Quelques semaines avant que le reste du monde, après la Chine, bascule à son tour dans le confinement et que les salles de concert ferment partout leurs portes pour une durée indéterminée, le groupe punk féministe Sleater-Kinney a livré une prestation puissante au Trianon, le 24 février 2020, à Paris, ville qui les accueille toujours avec ferveur.

De leurs premiers tubes imparables, comme Modern Girl ou Dig Me Out, en passant par leurs derniers titres brutaux, comme Hurry On Home To Me, Carrie Brownstein et Corin Tucker, toujours aussi complémentaires, se sont aussi amusées à reprendre Gloria, de Laura Branigan.

Rencontre exclusive avec Sleater-Kinney à Paris

Les deux quadragénaires américaines sont les membres restants, le noyau dur, de cette formation emblématique issue de la mouvance riot grrrl, fondé il y a plus de 25 ans. Il y a presque deux ans, leur batteuse emblématique et troisième membre officielle, Janet Weiss, a décidé de s’en aller, à la suite de désaccords artistiques lors de l’enregistrement de leur dernier album, The Center Won’t Hold*.

Un disque brut, sombre, avec quelques coups d’éclats lumineux, qui aborde #MeToo, mais aussi, la tension généralisée régnant dans l’Amérique de Trump, exacerbant les différences et discriminations envers les femmes et les minorités sexuelles ou raciales. Cet album fait à nouveau la preuve de la nécessité de Sleater-Kinney, bâtisseuses d’hymnes engagés depuis leurs débuts, dont les membres s’étaient disséminées entre 2005 et 2015, avant de revenir avec l’excellent No Cities To Love (Sub Pop, 2015).

Carrie Brownstein et Corin Tucker ont accepté de se confier en exclusivité à Marie Claire, seul média français auquel elles ont répondu lors de leur passage au Trianon. Un entretien-fleuve, plein de rage et d’espoir.

Marie Claire : À quel centre faites-vous référence avec le titre The Center Won’t Hold ? Intime ou politique ?

Carrie Brownstein : Les deux. Je pense qu’on voulait parler de l’instabilité de structures, aussi bien identitaires, communautaires que politiques. Parler de la fragilité des choses que nous pensions, à tort, solides, pour le meilleur comme pour le pire. Peut-être bien que le centre doit se briser pour que quelque chose de plus consistant en prenne la place. Ce n’est pas désespéré, mais on voulait parler du chaos, des perturbations internes et externes à l’oeuvre.

Corin Tucker : Les gens se sentent très attachés à la politique aux États-Unis en ce moment. Ça devient quelque chose de très personnel, ce que vous pensez du président Trump, des conséquences de ce qui se passe. C’est à la fois personnel et politique.

Pensiez-vous que vous aviez une responsabilité à parler de ces tensions qui ont surgi avec l’élection de Donald Trump ?

Corin Tucker : Je ne suis pas sûre que ce soit une responsabilité plus que l’envie d’avoir un exutoire, une voix. Vous savez, l’époque est si difficile aux États-Unis, et la musique est un excellent moyen de ressortir vos émotions et de dire votre histoire.

Carrie Brownstein : Je suis d’accord. Je ne pense pas qu’on ressente la moindre responsabilité, si ce n’est celle de continuer à sortir des albums et nous mettre constamment au défi. Notre approche est d’être généreuse, et d’avoir envie de nous connecter aux autres. La tâche qui importe le plus, c’est de faire un album. Car si les chansons ne sont pas mémorables, leur message ne l’est pas non plus.

Que faites-vous pour maintenir la rage qui vous permet d’écrire vos chansons ?

Corin Tucker : Sur certains points, les choses n’ont pas vraiment changé pour les femmes. Il y a de quoi être énervées. Beaucoup d’injustices demeurent, pas seulement envers les femmes, mais aussi envers les immigrés et les personnes racisées. Il y a encore beaucoup de matière à être énervées.

Carrie Brownstein : L’intérêt est aussi de transformer le langage de la rage. Elle n’a pas à être forcément véhiculée par quelque chose de bruyant, par le fait de crier. On peut transformer la peur et l’énervement en quelque chose de magnifique et doux. Sur cet album, nous avons exploré une palette de sons beaucoup plus large que le simple fait de crier. Parce que nous sommes dans un environnement politique où le président ne fait que crier sans arrêt. On a voulu s’éloigner de ça.

