L’expression vocale débridée de leurs ébats pourrait nous amuser, voire nous exciter. Mais non, elle nous agace profondément ! Et cette humeur ronchonne en dit beaucoup sur notre propre sexualité. Explications.
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Nous n’en pouvons plus des « Oh, oui ! », « Ah, c’est bon ! » exprimés avec force décibels par nos voisins chaque fois qu’ils font l’amour. Nous nous disons choqués par leur manque de savoir-vivre. Soit. Mais il y a fort à parier que si leur vacarme n’avait rien de sexuel, nous serions, certes énervés, mais beaucoup moins sur le mode de la dignité outragée. La preuve que notre problème se situe (aussi) ailleurs que dans le non-respect des règles de politesse. « Profondément marqués par notre héritage judéo-chrétien, nous avons dans l’idée que la sexualité doit rester la plus discrète possible, car elle serait inconvenante par nature. Si elle se donne trop à voir ou à entendre, elle devient obscène, donc moralement répréhensible » décrit Valérie Cordonnier, sexologue.
Eux, c’est eux, et nous, c’est nous
Au-delà du jugement moral pointe aussi, sans doute, un peu de jalousie… même s’il n’est pas question pour nous de le reconnaître. Quand nous entendons le couple d’à côté s’éclater au lit, nous envions leur enthousiasme et leur relation totalement décomplexée à la sexualité. Avons-nous seulement connu un jour de si chaudes et expressives effusions ? Leurs cris nous renvoient à un bilan comparatif de notre vie sexuelle, pas forcément très réjouissant. « Par opposition à ces voisins qui sont capables de vivre leur libido dans toute sa dimension animale et pulsionnelle, nous prenons conscience de nos propres inhibitions. Finalement, nous n’avons jamais osé nous lâcher vraiment », avance la sexologue. Autrefois, parce que les enfants étaient dans la chambre d’à côté, et aujourd’hui, à cause (ou peut-être au prétexte) de l’entourage.
Et puis, la peur n’est probablement pas très loin. « Telle femme craint que son conjoint ne la trouve “coincée” en comparaison avec ce qu’il entend dans l’appartement voisin. Tel homme redoute que sa femme ne le juge peu “performant” par rapport à ce voisin qui semble transporter, à tous les coups, sa partenaire au 7e ciel. C’est un peu la panique à bord ! », s’amuse la sexologue.
Entre fantasmes et réalité
Mais pourquoi cet irrépressible besoin de nous comparer aux autres ? On sait bien que ça risque de faire mal, qu’il y aura toujours mieux et plus enviable ailleurs ! « Si la comparaison est un réflexe très humain concernant l’ensemble des domaines de notre vie (apparence physique, réussite professionnelle, déco de notre intérieur, etc.), elle l’est encore davantage en matière de sexualité. Les doutes et questionnements sont si forts, les réponses si difficiles à trouver, que nous sommes prêts à nous nourrir à toutes les sources, notamment en scrutant ce qui se passe ailleurs », analyse Valérie Cordonnier.
Mais en nous imaginant que nos voisins, apparemment si experts, ont les clés du plaisir garanti, nous nous fourvoyons. Nous sommes en train de nous construire un roman à partir de quelques cris et gémissements. Si ça se trouve, l’auteur(e) de ces emballements vocaux est en pleine simulation. Si ça se trouve, ils ne font ça que pour énerver les grincheux de la copropriété. Si ça se trouve, leur vie de couple est calamiteuse. Alors arrêtons de fantasmer sur ce qui se passe dans leur lit, et intéressons-nous plutôt à nos propres pratiques : ce sera plus constructif.
Prière de déranger !
Livrons-nous à une petite introspection à la mode psy : si les râles sexuels derrière la cloison nous indisposent autant (après tout, ils pourraient nous exciter et nous donner envie de faire la même chose), c’est bien qu’ils viennent titiller quelque chose de profond en nous. Des regrets ? Effectivement, nous avons peut-être trop cherché à ne déranger personne… À tel point que nous avons fini par ne plus nous déranger nous-mêmes, et même par nous assoupir !
« Lorsqu’on bride sa sexualité, en s’interdisant, par exemple, de crier trop fort ou de faire l’amour dans le salon parce que cela créerait du désordre parmi les coussins du canapé, on ne peut que l’appauvrir. On l’enferme dans un cadre contraint de règles immuables – unité de temps (on fait l’amour toujours au même moment), unité de lieu (toujours au même endroit) et unité d’action (toujours selon le même scénario) –, peu propices à la créativité », observe la spécialiste. C’est peut-être le moment d’admettre que, pour être épanouissants, nos ébats méritent de jouer parfois avec quelques petites transgressions.
Pour le plaisir
À nous de trouver nos petits « dérapages sur mesure », ceux qui conviendront à notre couple, nous réveilleront et nous feront vibrer, sans pour autant trop secouer le cocotier. Un concours de vocalises sexuelles avec les voisins ? Ça se tente. Dès qu’on les entend, on s’y met aussi. Résultat, ça nous pousse à faire l’amour, et qui plus est dans la joie et la bonne humeur. « Pour sortir de la consternation outragée dans laquelle nous nous sommes drapés, et accéder à plus de liberté, rien de tel qu’une bonne partie de rire », encourage Valérie Cordonnier. « Autre piste, toujours dans le registre auditif : faire l’amour en musique. Un rythme sexy est un appel irrésistible pour les corps, qui ne demandent alors qu’à se rapprocher et se mêler », poursuit-elle. Et vous savez quoi ? On sera tellement fiers d’avoir tenté une nouveauté (un chouia) osée, qu’on aura beaucoup moins envie de nous comparer à ce qui se trame dans les alcôves mitoyennes !
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