Agressé à 8 ans par Bernard Preynat, Alexandre était en 2017, l’un des témoins du documentaire Viols sur Mineurs : mon Combat contre l’Oubli, diffusé sur France 5. Alors que s’ouvre le procès du père Preynat, Télé Star vous propose de redécouvrir son témoignage….
De l’âge de 8 à 12 ans, vous avez été agressé sexuellement par un prêtre, le père Bernard Preynat. Vous étiez alors l’un des scouts dont il avait la charge, à Lyon…
Alexandre: Il me connaissait depuis ma naissance puisqu’il m’avait baptisé, avait célébré ma première communion et dirigeait ma catéchèse. Je situe la première agression vers 8 ans, puisque je n’ai aucun souvenir avant cet âge.
Comment procédait-il ?
Le samedi après-midi, à la paroisse, il m’appelait pour que je monte le rejoindre dans son local photo. J’étais enfermé pendant 10-15 minutes avec lui. Il me serrait, du haut de son mètre 90 et de ses 100 kilos. Il me masturbait, mettait ma main dans son caleçon. J’étais terrifié. Son râle… son odeur…
À l’époque, vous n’en parlez à personne.
J’avais honte de ne pas avoir dit non. Mais il était admiré de tous… et j’étais persuadé d’être sa seule victime. À 12 ans, j’ai trouvé le courage de demander à mes parents de quitter les scouts. Ils n’ont pas cherché à savoir pourquoi.
Vous ne leur en parlerez qu’à l’adolescence.
Et ils n’ont pas réagi. On est passé à une autre conversation. Sur le moment, je crois que ça ne m’a pas fait souffrir, parce que j’ai pu en parler avec celle qui allait devenir ma femme. Mais vers 30 ans sont arrivés angoisses, cauchemars… Et puis en 2014, au détour d’une conversation, j’ai appris que le père Preynat était toujours vivant, et au contact d’enfants. Je le croyais mort, il n’a que 68 ans, c’est un choc. Dans les jours qui suivent, je me réveille la nuit, je crois entendre des cris d’enfants…
C’est un déclic.
Je décide d’alerter officiellement l’Église. En juillet 2014, j’envoie un mail à l’archevêque de Lyon, le cardinal Barbarin. De longues semaines passent et un jour, on me propose un face-à-face avec le père Preynat.
Qu’attendiez-vous de cette rencontre ?
Soit il niait ce que je lui reprochais et c’était fini. Soit il avouait et l’Église pouvait le dénoncer. Et ce jour-là, non seulement il reconnaît m’avoir agressé (devant un témoin de l’archevêché, ndlr), mais il m’explique qu’il a toujours été attiré par les enfants. Mais le plus surréaliste, c’est qu’avant de partir, nous devons prier ensemble, les mains jointes.
Et vous acceptez ?
Je voulais aller au bout de l’ignominie. Il a juste oublié de me demander pardon. C’est comme ça qu’ils achètent le silence des victimes. Le pardon. Moi, je ne pardonne pas.
Pourtant, contrairement à ce que vous imaginiez, l’Église n’avertit pas la justice.
Les mois passent. En mai 2015, je décide de porter plainte. Pour qu’on arrête de le changer "simplement" de paroisse dès que ça sent le roussi. En septembre, on l’écarte de tout contact avec les enfants. Quatorze mois après mon mail !
Malheureusement, vous avez plus de 38 ans lorsque vous portez plainte, vous tombez donc sous le coup de la prescription. Vous ne pourrez poursuivre le père Preynat.
C’est évidemment injuste. Une victime ne parle pas quand elle veut mais quand elle peut. Quand elle n’a plus peur. Ou plus honte. Ça peut être à 30, 40, 50 ans. C’est pour ça que je demande le rallongement de la prescription. Ça ne me dérange pas qu’un prédateur ait peur jusqu’à la fin de sa vie que ses victimes viennent un jour frapper à sa porte. Il faut que la honte change de camp. Mais le procès de Preynat aura lieu (en 2018, ndlr), comme celui de Barbarin (en avril 2018, ndlr) pour non-dénonciation d’agressions criminelles sur mineurs. Et chaque exposition est une victoire.
Êtes-vous toujours croyant ?
Après une période très mystique, je ne crois plus du tout. Je ne condamne pas tous les catholiques, il reste beaucoup de bienveillance dans cette religion.
Vous avez 4 garçons qui ont entre 13 et 20 ans, et une fille de 6 ans. Que leur dites-vous sur ce sujet ?
À ma fille, que son corps est à elle. Avec mes fils, je rabâche sur le respect et le consentement. Et mes enfants ne dorment pas ailleurs qu’à la maison. Pas chez les copains, nulle part.
À 43 ans, vous vivez encore avec ce drame.
Il n’y a pas un moment où je n’y pense pas. Comme si un écran était allumé en permanence près de moi, avec mon histoire qui défile. Je ne suis pas malheureux, il y a tant de gens brisés dont je connais l’histoire*. Je vis avec mes angoisses et le sentiment étrange de vivre dans une bulle, enfermé.
Vous en voulez à vos parents ?
Ils n’ont pas été là pour moi. Ils ne m’ont pas protégé. J’espère être un meilleur parent qu’ils ne l’ont été.
*Il est président de La Parole libérée
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