Beaucoup d’injustices demeurent, pas seulement envers les femmes, mais aussi envers les immigrés et les personnes racisées. Il y a encore beaucoup de matière à être énervées.

Vous ne vouliez pas crier plus fort que lui ?

Carrie Brownstein : Comment ce serait possible ? [Elle sourit]

Vous explorez, en effet, un large spectre musical sur cet album. Ce qui domine, c’est une ambiance industrielle, très rude et corrosive. Pourquoi avoir voulu tendre vers cela ?

Corin Tucker : Nous voulions travailler avec une différente palette musicale qui aie une ambiance industrielle, corrompue, de survie face à des grosses entreprises. Et on voulait faire quelque chose de différent de tout ce que nous avions pu faire auparavant.

Cet album se rapproche pourtant de votre précédent, No Cities To Love. Comme si vous aviez voulu prolonger l’exploration de ce que veut dire vivre dans une grande ville en ce moment, avec ses tensions, ses manifestations, et le fait qu’il faut se battre pour continuer à se faire entendre.

Carrie Brownstein : J’apprécie beaucoup que vous ayez vu un lien avec No Cities To Love. Au niveau du son, il y en effet beaucoup de similarités. Les guitares y sont beaucoup harmonisées, il y a des choeurs et des pédales d’effet. Il y a une approche maximaliste où on veut prendre une note et en retirer le plus de son possible. Bien sûr, on est allées plus loin sur ce disque. Mais je pense que c’est aussi parce que c’est comme ça qu’on se démarque dans le paysage musical en ce moment. Il y a un sentiment de chaos, de disruption. Même si certaines paroles sont très intimes sur cet album, nous les incluons dans un cadre parfois plus brutal.

Il y a un sentiment de chaos, de disruption.

Le fait que vous parveniez encore à écrire des chansons si révoltées est d’autant plus impressionnant que vous vivez à Portland, une ville réputée pour être une bulle progressiste où il ferait bon vivre. Comment restez-vous éveillées dans ce cadre ?

[Elles rient]

Corin Tucker : En effet, nous vivons dans une bulle progressiste. Mais les infos sont en permanence à portée de main, c’est impossible de s’en retirer. Vous êtes toujours au courant de ce qui se passe aux États-Unis, et vous vous y sentez connecté. Nous le reflétons parce que nous y sommes aussi attachées.

Carrie Brownstein : Je pense que le danger à vivre dans ces mini utopies est de devenir trop passifs ou de penser que les gens n’ont pas vraiment de problèmes. La réalité, c’est qu’il y a des problèmes, même à Portland : des disparités de richesse, beaucoup de racisme et de discriminations de classes. Il faut surmonter cette bulle afin de rester éveillé et conscient. Il ne faut pas trop se laisser engourdir dans la ville où l’on vit, même si elle est aussi belle que Portland [rires].

Corin, vous parliez du fait d’être constamment au courant de ce qu’il se passe. Vous dénoncez d’ailleurs l’hyperconnectivité prégnante sur le titre The Future Is Here. Pourquoi ce sujet vous paraît-il important ?

Corin Tucker : Je pense qu’on va découvrir que ce n’est vraiment pas bon pour nous. Consommer l’information sur son téléphone en permanence, mais sans se parler en face-à-face les uns les autres, je pense que ça nous manque beaucoup, en tant qu’êtres humains. Et c’est un pays si gigantesque : nous avons une population énorme, et donc, des problèmes énormes. Parfois, on se sent débordé à force de recevoir ces problèmes en pleine face, et qu’ils s’empilent. C’est un sujet qui me tient particulièrement à coeur, et il est ressorti tout seul lorsque nous écrivions l’album.

Carrie Brownstein : La technologie peut nous engourdir un peu, mais je pense aussi qu’elle permet à certaines personnes de se sentir moins seules. Mais en même temps, il y a des études qui montrent qu’elles rendent les gens plus abattus et déprimés. Il faut trouver un équilibre et ne pas oublier les gens autour de soi. C’est bien de maintenir ces vraies connexions quand cela est possible, de continuer aussi bien autour de vous que loin. Tout le monde a une relation compliquée à la technologie. Les grandes entreprises high-tech proposent désormais des logiciels à l’intérieur de leurs produits qui nous permettent de moins les utiliser, ils ont conscience qu’ils ont créé des monstres ! Mais c’est bien pour certaines choses, bien sûr : c’est super de voir notre musique être disponible partout à travers la planète, de voir les retours des gens. Enfin, parfois les gens disent aussi des choses méchantes ! [Elle rit.] C’est difficile. Il y a aussi beaucoup de trolls et de canaux alimentant la rage.

