La danseuse étoile Dorothée Gilbert a imaginé une master class digitale, les cours de danse virtuels faisant vibrer de plus en plus d’adeptes. Si on s’en inspirait pour reprendre la barre et réveiller mental et physique ?
Danser a pris un petit goût d’interdit
Danser. Sur les tables. Jusqu’au bout de la nuit. Sur une chorégraphie ou en liberté. Avec son double ou ses meilleures alliées. Se défouler parfois, s’exprimer toujours. Danser a pris un petit goût d’interdit, depuis que les fêtes sont mises en pause et que les cafés sont fermés. Ou que les boîtes de nuit attendent de voir le jour se lever sur le monde d’après. Pourtant, laisser son corps bouger n’a jamais eu autant de sens. La mode, au carrefour des influences, en témoigne.
Chez Dior, Isabel Marant, Kenzo…, on danse comme on défile. À moins que ça ne soit l’inverse. Les pieds glissent, pointent et virevoltent, telle la métaphore d’une légèreté de l’être qui nous a fait cruellement défaut ces derniers mois. Cet art, qui est aussi un sport, et vice versa, a cet avantage de n’être interdit à personne. De ne demander qu’à être bercé d’un peu de musique pour laisser les mouvements s’animer. Peu importe que ce soit dans la solitude de son salon, devant un miroir ou derrière un écran. Car oui, il est moins facile de faire corps avec les autres en ces temps de Covid, quand les conditions sanitaires rendent le moindre pas de deux risqué.
En vidéo, les danseurs de l’Opéra de Paris offrent un ballet en visioconférence
Pourtant l’enthousiasme collectif, qui fait aussi la force de la danse, a su trouver sa voie. Lors du premier confinement, les artistes de l’Opéra de Paris livraient une vidéo où chacun, dans l’intimité de son appartement, redonnait vie au collectif, symbole de l’institution mais surtout de sa discipline. Comme pour tous les sports, l’alternative virtuelle a trouvé ses marques : plateformes et cours en ligne permettent de pratiquer en attendant de se retrouver sur le parquet d’un studio. À l’image du BalletMasterclass de l’étoile Dorothée Gilbert, qui a voulu soutenir les jeunes danseurs isolés comme les amateurs esseulés.
Rechausser les (demi-)pointes
Cette discipline n’est pas que l’affaire des pros. Avant de se prêter aux exercices de pliés et d’arabesques – surtout passé un certain âge -, il y a souvent une gêne, une barrière qu’il n’est pas toujours facile de faire tomber, notamment dix ou vingt ans après avoir cessé de fréquenter une école de danse. «Une fois adultes, les gens ont souvent l’impression qu’il y a les danseurs étoiles et c’est tout. Pourtant, on peut commencer à n’importe quel âge, et il est toujours possible de progresser. Cette image d’inaccessibilité n’a aucun sens, car la danse est innée chez l’être humain et se pratique depuis des millénaires», insiste Rachel Vanier, cofondatrice de la plateforme Dancefloor Paris qui propose actuellement des cours en ligne avant l’ouverture prochaine d’un studio parisien, à l’issue de la crise.
Pourquoi s’y remettre alors que l’on avait laissé son rêve de petit rat au vestiaire ? «Parce que la danse est un sport complet par excellence. Il n’y a pas une partie du corps que l’on ne travaille pas. Les mollets, les cuisses, les bras, les abdos…, tout est sollicité», rappelle Julie Granger, fondatrice de The Studio, à Paris. Sans oublier la dimension plaisir : «On libère beaucoup d’endorphines, dont on manque particulièrement avec ces confinements successifs.»
L’ancienne danseuse de ballet a d’ailleurs ouvert un cours pour les débutants, ou pour ceux qui souhaiteraient se remettre en selle de nombreuses années après avoir raccroché les (demi-)pointes. Leurs motivations sont diverses : renouer avec une passion, mais aussi avec la rigueur, travailler en profondeur sa posture, gagner en souplesse. Chez Dancefloor Paris, des sessions sont assurées par une vingtaine de professeurs issus d’horizons différents. «Si le classique s’impose comme le pilier central, ses acolytes jazz et autres variantes contemporaines ont tout autant leur place. Notre objectif premier est de maximiser le plaisir. Il nous semblait essentiel avec mon associée, Fanny Seroka, de mettre en avant cette dimension dans une discipline aussi rigoureuse que la danse. Parce que les débuts peuvent être difficiles.»
Tomber les barrières avec les cours en ligne
La première épreuve, d’ailleurs, est souvent la timidité, que les cours en ligne ont le pouvoir d’estomper. S’il n’est pas facile d’affronter des regards, l’intimité réconfortante du salon peut rassurer. Cependant, si l’enseignement en visio a du bon, il doit également être cadré. «Il faut vraiment s’accorder cette heure dédiée. Avant, on avait le temps de trajet pour déconnecter entre le travail et le cours, alors on se ménage quinze minutes de déconnexion sans téléphone ni ordinateur avant de démarrer», conseille Julie Granger.
Il est important de bloquer un réel créneau dans son emploi du temps. Et aussi d’aménager un espace propice à la pratique : choisir une pièce lumineuse, un sol où l’on ne risque pas de glisser, et, surtout, diffuser le cours sur son écran de télévision avec le son connecté sur des enceintes pour recréer au maximum les conditions du présentiel. «Les cours en ligne ont beaucoup de vertus, mais il faut aussi qu’il y ait un échange avec un prof qui corrige la posture pour éviter les blessures. En particulier avec des débutants ou des personnes qui reprennent en douceur», avertit Rachel Vanier. On préférera donc les cours avec un nombre de participants limités plutôt qu’une simple vidéo YouTube choisie au hasard.
Un pas de deux avec le yoga
Pour l’Étoile Dorothée Gilbert, chaque journée débute avec dix minutes de yoga : «Pour délier mon corps très tonique et travailler la souplesse.» Un besoin personnel qui peut varier d’une danseuse à l’autre. Les correspondances entre les deux disciplines semblent évidentes. «Les deux réunissent beaucoup d’éléments en commun : souplesse, bien sûr, mais aussi fluidité et respiration. Dans tous les cas, il y a un véritable plaisir à reproduire le mouvement», analyse Julie Granger, qui propose notamment le cours Brooklyn Flow à The Studio (thestudioparis.com), à Paris, un yoga très dansé qui fait travailler le cardio.
«Pour ceux qui débutent ou qui s’y remettent, les disciplines fusionnant yoga et danse permettent de s’acclimater avec le vocabulaire et les postures», conclut Rachel Vanier, fondatrice de DanceFloor Paris (dancefloor-paris.com), qui recommande également la pratique du Pilates. Et dès que possible, on reprend un cours de hip-hop yoga à La Montgolfière (lamontgolfiereclub.com).
Quant au bon rythme à adopter, comme tous les sports, la danse n’échappe pas au cercle vertueux du «plus on pratique, plus on y prend du plaisir». Si trois fois par semaine permettent de voir des résultats, Rachel Vanier recommande, en parallèle d’un cours chorégraphié, au moins un cours de barre au sol : «C’est d’ailleurs une très bonne idée de commencer par là, car il permet de s’acclimater au vocabulaire mais aussi de muscler son corps et de l’assouplir. C’est un réel entraînement théorique pour le corps. On peut ensuite se concentrer sur la chorégraphie ou le sens du rythme.» Des bases essentielles pour ensuite se laisser aller, peu importe que l’on soit plus classique, hip-hop ou encore danses africaines ou Bollywood.
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