Solène trouvait que les chats et les livres vont tellement bien ensemble qu’elle a imaginé une librairie dans laquelle les félins peuvent évoluer en toute liberté au milieu des ouvrages et des clients.

Restez informée

Solène Chavanne, 44 ans, est journaliste sur LCI où elle présente des chroniques sur les animaux. A un moment charnière de sa vie, elle a eu le désir de tout changer. Elle a alors quitté Paris pour Aix en Provence pour ouvrir Mon Chat Pitre, cette librairie unique. Une manière pour elle, entre autres, de sensibiliser le grand public à l’adoption responsable des animaux abandonnés.

« Je suis aussi folle des chats que des livres ! »

« Je pourrais raconter que je portais en moi ce projet depuis toujours. Mais en réalité, pas du tout ! L’idée de réunir les livres et les chats dans un même lieu s’est imposée à moi un matin au réveil, presqu’à mon insu mais comme une évidence. J’ai clairement eu l’impression que mon inconscient avait travaillé durant mon sommeil et qu’il me délivrait un message auquel je ne pouvais pas rester sourde. Ça ne m’a d’ailleurs pas franchement étonnée : je suis aussi folle des chats que des livres ! Tous mes chats sans exception – et j’en ai eu un certain nombre depuis l’enfance – ont eu en commun cette habitude de venir se blottir contre moi dès que je m’installe pour bouquiner. Comme s’ils sentaient le bien-être que peut procurer un moment lecture et venaient y apporter leur contribution. Un livre, un chat qui ronronne et la rêverie survient…

« Une ville où l’on aime les animaux… et les livres! »

Quelques mois après ce curieux rêve éveillé, j’ai traversé une période un peu compliquée. LCI a arrêté brutalement la chronique météo que je présentais quotidiennement. Mon mari et moi sommes arrivés au bout de notre histoire et nous sommes acheminés vers un divorce. Alors pour passer ce cap, je me suis raccrochée à mon idée de ronron librairie. Et plutôt que de nous déchirer, mon désormais ex-mari et moi avons décidé de la monter ensemble. Nous avons donc quitté Paris avec nos deux enfants pour emménager à Aix en Provence. J’avais eu un coup de cœur pour cette ville quelques années plus tôt lors d’une virée estivale en Provence. Et puis la municipalité est connue pour son engagement en faveur des animaux abandonnés. C’est également un endroit où l’on aime lire : les librairies y sont nombreuses, aussi bien généralistes que thématiques. Toutes les conditions étaient réunies pour y installer notre ronron librairie, que nous avons baptisée Mon Chat Pitre.

« Les chats ont investi la littérature »

J’ai rapidement trouvé un local adapté, au cœur de la ville. J’ai recruté deux libraires formidables qui se sont attelées à la sélection des 12 000 titres qui allaient garnir nos rayons. D’emblée, nous avons vu grand ! Mon seul impératif était qu’un tiers des livres soient en rapport avec les chats. Comme ces sacrés félins ont investi tous les domaines de la littérature, étrangère ou française, fantastique, historique, romantique ou policière, le choix ne manquait pas. A Mon Chat Pitre, on trouve bien sûr la fameuse série anglaise « La guerre des clans » qui raconte les aventures de chats sauvages répartis en clans. Evidemment aussi les livres de Colette – dont son sublime roman La chatte, elle qui écrivait si justement : « Le temps passé avec un chat n’est jamais perdu ». Sans compter les nombreux ouvrages que Bernard Werber leur a consacrés. Beaucoup d’auteurs apprécient la compagnie apaisante des chats, ces facilitateurs d’inspiration.

« J’ai visité tous les refuges de la région »

Quant à moi, je me suis réservée la partie qui, je l’avoue, m’excitait le plus : le casting des chats. J’ai commencé à visiter un à un tous les refuges de la région. Car la philosophie première de Mon Chat Pitre, c’est de donner une nouvelle chance à des chats délaissés, maltraités et abandonnés, de leur offrir un endroit à la mesure de leur curiosité, de leurs jeux et de leur tendresse. J’ai fait des kilomètres, passé des heures à parler avec les bénévoles des refuges qui connaissent tous leurs pensionnaires et pouvaient donc me renseigner sur leur personnalité. Je recherchais des chats avec des caractéristiques très précises. Pour qu’ils s’épanouissent au sein de la librairie et y soient heureux, il fallait qu’ils n’aient pas trop connu l’extérieur et ne soient pas habitués à courir la campagne. Il fallait aussi qu’ils ne soient pas agressifs avec les autres chats. Et enfin, qu’ils soient pot de colle avec les humains et avides de caresses et câlins.

