« Cette crise du soin est pour moi quelque chose de vital. C’est notre poumon, l’hôpital« , assure sur franceinfo Catherine Corsini, réalisatrice de La Fracture qui sort mercredi 27 octobre au cinéma. Le film raconte une nuit dans des urgences sous tension à l’hôpital, après une manifestation de « Gilets jaunes ». Une des actrices, Aïssatou Diallo Sagna, est également aide-soignante dans la vraie vie.
franceinfo : C’était important pour vous de donner un aspect documentaire et documenté à votre film ?
Catherine Corsini : Cela donne une vérité au film. Cela permet aussi aux acteurs de beaucoup mieux jouer parce qu’ils sont vraiment dans des conditions idéales, comme s’ils étaient vraiment eux-mêmes dans l’hôpital, avec des soignants qui savent faire les bons gestes. Cela amène cette justesse, absolument.
Aïssatou Diallo Sagna dit dans le film qu’elle ne sera peut-être bientôt plus à l’hôpital. Elle y est encore ?
Elle y est en ce moment. On devait la voir, mais elle a une urgence car une collègue n’est pas là, et donc elle doit rester à l’hôpital. Pour beaucoup de soignants, c’est comme ça, cela fait partie de leur vie, c’est dans leur ADN cette attention aux autres. Cela m’a épaté de travailler avec des soignants, je pense que c’est cela qui donne de l’humanité au film.
Elle fait justement partie de ces soignants qui se demandent quel sens cela a encore d’être là ?
Beaucoup de soignants qui étaient dans le film me disent : « Raconte ce que l’on vit, raconte nos conditions, on a besoin d’être entendus, il faut que le film soit vu par les pouvoirs publics, nous on ne nous écoute pas« . Le film ne parle que de cela, avec beaucoup de drôlerie, d’humour, parce que je fais se confronter des gens qui ne sont pas d’accord. Les joutes verbales, c’est drôle, mais derrière, il y a vraiment ce fond social et cette crise. Cette crise du soin est pour moi quelque chose de vital. C’est notre poumon, l’hôpital. C’est un endroit où l’on doit faire attention à l’autre, et pour faire attention à l’autre il faut des moyens.
Vous avez fait un choix de stéréotypes dans ces personnages pour créer des situations burlesques ?
Il n’y a rien de plus jubilatoire que de voir au départ des gens s’opposer, des gens qui ont des préjugés les uns sur les autres, et puis petit à petit, les préjugés commencent à disparaître. On commence à se regarder, on est dans des situations où l’on a besoin d’être ensemble. Les masques tombent, une solidarité se crée, une écoute se crée.
« On est dans une société où l’on fait tout pour nous diviser, pour regarder les gens avec beaucoup de hauteur et de mépris. Alors qu’au fond, l’important, c’est d’essayer de réduire la fracture. »
à franceinfo
Pour réduire la fracture, l’important c’est de regarder les autres, de les aider et de les écouter. À l’hôpital, on n’est pas soigné par ordre de salaire, on est soigné selon l’urgence de sa blessure. Il y a quelque chose qui fait qu’il y a une vraie égalité, qui est une vraie démocratie. C’est un endroit où l’on se retrouve, et où faire commun prend du sens. Faire commun c’est aussi être ensemble en ayant des points de vue différents.
Le film ne fait pas comme on voit d’habitude sur les urgences, avec des choses spectaculaires. Il est vraiment dans l’humain. C’est l’humanité qui m’a avant tout interpellée.
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