Il ne faut pas trop se laisser engourdir dans la ville où l’on vit, même si elle est aussi belle que Portland

Mais est-ce que ça ne vous permet pas aussi d’être en contact avec un public plus jeune ?

Carrie Brownstein : Tout à fait ! On adore ce côté-là. On n’utilise pas beaucoup Twitter, mais quand on est en tournée, on est beaucoup sur Instagram. Les meilleures personnes sur ce réseaux sont les jeunes fans. C’est marrant de communiquer avec eux. Il y a quelque chose de merveilleux chez eux, cette génération Z. Tout est si fluide, ils abattent les barrières, ils ne font pas de distinction en fonction de l’âge. On a des fans qui ont 20, 25 ans de moins que moi. Ils peuvent aussi bien écouter Patti Smith que Billie Eilish. Pour eux, c’est juste de la musique, et ça me plaît. Je pense que notre génération, celle des millennials, est plus regardante sur l’âge en se disant « Ça, ce n’est pas pour nous, c’est pour vous ».

Qu’est-ce qui vous relie à ce public plus jeune ?

Corin Tucker : Je pense que c’est la musique. Notre espoir, c’est qu’ils aiment la nôtre. Et puis, ils viennent à un concert, et il s’avère qu’ils connaissent les chansons par coeur ! Un avantage à la technologie, c’est qu’elle leur donne accès à certaines de nos chansons qui sont sorties il y a 22 ans.

En tant que féministes, comment écrit-on un album dans l’ère post-#MeToo ?

Carrie Brownstein : Le sexisme, le harcèlement sexuel sont des thèmes que l’on retrouvait déjà dans nos premiers albums. Le vocabulaire a changé, il y a de nouvelles vagues, mais nous avons conservé le même rôle. Les choses changent autour de nous, mais on joue toujours de la musique qui est largement féministe. Tout n’a pas un message ou un but, tout n’est pas un hymne, mais ça a toujours été notre position. Depuis les tous débuts, avec Self-Titled ou Call The Doctor, I Am Not Waiting, Little Mouth… elles s’inscrivent toutes là-dedans.

Corin Tucker : Je suis d’accord, mais je pense que même si nous chantons sur ces sujets depuis longtemps, c’était important pour moi de trouver un lien à #MeToo. Dans la chanson Broken, je prononce ces mots « Me Too ». Parce que je trouve qu’en tant que femmes, nous sommes plus fortes si nous sommes connectées. On n’est pas la seule à avoir vécu ça, c’est aussi le cas de femmes plus âgées, ou plus jeunes. Et plus on voit qu’on est toutes dans le même bateau, plus on a de pouvoir pour changer les choses. Pour moi c’est très important de se connecter les unes aux autres.

Le sexisme, le harcèlement sexuel sont des thèmes que l’on retrouvait déjà dans nos premiers albums. Le vocabulaire a changé, il y a de nouvelles vagues, mais nous avons conservé le même rôle.

Vous qui chantez des titres féministes depuis si longtemps, comment avez-vous vécu l’arrivée de #MeToo ? Avez-vous été soulagées ? Pensez-vous qu’il puisse changer quoique ce soit ?

Carrie Brownstein : On ne s’est pas senti soulagées, car cette vague a apporté beaucoup de récits de souffrance, et on a pris conscience d’à quel point la vie d’une personne peut être détruite ou marquée par cela. Mais il y a un soulagement dans le fait qu’on s’en rende compte, comme l’a dit Corin, dans le fait que cela crée des communautés sur lesquelles on peut compter, dans lesquelles on peut avoir confiance, dans le fait de se sentir vues ou entendues. Je pense que le progrès est inévitable, il arrive par vagues ou cycles. Mais dès qu’il y a une période de conscientisation, on ne va pas frontalement vers l’avant. On assiste surtout à des petites vagues de changement, et espérons, de changement systémique. On voit des grosses entreprises commencer à arrêter de recourir aux NDA, à reconnaître que certains environnements de travail sont dangereux ou pas sûrs pour certaines personnes. Je ne parlerais pas de soulagement, mais il y a carrément un petit sentiment d’optimisme.

