Dans l’esprit de la plupart d’entre nous, une relation sexuelle sans atteindre la jouissance ultime ne cadre pas avec l’idéal qu’on s’en fait. Et si on se libérait de cette obligation ?

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Croire dur comme fer que l’orgasme constitue le Graal quand on fait l’amour ne vient pas de nulle part. On le doit en grande partie à la révolution féministe des années post-soixante-huitardes.  » À ce tournant de l’Histoire, les femmes ont commencé à revendiquer non seulement leur autonomie économique mais aussi leur liberté sexuelle. Elles ont affirmé haut et fort leur droit à jouir sans entrave, à l’égal des hommes. L’orgasme est alors devenu le symbole de cette nouvelle liberté à conquérir. Et par n’importe quel orgasme : il fallait qu’il soit paroxystique afin d’être à la hauteur de cette révolution en train de s’accomplir ! « , analyse la sexologue Valérie Cordonnier. Depuis cette époque-là, on nous rebat les oreilles de cette histoire de plaisir qui monte, qui monte, qui monte… pour s’achever dans un véritable feu d’artifice. Le Larousse lui-même est clair dans la définition qu’il donne du mot :  » Point culminant du plaisir sexuel caractérisé par des sensations physiques intenses.  » Face à une description aussi louangeuse, on a vraiment l’impression de passer à côté de quelque chose d’essentiel lorsqu’on ne l’atteint pas ou bien de façon moins explosive que la légende le décrit. On peut même avoir l’impression d’être un peu infirme. D’où la tentation, parfois, de la simulation : plutôt faire semblant que de passer pour frigide !

Moins de pression, plus d’émotions

Si l’orgasme continue de régner en maître sur nos inconscients sexuels, c’est aussi de la responsabilité des hommes. Loin de nous l’idée de taper gratuitement sur la gent masculine, ce n’est pas notre genre ! Mais reconnaissons que cette image de la femme en proie à une jouissance si ardente qu’elle en perd complètement les pédales est plutôt flatteuse pour le  » mâle «  : n’est-ce pas lui qui a réussi à la transporter au septième ciel ?  » Pendant un court instant, cela lui donne une impression de toute-puissance, l’illusion de posséder sa partenaire et de pouvoir faire d’elle ce qu’il veut. En ce moment suspendu, il a aussi le sentiment très excitant de s’approcher au plus près de ce fameux continent noir qu’est pour lui la sexualité féminine, d’en percer enfin le secret. Avant d’ailleurs qu’il ne lui échappe à nouveau… jusqu’à la prochaine fois « , observe la sexologue. Pour un amant, un puissant orgasme (si possible expressif) de sa partenaire est surtout éminemment rassurant sur ses compétences. Normal donc que les hommes en soient les plus fervents défenseurs. S’il ne vient pas conclure une relation sexuelle, ils craignent de ne pas savoir décoder si leur amoureuse a eu ou non du plaisir. Mais c’est une arme à double tranchant.  » Les hommes, comme les femmes, sont victimes de cette dictature. Pour certains, cela devient même une obsession pendant la relation : vais-je réussir à l’amener jusque-là ? « , constate-t-elle.

Pour remettre l’orgasme à sa juste place, c’est-à-dire pour ne pas en faire un passage obligé, il va donc falloir actualiser notre logiciel. Peut-être pouvons-nous tout simplement commencer par nous ficher la paix ! Essayons de faire l’amour autrement,  » à la cool  » diraient les jeunes, sans objectif à atteindre, sans exigence de performance.  » C’est justement parce qu’on se fiche de la destination finale que l’on va s’autoriser à emprunter toutes les directions, dans un total lâcher-prise. Cette manière-là de faire l’amour, légère et détachée, c’est la porte ouverte à toutes les émotions et variations possibles « , explique Valérie Cordonnier.

La sensualité, c’est le pied !

On va s’embrasser, se caresser, mêler les corps, les emboîter. Et cela, seulement pour le plaisir du moment présent, sans s’obstiner à vouloir absolument le faire monter crescendo jusqu’à l’explosion finale. On se sent bien, apaisée, détendue, vivante… et cela nous suffit.  » On peut sans doute définir cette jouissance comme un état de connivence extrême où l’on a l’impression de ne faire qu’un avec son partenaire, d’être le prolongement l’un de l’autre. De quoi souder encore davantage le couple. Peut-être même plus que l’orgasme, qui constitue un plaisir un peu plus égoïste, chacun étant focalisé sur le sien au moment où il survient « , souligne-t-elle.

Bien sûr, notre compagnon devra aussi changer sa propre grille de lecture et s’habituer à l’idée que le « bouquet final » ne fait pas la réussite d’une relation sexuelle. Le mieux sera peut-être de nous livrer à une petite explication de texte :  » Tu sais, chéri, je suis tout à fait comblée même quand je n’ai pas un orgasme à faire trembler les murs !  » À chacune de trouver son style pour lui faire passer le message mais l’essentiel est là. Une fois rassuré, il pourrait lui aussi vivre cette nouvelle donne comme une libération et s’autoriser à davantage flâner en chemin. Mais comme il ne sera pas forcément très créatif, on peut lui faire quelques propositions.  » L’idée est de l’orienter vers davantage de sensualité et de lui donner envie de prendre son temps. Par exemple en  » travaillant  » un peu le décor grâce à des lumières tamisées ou des bougies qui inciteront à une musarderie coquine. En innovant du côté de la tenue, grâce à un déshabillé et des jolis dessous qui seront un appel à l’effeuillage « , suggère Valérie Cordonnier. On le sait, tout ça, mais pourquoi ne le fait-on jamais alors ? Allez, on se lance !

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