Écrivaine, journaliste, dénicheuse hors-pair et star atypique des réseaux sociaux, l’irrévérencieuse Sophie Fontanel est devenue le porte-parole d’une génération – bien sapée – ou les idées comptent autant que le style.
Sophie Fontanel nous invite dans son appartement parisien, un joli cocon niché sous les toits juste en face du jardin des Tuileries. Le décor ? Toute une vie de souvenirs et d'anecdotes, de trésors et petits riens encore plus précieux glanés aussi bien au bout du monde qu'au coin de sa rue.
Une fille
Sophie Fontanel tient à la fois de la grande sœur idéale et de la meilleure amie rêvée. Peut-être parce qu’elle est l’une des figures les plus accessibles d’une industrie qui a vécu longtemps recluse sur elle-même. Les mots, cette parisienne les connaît sur le bout de la langue, les savourant comme des bonbons. “Le goût de l’écriture m’est venu bien avant celui de la mode et les deux se sont mêlés.”
© Adeline Mai
Parcours
Née à Paris en 1962 au sein d’une famille littéraire qu’elle qualifie comme : “ni pauvre ni riche, mais d’un chic”, Sophie Fontanel s’embarque à l’adolescence pour des études littéraires avant de tomber dans le journalisme : “ comme par hasard”. Sa plume musicale, ses effets de style, sa dextérité à mixer mode et pop culture l’a propulse journaliste féminine vedette, fait assez rare (et souvent vu d’un mauvais œil). Elle débute à Canal Plus dans Nulle Part Ailleurs : “dans cet endroit où la mode n’était qu’un truc de fille pas très considéré”, puis pose ses valises 12 années chez Elle, devenant la Fonelle qu’on connaît tous. Sa marque de fabrique ? Le décalage : “Partout. C’est une chance d’être décalée, on est libre.” Aujourd’hui, elle est critique de mode pour L’Obs. Ça et une prolifique carrière d'écrivaine en parallèle : “j’ai publié 15 romans, aussi. On fait comme on sent et la vie vous dessine un destin…”
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La mode
Elle est tombée amoureuse au premier défilé : un show Martine Sitbon vécu depuis les coulisses (les fameux backstages). "J’avais 25 ans, je crois. J’ai trouvé là comme un abri. J’ai adoré l’exigence esthétique de tout le monde. Tous ces gens entièrement concentrés sur la grâce de l’allure. J’ai eu l’impression d’avoir trouvé une famille.” Sophie est aujourd'hui devenue amie avec Martine Sitbon et son compagnon, le directeur artistique Marc Ascoli. Elle leur a récemment avoué avoir eu la vocation de la mode en les voyant, un jour, dans ce même backstage. La boucle mode est bouclée.
© Adeline Mai
Un style
Plus qu’un style, une dégaine. Ce n’est pas l’habit qui fait Sophie, c’est Sophie qui fait l’habit. Et ce depuis une prise de conscience ultime ou plutôt une révolution capillaire : “j’ai vu récemment des photos de moi il y a 14 ans et franchement c’était une catastrophe. Quelque chose s’est passé dans ma vie quand j’ai laissé pousser mes cheveux blancs. Je n’ai jamais été une beauté, comme on dit, mais soudain j’ai osé essayer ce dont je rêvais sans jamais oser vraiment y aller : inventer ma sorte de beauté, par les habits, par un rapport doux et malicieux au monde. Il faut beaucoup d’enfance en soi pour arriver à une telle liberté.”
© Adeline Mai
Projets
Sophie a le naturel de celles qui savent ou aller, et c’est surement pour cela que son compte Instagram a autant de succès. “On vient de plus en plus me proposer de travailler comme influenceuse, car mon compte Instagram est devenu un peu incontournable, surtout parce qu’il est unique en son genre. C’est une sorte de média à lui tout seul.” Elle ajoute désormais une corde à son arc (ou une casquette à sa tête) en réalisant des missions pour des marques sur le réseau social numéro 1. “Je dis non à 90% des projets. Ce que je dois faire avec ce compte et la force qu’il a, c’est mon chantier pour 2021. Je veux garder ma liberté. Aujourd’hui, j’ai ce luxe fou d’écrire selon ma conscience et en faisant fi des pressions, qui sont inhérentes à la mode.” A côté, elle écrit son 16ème roman : “sur un personnage qui découvre la non-violence, à notre époque si violente”.
© Adeline Mai
Premier souvenir mode
Enfant, elle croise Annabelle Buffet dans son immeuble. “Ma mère m’a expliqué qu’elle était la femme d’un grand peintre. Je n’avais jamais vu une personne avec une telle allure. J’ai compris instantanément que ça allait compter plus que tout dans ma vie. L’allure peut vous rendre beau ou belle, vous faire passer les années. Et puis, c’est un chantier permanent alors on ne s’ennuie jamais !”
© Adeline Mai
Basiques
Un crédo : le super cool qui vient rencontrer le sophistiqué. La preuve avec ses essentiels :
Les grands pantalons à pinces, taille haute.
