 Minutes a posté via son compte certifié une vidéo à vocation pédagogique sur TikTok au sujet des tensions entre les Etats-Unis et la Chine autour de Taïwan, à l’occasion de la visite de Nancy Pelosi sur l’île.

Cette vidéo a été suspendue pendant près de 24 heures, entre le vendredi 5 et le samedi 6 août. Difficile d’être plus précis, car la rédaction n’a pas été notifiée au moment de sa suspension, ni lors de sa remise en ligne. Etant donné la proximité entre TikTok, et la Chine, cet incident survenu dans un moment de fortes tensions internationales nous a interpellé et nous avons cherché à comprendre ce qu’il s’est passé.

Une censure abusive ?

D’après le message affiché à la place de la vidéo et uniquement visible depuis notre compte pendant ce laps de temps, il était question d’une « contestation reçue » avec le « motif de violation » suivant : « Intégrité et authenticité », sous entendant que notre production – réalisée, relue et validée par une équipe de journalistes professionnels – aurait pu être destinée à « tromper ou à induire en erreur » les utilisateurs de TikTok.

Evidemment, nous ne sommes pas parfaits et nous aurions pu avoir commis tout type d’erreurs dans la vidéo en question. Mais après plusieurs vérifications, nous n’en avons pas trouvé. Cette censure nous a donc semblé abusive, et nous avons contacté TikTok par mail pour en connaître les raisons.

Vérification de l’information

Au bout d’une semaine, les équipes de TikTok ont répondu à nos questions sur le fonctionnement de la modération, les règles communautaires et sur le cas précis de notre vidéo sur Taïwan. Elles nous ont ainsi rappelé l’intérêt de la modération et son principe général qui n’a rien de surprenant et qui s’appliquerait « à tous les contenus et utilisateurs, sans exception aucune ». Sur le fonctionnement, TikTok nous explique « faire appliquer ces règles de façon proactive, c’est-à-dire avant même qu’un contenu ne (…) soit signalé, en utilisant tant la technologie qu’une modération humaine ».

TikTok précise aussi travailler avec des médias partenaires, comme l’Agence France Presse dans l’Hexagone, pour procéder à la vérification des informations qui circulent sur sa plateforme. Le réseau social ajoute : « tout contenu en cours de vérification, ou qui n’a pas pu être corroboré, est inéligible au fil « Pour Toi » », c’est-à-dire le fil dans lequel les utilisateurs peuvent voir les vidéos postées par des comptes auxquels ils ne sont pas abonnés, sur la base des choix opérés par un algorithme.

Une première pour 20 Minutes

D’après TikTok, c’est « exactement ce qu’il s’est passé » pour notre vidéo sur Taïwan. Mais de notre côté, nous avons constaté que durant l’examen de notre production, nous ne pouvions, ni nos abonnés, voir la vidéo, même en se rendant directement sur notre profil.

Nous n’avions jamais fait face à une telle situation et cette procédure poussée de vérification s’est portée sur une vidéo traitant d’un sujet sensible pour Pékin, qui était alors en pleine manœuvre militaire autour de Taïwan. Etonnant ? Sur ce point, TikTok ne nous a pas apporté d’explication…

Précédents

En l’état, rien ne prouve que la plateforme ait souhaité censurer notre travail d’information, mais des précédents existent. En 2019, Ferora Aziz, une jeune Américaine de 17 ans avait vu son compte supprimé après la publication d’une vidéo devenue virale dénonçant le massacre des Ouïghours en Chine. Le réseau social s’était alors défendu de toute censure, avançant que les sanctions prises contre l’adolescente étaient liées à une autre vidéo.

Bytedance, la société mère de TikTok, siège à Pekin. Sur le Web chinois, Douyin, la version chinoise de TikTok, ne laisse aucune place à la contestation du régime en place. Si TikTok et Douyin fonctionnent séparément, l’hypothèse que les méthodes de censure de l’un soient ponctuellement appliquées par l’autre semble plausible.

En tout état de cause, cette mésaventure a le mérite de rappeler que TikTok comme les autres réseaux sociaux sont des entreprises privées, qui poursuivent, à l’aide d’algorithmes au fonctionnement souvent opaque, leurs propres intérêts économiques et politiques. Qui peuvent parfois diverger de ceux de leurs utilisateurs.

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