En plein boom de la joaillerie éthique, mettre en avant un emballage eco-friendly semble une évidence. Et pourtant, ce détail prend parfois des allures de véritable bataille. Tour d’horizon avec deux créatrices françaises engagées, Claire Roche et Elise Tsikis, qui lèvent le voile sur les dessous du système.

Si beaucoup d’encre a déjà coulé sur les process établis par les jeunes créateurs pour pouvoir tracer les pierres, recycler leur or ou s’offrir une matière certifiée Fairmined, un détail reste bien souvent dans l’ombre, il s’agit du packaging. L’ultime étape joaillière qui reste dans les mémoires ou les archives et qui dissimule bien souvent bon nombre d’indices sur la démarche et l’univers du créateur, même si cet écrin reste un support de second plan par rapport au bijou désiré.

Et c’est d’ailleurs bien souvent l’objet le plus difficile à convertir au green comme le confirme Elise Tsikis, qui s’apprête à dévoiler dans quelques mois le résultat de ses recherches. «Avant, il y avait un aimant qui venait fermer mon emballage, ce qui n’est vraiment pas eco-friendly. Si je veux le supprimer, il me faut repenser l’intégralité du système pour rester solide, tout en garantissant une fermeture facile.» Par chance, cela fait déjà quelque temps que la créatrice s’est penchée sur cette question car la transition prend un temps infini.

Boîtes noires

L’emballage engagé de Nu Atelier.

Le temps, c’est justement un des obstacles cités par cette nouvelle vague de créateurs. Lorsque Claire Roche a commencé à esquisser un packaging à l’image de sa marque, Nu Atelier, elle n’imaginait pas le nombre d’allers-retours et de détours qu’il allait lui falloir emprunter. «Pour moi, le plus important c’était de penser un emballage écoresponsable qui ait un impact environnemental minimum tout en garantissant un impact social positif», précise-t-elle d’emblée. C’est là que les désillusions démarrent.

«À l’origine, je voulais développer un emballage moins classique mais j’ai rapidement réalisé que toutes les pistes que j’avais identifiées (pack sous vide, thermoformé, doypack, etc) contenaient soit du plastique soit de l’aluminium (voire les deux), des matériaux encore très compliqués à recycler dans leur intégralité. Je me suis ensuite tournée vers un étui en cellulose moulée (le matériau des boîtes d’œufs qui réutilise du papier journal), seulement les fabricants qui réalisent cela en France (et qui travaillent surtout pour l’agroalimentaire) ne démarrent pas en dessous de 50.000 – 70.000 pièces, impensable pour moi. Il est possible de faire tomber ce chiffre à 10.000 pièces en le faisant réaliser en Asie, ce que je ne souhaitais pas. Enfin, sur de tous petits projets et lorsque comme moi on est nouveau dans le secteur, nos demandes passent forcément derrière celles des grands groupes, donc même en trouvant un fabricant qui accepte de prendre le projet (malgré les petites quantités), le temps de développement peut vite être très long», ajoute-t-elle.

Souffle green

La créatrice de bijoux Elise Tsikis.

Là se profile alors la seconde difficulté de taille : les coûts financiers qui finissent par peser lourd dans le budget de cette nouvelle garde inspirée. Une première option serait de se tourner vers des intermédiaires, qui sont apparus en nombre dernièrement depuis que le sujet est en vogue. Au risque de ne plus pouvoir garantir une fabrication 100% française, ce qui, pour Claire Roche, était non négociable. Ne reste plus pour beaucoup qu’à travailler en direct avec des fabricants locaux. «Aller chez eux, c’est pour moi le meilleur moyen de m’assurer de leur façon de travailler. En contrepartie de cette exigence, j’ai dû payer des outillages, parfois respecter certaines quantités minimum. Et je me retrouve avec un coût d’emballage à la pièce important, ce qui impacte forcément mes marges», poursuit Claire Roche.

Pour autant, aucune des deux créatrices ne regrette de s’être lancée dans cette bataille, qui ne cesse de se modifier et de se simplifier au gré de la tendance, de l’offre et de la demande. Une manière de changer le visage de la joaillerie à leur échelle et surtout d’attirer le regard d’une nouvelle clientèle qui a fait de l’engagement sustainable sa priorité absolue.

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