Si vous pensiez avoir tout vu sur les tueurs en série, vous vous trompez. La déconcertante série Shining girls, disponible depuis le 29 avril sur Apple TV+, mène le public par le bout du nez en mêlant habilement les codes du thriller à ceux du fantastique. D’épisode en épisode, le scénario se laisse envahir par une certaine étrangeté où le temps se distend et où les personnages sont bousculés dans leurs certitudes. La série propose un objet télévisuel captivant qui dévoile un psychopathe ultra-dérangeant présenté sous les traits de Jamie Bell (Billie Elliot).
Adaptée du roman Les Lumineuses de la romancière sud-africaine Lauren Beukes, Shining girls raconte l’histoire de Kirby Mizrachi, campée par la magnifique Elisabeth Moss (Handmaid’s tale, Mad Men, Top of the Lake), archiviste pour un journal de Chicago qui n’a jamais réussi à se relever d’une tentative de meurtre à laquelle elle a survécu.
La persistance du traumatisme
Après la découverte du corps d’une jeune femme dont les blessures sont similaires aux siennes, elle se lance dans une enquête pour connecter cet homicide et sa propre agression et tenter de soigner ses plaies. Cette première victime la mène à huit autres femmes assassinées dans des circonstances similaires et dont les enquêtes ont été abandonnées par la police.
Accompagnée de Dan Velasquez, un journaliste brillant mais assommé par l’alcool, elle révèle au fil des épisodes la persistance de ses traumas. Depuis sa sortie de l’hôpital, Kirby a perdu tous ses repères. Si son esprit est affûté sur le terrain de l’enquête, sa mémoire lui fait défaut concernant toutes les choses les plus élémentaires de la vie. Elle se réveille dans une réalité qu’elle peine à comprendre et plonge chaque jour dans un abîme d’incompréhension plus vertigineux. Vit-elle avec sa mère ? A-t-elle épousé Marcus ? Habite-t-elle au deuxième ou au troisième étage de son immeuble ? Un soir, elle s’endort auprès de son chat, le lendemain, un chien lui saute sur les genoux. La mise en scène offre ainsi une expérience sensorielle semblable à celle de The Father de Florian Zeller, plongeant le spectateur dans le même trouble que son héroïne. Chaque jour, la jeune femme doit rapprivoiser son existence grâce à un journal intime dans lequel elle note le moindre détail de son quotidien pour tenter d’y trouver du sens.
Un prédateur omniscient et omnipotent
La question du temps est centrale dans la série et l’apparition d’éléments fantastiques lui donne encore plus de force. D’une part l’inefficacité du temps pour adoucir les blessures physiques et psychiques d’une victime d’un tueur en série. D’autre part, l’omniscience du psychopathe qui traverse les époques sans vieillir, capable d’anticiper le futur, comme une métaphore du sentiment d’emprise que ressent la victime, coincée dans un piège à l’issue inéluctable. Il choisit sa proie dès l’enfance, la traque, l’observe d’année en année sans jamais être repéré. Il a le contrôle du présent, il connaît le futur et hante le passé. Comment Kirby a-t-elle brisé la boucle temporelle ? Comment les victimes peuvent-elles être liées à plusieurs décennies de distance et, surtout, comment le tueur parvient-il à vivre hors du temps ?
Shining girls donne un visage inédit au prédateur et parvient à renouveler le thriller en flirtant avec la science-fiction. Difficile de ne pas crier au génie devant les quatre premiers épisodes disponibles qui réussissent à donner au spectateur un réel sentiment de danger. Ça faisait longtemps qu’on n’a pas eu de telles sueurs froides devant une série, et ça fait du bien.
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