« Chaque Chat Pitre a une histoire »

J’ai ainsi trouvé sept chats, de véritables perles ! C’est aussi ça le message que Mon Chat Pitre tient à faire passer : si vous voulez un chat, allez le chercher dans un refuge, acceptez qu’il soit adulte, ne vous focalisez pas sur un chaton. Et vous ferez de merveilleuses rencontres avec des animaux hors du commun, résilients, généreux, prêts à donner et recevoir de l’amour. Lors de mon casting, je me suis aussi amusée à ce que chaque chat ait un petit point commun avec son « parrain » ou sa « marraine ». En effet, plusieurs « people » amoureux des félins ont accepté de parrainer nos Chats Pitres. Chacun a une histoire. Le romancier Maxime Chattam tenait à ce que je lui trouve un chat noir, parce que les chats de cette couleur sont encore trop souvent malaimés, victimes de préjugés superstitieux. Pour lui, j’ai choisi le chat Tam dont l’histoire est tragique : ses maîtres se sont séparés et l’ont abandonné dans une cage sur un parking. Il a été retrouvé terrorisé, dans ses excréments. Au début, il a fallu le tondre, il ne ressemblait à rien. Aujourd’hui, il est devenu la magnifique star de Mon Chat Pitre ! Pour Andréa Ferréol, j’ai choisi la petite Féfé avec des yeux aussi bleus que sa marraine. Elle avait passé des années en refuge, avait été adoptée trois fois et ramenée à chaque fois. Pour Philippe Geluck, j’ai choisi Le Chat, un gros chat gris, tendre et débonnaire. La petite chatte élue pour Faustine Bollaert se nomme Plume. C’est l’association « Les amis de Sam » qui l’a sortie de la rue car elle n’avait rien à y faire, trop menue et trop fragile pour une telle vie. Le chat Bernard, filleul de Bernard Werber est aussi fin et élancé que son parrain. Quand je suis arrivée au refuge pour faire sa connaissance, car on m’avait parlé de lui, il m’a passé les pattes autour du cou, s’est blotti contre moi comme un bébé et ne m’a plus lâchée. C’est lui qui m’a choisie et non l’inverse !

« Ici, les chats ont tous les droits »

Ils se sont incroyablement bien acclimatés à leur nouvelle maison, la librairie. Même au-delà de tout ce que j’avais pu espérer. Ils ont une zone de repli, avec leurs litières, leurs croquettes et leurs fontaines à eau, où ils accèdent par une chatière et où personne ne peut les déranger s’ils ont envie de tranquillité. En réalité, ils y vont très peu et la plupart du temps, ils restent dans les 130 mètres carrés de la librairie, au milieu des livres et des clients. Nous avons fait aménager des passerelles, des ponts suspendus, des couchages en hauteurs. Bref, tout ce qu’il faut pour rendre un chat heureux ! Les fauteuils ont été chinés spécialement pour eux, pour qu’ils puissent se faire les griffes. Ici, ils ont tous les droits. J’avais anticipé qu’il y aurait peut-être des petites tensions entre eux au début, mais non. Ils se sont tout de suite adoptés les uns les autres, dorment ensemble, se léchouillent mutuellement pendant des heures. Un vrai miracle ! La petite Colette n’a d’yeux que pour le gros chat Tam, Plume a pris le petit Garfield sous sa protection maternelle. Nos matous adorent s’installer dans la vitrine. Quel meilleur endroit pour observer la rue ? C’est comme ça que certains passants poussent notre porte, alors qu’ils n’avaient pas spécialement prévu d’entrer dans une librairie. Et puis ils commencent à feuilleter un livre et finissent assis par terre, avec un chat sur les genoux, plongés dans leur lecture. Quand ils repartent, ils ont le sourire aux lèvres : grâce à nos formidables Chats Pitres, ils ont eu leur dose de douceur et de sérénité… »

A lire aussi :

⋙ Témoignage : « Un chaton abandonné m’a réconciliée avec la vie »

⋙ On s’inspire du chat pour vivre mieux

⋙ Pourquoi sommes-nous devenus si sensibles aux animaux ?

⋙ Moi et mon chat, toute une histoire…

Source: Lire L’Article Complet