En tant qu’artistes, vous êtes-vous senties moins seules en en voyant d’autres parler de ces violences à une aussi grande échelle ?

Carrie Brownstein : Il y a toujours eu des artistes qui en ont parlé.

Corin Tucker : Oui, mais je pense que la société discute maintenant à une échelle beaucoup plus large de ce qu’est la limite entre ce qui est vu comme acceptable et ce qui ne l’est pas. Et c’est très positif.

Plus on voit qu’on est toutes dans le même bateau, plus on a de pouvoir pour changer les choses. 

Dans les milieux culturels, on a surtout parlé de #MeToo dans le cinéma, mais très peu dans la musique. C’est encore le cas. Comment l’expliquer ?

Corin Tucker : Je pense qu’à certains égards, l’industrie de la musique est un peu moins hiérarchique que l’industrie du cinéma. Parce que vous avez besoin de moins d’argent pour sortir un album qu’un film. [Elle soupire et réfléchit] Si je suis optimiste, je dirais qu’il y a moins d’hommes nocifs dans la musique. Même si, bien sûr, des histoires du milieu de la musique sont sorties avec #MeToo.

Carrie Brownstein : Cette industrie n’est plus aussi verticale qu’avant. Aujourd’hui, les gens n’ont plus besoin de maisons de disque. Mais je pense que subsiste encore cette mythologie d’une mystique masculine, l’idée du génie solitaire qui peut faire ce qu’il veut en toute impunité car « il a des problèmes ». Ça, c’est une manière très masculine de considérer les génies. Les gens sont encore susceptibles d’être manipulés et se laisser convaincre par ce genre d’idéologie. Je ne veux pas dire qu’il y a moins de problèmes, car des voix continueront à se faire entendre, mais en tout cas, structurellement, c’est un peu différent que dans d’autres milieux.

Certaines artistes féminines ne veulent plus qu’on leur demande ce que ça leur fait d’être une femme dans l’industrie de la musique. Pensez-vous que cette question a un intérêt ?

Corin Tucker : J’aimerais bien qu’on demande aux hommes ce que ça leur fait d’être des hommes dans l’industrie de la musique. Si on questionnait plus les hommes sur leur rôle genré, et le fait qu’ils sont responsables de leurs actions, alors cette question serait plus juste. Si on demandait aux hommes : « Qu’est-ce que ça fait d’être un homme ? Qu’est-ce que ça fait d’être un père ? », alors ces questions seraient plus égalitaires. Mais on n’y est toujours pas. On ne leur demande toujours de répondre de leur rôle.

Avec vos plus de 25 ans d’expérience, avez-vous constaté des améliorations pour les femmes dans ce métier ?

Corin Tucker : Oui ! Les femmes occupent de nouveaux rôles, elles dirigent des maisons de disque, elles produisent des albums, elles s’occupent de leurs tournées, elles réservent des salles… C’est encore plus fréquent qu’à nos débuts. C’est un changement positif.

Carrie Brownstein : Le fait que la musique pop domine, en tout cas aux États-Unis, fait que de nombreux singles amènent des chanteuses, puisque ce genre est essentiellement féminin, au sommet des ventes. On voit aussi de plus en plus de groupes entièrement féminins, ou menés par des femmes. Plus que quand nous avons commencé.

Si on demandait aux hommes : « Qu’est-ce que ça fait d’être un homme ? Qu’est-ce que ça fait d’être un père ? », alors ces questions seraient plus égalitaires.

Tout à l’heure, vous parliez de vos anciens morceaux. En quoi Modern Girl, l’un de vos titres-phares, est-il toujours d’actualité ? L’idée d’être une « fille moderne » demeure une obsession.

Carrie Brownstein : Sa définition peut muter. Il n’y a pas une seule essence de « fille », j’en suis une, mais je me vois aussi comme une femme. Il y a l’idée du rôle qu’on joue en tant que fille. Cette chanson est si large qu’elle permet à toute femme de s’y retrouver, de se demander qui elle est à un moment, pourquoi elle se se sent parfois éloignée des autres, ou triste. L’idée, c’est de retranscrire cette sensation de tristesse. Ce titre semble toujours avoir du sens, à chaque soir qu’on le joue sur scène.

