Le syndrome de l’intestin irritable touche près de 10 % de la population en France. Et il existe aujourd’hui plusieurs solutions combinées pour soulager ces maux du ventre qui, s’ils sont bénins, n’en demeurent pas moins handicapants.

Parole d’expert  : Pr Jean-Marc Sabaté, gastro-entérologue à l’hôpital Avicenne (Bobigny). Auteur d’Intestin irritable, équilibrez votre microbiote et faites la paix avec votre côlon (éd. Larousse).

Les causes du syndrome de l’intestin irritable (SII) sont encore mal connues. Mais on détecte mieux les symptômes de la maladie qui se manifeste souvent par une alternance de phases de diarrhée et de constipation. Le diagnostic est établi à partir d’une douleur abdominale : sur une période d’au minimum six mois, celle-ci a lieu au moins un jour par semaine au cours des trois derniers mois. Les praticiens notent que les femmes sont plus touchées que les hommes : elles représentent plus des deux tiers des patients et dans la moitié des cas, elles ont ressenti les premiers symptômes avant l’âge de 35 ans. Voici les précisions d’un spécialiste.

France Dimanche : Quels sont les principaux symptômes de ce ventre irritable ?

Pr Jean-Marc Sabaté : Ils sont de trois types : des douleurs abdominales ressenties au moins une fois par semaine au cours des trois derniers mois, associées à des troubles du transit, diarrhées et/ou constipation. Et dans 90 % des cas, il y a aussi des ballonnements.

FD : Cette maladie est bénigne et peu connue…

JMS : En effet, elle est en général bénigne, mais pour un quart des patients tout de même, elle peut notablement altérer la qualité de vie. J’ai l’habitude de dire : on ne meurt pas de cette maladie, sauf quand elle vous pousse à bout. La maladie en elle-même est connue depuis longtemps, mais beaucoup d’idées fausses circulent à son sujet car les symptômes sont somme toute banals : la différence avec d’autres maladies semblables est la fréquence et l’intensité des symptômes. Enfin, cette affection est peu « reconnue », c’est-à-dire que les médicaments ne sont pas remboursés…

6,7 millions de Français sont touchés par cette pathologie souvent bénigne…

FD : Quelle est l’une des idées reçues les plus répandues ?

JMS : « C’est dans la tête ! » Cette formule, de nombreux patients se l’entendent dire, par leur praticien notamment. Dans une enquête récente, 66 % des patients interrogés affirmaient qu’on ne prenait pas leurs plaintes au sérieux. Il est vrai qu’aujourd’hui, il n’existe pas de test pour diagnostiquer la maladie. C’est en écoutant le patient, en réalisant une batterie d’examens cliniques que l’on confirme s’il est bien atteint de cette pathologie. On fait souvent ce que l’on appelle un diagnostic d’élimination, cela peut être long. Et pendant tout ce temps, on ne soigne pas… Il est vrai aussi que le nom de cette maladie a changé au cours des époques. Hier, on parlait de colite spasmodique, avant de dire qu’il s’agissait d’une colopathie fonctionnelle. Et aujourd’hui, on évoque le syndrome de l’intestin irritable. Les critères pour la diagnostiquer changent tous les dix ans ! Cela montre les problèmes qu’il y a autour de cette affection qui touche quelque 6,7 millions de Français, soit 10 % de la population.

FD : La première chose à faire, c’est de regarder de près ce que l’on mange…

JMS : L’alimentation joue un rôle chez deux tiers des patients, dans le déclenchement ou l’aggravation des symptômes.

Les deux tiers des patients ont un microbiote anormal.

FD : Que faut-il privilégier ou bannir de ses repas et quels sont les réflexes alimentaires qui pourraient limiter les gênes digestives ?

JMS : Il existe aujourd’hui beaucoup de régimes à la mode : on se prive de lactose, parfois de gluten ou l’on préfère suivre un régime pauvre en FODMAPS (aliments qui provoquent des fermentations comme le chou, les haricots rouges ou blancs). Il existe pour chaque cas des diètes spécifiques qui peuvent être proposées par un médecin. Ensuite, il est aussi possible d’agir sur les symptômes par la prise d’antispasmodiques pour diminuer les douleurs et/ou de ralentisseurs ou d’accélérateurs de transit, selon les individus.

