Chanteur, parolier, Serge Lama est un artisan de la chanson française dont il a contribué à écrire les lettres de noblesse en presque 60 ans de carrière. Depuis 1964, il a écrit 24 albums, composé des titres incontournables. La plupart sont devenus des classiques comme Les Ballons rouges (1969), D’aventure en aventure (1968), Je suis malade (1973), Femme, femme, femme (1978) ou encore Les P’tites femmes de Pigalle (1973).
Le 7 octobre 2022 est sorti Aimer, que Serge Lama présente comme son ultime album.
franceinfo : Vous deviez faire vos adieux lors d’une tournée en 2020, mais la pandémie en a décidé autrement. Ce disque est donc une lettre d’adieux faite à votre public ?
Serge Lama : Oui, j’aurais bien voulu que ce soit autrement. Effectivement, j’aurais bien voulu faire de la scène, faire ma dernière scène, mes dernières villes. Et puis voilà, la pandémie en a décidé autrement. Alors, concernant le disque, j’ai décidé que c’était mon dernier album, mon état physique ne s’améliorant pas, bien au contraire. Avec les deux mois d’arrêt de la pandémie, je me suis moins déplacé et quand j’ai voulu m’y remettre, ça a été plus que difficile. J’ai eu mal partout à un point où je ne pouvais pas supporter, ce n’était pas possible.
Cet album, que vous annoncez comme votre ultime album, n’est pas bien vécu par votre public parce qu’il vous a toujours suivi, soutenu, parce qu’il vous aime, tout simplement. Comment vous le vivez-vous ?
Je le vis bien pour l’instant. Je ne peux pas vous dire quand vraiment je vais voir l’effet que ça fait d’arrêter et de le sentir au fond de moi. Mais comme j’ai des projets importants quand même dans ma tête, alors je pense que ça devrait bien se passer.
Vous rendez hommage à Camus dans cet album. J’ai l’impression que c’est aussi une belle façon de résumer votre vie. Il y a un amour de la poésie qui vous a toujours habité, qui vous a toujours donné envie de raconter vos propres histoires. Il y a une passion du verbe. Albert Camus avait ça, il voulait rendre les choses populaires et en même temps conserver cette passion du verbe.
Tout à fait. C’était quelqu’un de très vivant, qui aimait la vie. Enfin, il aimait la vie, c’était un désespéré qui aimait la vie, les femmes. Il aimait l’amour, il aimait tout ça. Mais quand on lit ses cahiers, il y a beaucoup de désespoir, de mort. Il parlent beaucoup de suicide, de mourir. Albert Camus a été très proche de moi, forcément. Je n’étais pas suicidaire, mais j’étais très mélancolique.
« J’aime Albert Camus parce que lui, il écrivait pour les gens, il écrivait pour des gens qui devaient être capables de le lire. »
à franceinfo
On parlait tout à l’heure du fait de ne plus remonter sur scène. On a vu Phil Collins, il n’y a pas longtemps, faire ses adieux avec Genesis. Sur scène, il était assis. On a vu Charles Trenet faire la même chose. Vous, c’est quelque chose que vous n’envisagiez pas ?
Non. Charles Trenet, ça m’avait marqué, les adieux de Reggiani aussi. On l’a porté sur scène, carrément, comme on porte un cadavre. C’était horrible. Et je ne voulais pas que le public me voit dans une position qui n’est pas la mienne, je veux laisser les gens sur une bonne image.
Dans cet album, vous parlez de Roger Federer. Il avait cette force mentale. Être chanteur, c’est ça aussi, d’avoir une rythmique de sportif de haut niveau ?
Oui, oui, surtout moi qui ai beaucoup travaillé. J’ai fait des tournées de 150 jours par an. Une année, j’ai même fait 307 concerts ! C’est quand même une cadence qu’on peut trouver un peu bizarre. Je devais avoir besoin de quelque chose, une compensation, c’est certain. Il y a quelque chose, mais j’aimais ça. J’aimais tellement ça. J’ai eu raison car aujourd’hui je fais mes adieux, je n’ai pas de regret, c’est parfait. J’ai fait ce que j’ai voulu, comme je l’ai dit dans une chanson.
En attendant, vous avez décidé de ne plus me remonter sur scène parce que vous ne pouvez plus. Mais vous n’avez pas décidé d’arrêter d’écrire, même pour les autres.
Oui, j’écris, si on me demande des choses, dans la mesure de mes compétences, bien sûr. Je ne sais pas si la chanson française actuelle aura besoin de moi, mais je me lancerais volontiers dans un petit rap si on me le demande !
Pour terminer, que représente cet album, Aimer, pour vous ?
Beaucoup de choses, parce que j’y ai mis tout mon cœur.
« J’ai beaucoup travaillé sur les chansons d’’Aimer’ car je savais que c’était le dernier album. Il fallait que ce soit parfait, il fallait que ce soit absolu. »
à franceinfo
Alors je me disais : j’ai fait ce que je pense. J’ai essayé de faire ça et parler d’amour parce que c’est quand même le thème qui rassemble les gens. Et aujourd’hui, je trouve qu’on a besoin de rassembler et de plus en plus.
Et ça a été le vecteur de toute votre vie, d’aimer et d’être aimé en retour !
Oui !
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