Nous avons neuf albums à notre actif, et quand nous établissons la liste des chansons que nous jouons en concert, nous essayons de faire ressortir les morceaux pour lesquels nous avons encore de l’affection, et qui ont encore un intérêt à être joués. On ne joue que ce qui nous semble encore neuf chaque soir. Cela se fait de manière assez naturelle, et en général, tout le monde est d’accord. On le mesure aussi à la réaction du public. Il arrive qu’on joue une chanson et qu’on se rende compte que les gens s’y sentent encore connectés, qu’elle est intemporelle. On voudrait que ce soit le cas pour toutes les chansons qu’on écrit, mais ce n’est bien sûr pas possible.

Can I Go On est l’un des titres les plus nerveux de l’album, où vous hésitez à tout balancer, et j’ai cru y voir une conséquence de Modern Girl. Le propos est très sombre, mais le rythme de la chanson est enjoué. Le clip montre deux femmes en milieu de vie qui abandonnent les apparences et se battent l’une contre l’autre. Qu’avez-vous voulu exprimer avec cette chanson ?

Carrie Brownstein : On a voulu faire une chanson où les paroles montre qu’on est sur le point de craquer, mais avec une mélodie joyeuse et accrocheuse. Cette chanson explore ce sentiment de tristesse, d’abattement, de déconnexion, au point qu’on se demande si on peut continuer comme ça. Les refrains sont chantés à plusieurs voix, et ça reflète ce qui se passe en ce moment : vous vous retrouvez dans une pièce pleine de gens et vous vous sentez très mal et triste. Mais j’imagine que c’est mieux de souffrir avec toutes ces personnes, c’est comme d’aller en manif. Il faut garder en tête qu’il est important de partager sa sensibilité.

Revenons sur la chanson Broken. C’est un très beau piano-voix où vous vous mettez, Corin, dans la peau de Christine Blasey Ford, la femme qui a accusé le juge Brett Kavanaugh d’agression sexuelle, alors qu’il était nommé à la Cour suprême américaine par Donald Trump. Pourquoi avoir voulu écrire une chanson à ce sujet ?

Corin Tucker : C’était un moment où il fallait se sentir enragé, désespéré et profondément triste par le résultat de son audition devant la Cour suprême [Brett Kavanaugh a finalement été accepté au sein de la Cour suprême, ndr]. C’était une manière de prendre ces sentiments et les rassembler dans une jolie forme. Ce n’est pas quelque chose que nous avons fait tant de fois, en tant que musiciennes, de prendre quelque chose qui nous énerve et en faire quelque chose de mélodique et joli. C’était un défi intellectuel intéressant.

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À Pitchfork, vous avez expliqué que vous vouliez vous lâcher sur cette chanson, alors que vous avez toujours ressenti la responsabilité de devoir incarner un message positif. Est-ce que le mouvement #MeToo vous pousse à davantage exprimer une autre facette ?

Corin Tucker : Complètement. Parfois, il faut juste admettre qu’on se sent triste. Le fait qu’elle n’ait pas été respectée durant son audition a été un énorme échec. Elle a quand même mis toute sa vie en jeu…

C’était douloureux à regarder.

Corin Tucker : C’était très douloureux. Et on a le droit d’être parfois juste triste ou en colère. Les femmes pensent qu’elles doivent toujours se demander comment elles vont pouvoir réparer les choses, mais artistiquement, rien ne nous y oblige. On peut juste être énervé par quelque chose, et se contenter de le dire.

La chanson Love est votre lettre d’amour à Sleater-Kinney. Pourquoi l’avoir écrite maintenant ?

Corin Tucker : Pour compléter ce que disait Carrie sur le fait de se sentir un peu moins mal quand on chante avec ses amis, on se rend compte de la force de l’amitié. Travailler avec l’une de ses meilleures amies depuis 25 ans, c’est vraiment merveilleux. Quand vous atteignez un certain âge, vous vous dites : « Oh, mais on peut chérir cette amitié, ce groupe, et en être heureux ». Ça a représenté une force, tout au long de ces années.

Carrie Brownstein : On doit aussi créditer Annie [Clark, connue sous le nom de scène St. Vincent, qui a produit cet album, ndr]. Elle a été une fan du groupe pendant des années, avant de produire cet album. Nous voulions montrer l’affection, l’amour platonique entre les membres du groupe, mais aussi entre les fans et le groupe. L’idée était de capturer cette gratitude.

*The Center Won’t Hold, Sleater-Kinney, Mom + Pop, 2019

Merci à Emma Boesch de Caroline International France

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