FD : On sait que l’ostéopathie a sa place dans l’arsenal thérapeutique, même si elle ne traite pas directement les troubles, elle apaise les tensions abdominales en diminuant notamment les ballonnements…

JMS : Il existe de nombreux traitements alternatifs. Je citerais plutôt l’hypnose, qui peut soulager entre 50 et 60 % des patients qui sont en échec avec des médicaments prescrits en première intention par les généralistes, ou la méditation en pleine conscience. Ces méthodes ont des effets bénéfiques sur la douleur, le transit, les ballonnements… À faire en groupe ou en session individuelle. En revanche, en Europe, on considère que l’acupuncture n’a plutôt qu’un effet placebo. Quant à l’ostéopathie, son recours est encore controversé. Elle peut améliorer l’état du patient, mais le soulagement est trop souvent momentané.

FD : Que pensez-vous de la prise de probiotiques ?

JMS : Les études montrent que les deux tiers des personnes souffrant de cette pathologie ont un microbiote anormal. De fait, agir sur celui-ci par le biais des probiotiques peut avoir un effet positif.

FD : Faut-il boire plus d’eau, notamment de l’eau minérale riche en magnésium ?

JMS : A priori, boire plus n’apaise ni ne soulage les patients de ce syndrome. Il faut s’hydrater normalement.

FD : Quid de l’activité physique ?

JMS : On sait qu’une activité physique régulière et raisonnée facilite le transit et diminue la sévérité des symptômes : on a souvent moins de douleurs, de ballonnements et le transit est fluidifié. À savoir : la sédentarité favorise la constipation.

FD : Le stress est ici aussi un facteur négatif ?

JMS : Oui. Il est prouvé aujourd’hui que le stress est un facteur aggravant des douleurs. Il génère de l’anxiété et peut entraîner, à terme, des épisodes dépressifs. D’où l’intérêt de conseiller aux patients de s’impliquer dans des activités « positives » qui aident à lutter contre le stress. Occuper une partie de son cerveau en pratiquant une activité artistique, par exemple, permet de s’abstraire de la douleur.

> à lire 

Intestin irritable, équilibrez votre microbiote et faites la paix avec votre côlon du Professeur Jean-Marc Sabaté , éd. Larousse, 14,95€

“Me mettre sur le côté…”

Mélanie, 62 ans, Arcachon : « J’avais le ventre qui gonflait très vite et de façon impressionnante et le médecin m’avait conseillé de m’allonger sur le côté gauche – qui est dans le sens du transit intestinal – pour soulager l’aérophagie, résultant de mes problèmes de digestion directement liés au stress. Je restais dans cette position le temps que la douleur s’estompe et ça marchait très bien. Mes douleurs étaient aussi souvent accentuées quand j’effectuais un trajet en voiture ou en train. Les soubresauts du véhicule tassaient les intestins et j’étais alors obligée de prendre un médicament à base de charbon qui absorbait ces gaz intestinaux. J’avais beau savoir que tous ces symptômes n’étaient pas graves, ils me pourrissaient la vie : les douleurs étaient quasi insupportables et surtout très fréquentes. »

“Tellement gonflée !”

Sophie, 57 ans, Bordeaux : « Je suis sujette depuis l’adolescente au syndrome du côlon irritable. J’en garde un souvenir très désagréable car, durant les premiers mois de ma grossesse, j’étais ballonnée en permanence. Les douleurs étaient continues et j’avais l’impression d’être proche de l’accouchement tellement j’étais gonflée. Je prenais tous les jours un sachet de granulés de gomme karaya, un complément alimentaire qui facilite l’élimination en réduisant la fermentation des matières fécales. »

Pour vous aider

Afin d’obtenir plus d’informations sur la maladie, l’Association des patients souffrant du syndrome de l’intestin irritable (APSSII) située au sein de l’hôpital Avicenne de Bobigny (93) est joignable par mail : [email protected] ou par téléphone au 07 83 25 82 60.

Alicia COMET

Source: Lire L’Article Complet