Les blazers des années 70, un peu étriqués.
Les blouses de soie dans des couleurs folles.
Les pulls noirs qui ressemblent à des tee-shirts.
Les ceintures dorées.
Les bobs des années 30 ou 70.
Les immenses chemises d’homme, de smoking, en voile de coton.
Les jupes trapèze sous les genoux.
Les sahariennes.
Les grands manteaux.
© Adeline Mai
Créateurs
Saint Laurent Rive Gauche, en vintage. Jacquemus pour la gaieté et la folie de certaines formes. Gucci pour la poésie de tout. Rabih Kayrouz pour ses couleurs et pour son cœur. Bode pour la grâce visionnaire de ses habits. Grace Wales Bonner pour sa rigueur. Chanel pour le rêve encore actif que la marque véhicule. Molli pour la douceur. 45R pour les plus beaux cotons au monde.
Collector
Une saharienne rose avec une sorte d’herbier imprimé dessus, achetée chez C Madeleine's à Miami : “pas facile à mettre mais cet habit me met de bonne humeur. C’est coupé comme du Saint Laurent Rive Gauche, mais c’est fou comme un vêtement Gucci d’aujourd’hui.”
Folie
Une robe du soir de Céline, époque Phoebe Philo. “Elle m’a coûté une fortune, et je pensais ne presque jamais la mettre. Or, parfois je la mets pour aller juste prendre l’apéro en bas de chez moi, l’été, avec des tongs. C’est somptueux de se sur-habiller. J’adore les habits du soir portés le jour.”
© Adeline Mai
Bijoux
Fétiches que Sophie ne pourrait pas quitter : sa chevalière qui vient de Saint Petersburg, a transité par Anvers et est venue jusqu’à elle en un siècle, sa chaîne où se glisse sa médaille de naissance et un énorme collier fantaisie – tout de même griffé Chanel. Elle collectionne les colliers : ”des tas de colliers sans valeur, mais gros, qui transcendent à peu près n’importe quelle tenue… Je les chine chez Madame Pauline Vintage.”
Sacs
En ce moment, elle ne jure que par le Jackie 1961 de Gucci. “Je l’ai en noir. Il est assez grand. Mais d’habitude j’aime les sacs mous, petits, les choses en tissu, les choses de rien. J’ai notamment un sac blanc en cuir très fin, comme un sac plastique mais en cuir, avec I Love New York écrit dessus. Si j’ai un snobisme, c’est celui du sac qui n’en est pas un.”
© Adeline Mai
Chaussures
L’été, monomanie Gurkee's : “ces sandales en corde qui passent à la machine”. L’hiver, souvent, des baskets. Mais elle voue aussi une passion pour les bottes vernies noires. Et puis les petits talons de 3 ou 4 cm : “cela me rappelle tout un cinéma et une codification des années 60-70… Françoise Dorléac par exemple.”
Soir
On joue vraiment le jeu. L’été une robe du soir portée avec des sandales. L’hiver un pantalon à pinces taille haute Céline vintage adopté de pair avec des hauts noirs très épaulés Saint Laurent Rive Gauche, un gros collier, une ceinture Chanel ou tout simplement dorée (la couleur est non négociable). Et puis, last touch, les yeux faits et des bottes vernies noires à bout pointu de chez Roger Vivier.
© Adeline Mai
Achat impulsif
Le dernier : “des draps Marimekko sur Etsy, vintage. A 4h du matin au gré d’une insomnie. Sublimes.”
Beauté
Peu importe les cosmétiques, l’essentiel numéro 1 – et non négociable – reste le rituel du nettoyage à l’eau claire. Côté make-up, un peu de poudre Chanel mais jamais de fond de teint, les yeux légèrement faits à l’aide d’un rayon bleu denim et d’un soupçon de mascara et un touche de blush ultra bonne mine : “à mon âge, il faut avoir la main légère.” Quant à ses très célèbres cheveux blancs, elle les soigne avec les shampooings Delphine Courteille : “ils ont un côté miraculeux, car de toutes petites doses suffisent”, çà et jamais de produits déjaunissants : “j’aime leur côté nacré.”
© Adeline Mai
Icônes mode
Peut être la question la plus difficile. “Tant de morts et des mortes et si peu de vivants et de vivantes dans les personnes connues. A part Ulysse, des Papooz ! Il m’inspire. En revanche, dans les personnes moins connues voire totalement inconnues, là il y a beaucoup de monde. Des jeunes qui passent dans la rue ou que je croise dans les friperies, des airs de Bowie, tous, mais de Bowie d’aujourd’hui. Des filles de toutes les origines qui, comme moi, s’inventent une beauté qu’elles ne voient nulle part représentées. Des êtres étranges et fiers de l’être, aussi. Tout cela me galvanise.”
Photographe : Adeline Mai
Journaliste : Eugénie Trochu
Styliste : Morgane Bedel
Hair et make-up : Sergio Villafane
Vidéo : Etienne Baussan
Montage : Sofiana Pubill
Production : Mathias Holst
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