En 1846, Louis-Napoléon Bonaparte s’était habillé en maçon. En 2019, Carlos Goshn s’était caché dans une malle. En 2022, Maria Aliokhina colle à son époque : pour échapper à son assignation à résidence, elle se fait passer pour une livreuse de repas à domicile. La jeune femme de 33 ans est la chanteuse des Pussy Riot, collectif féministe punk depuis dix ans dans le collimateur des autorités russes. Ses prises de position contre le pouvoir lui valent régulièrement arrestations et séjours en prison. Maria Aliokhina a déjà purgé une peine de deux ans pour avoir joué une prière punk dans la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou en 2012.

Le blouson vert pomme du Delivery Club

Selon le New York Times qui a recueilli son récit, le plus dur n’a pas été de quitter son appartement pourtant surveillé nuit et jour par la police. Le jour où elle s’enfuit, elle laisse son téléphone portable pour ne pas être repérée, et elle sort tout simplement vêtue de la tenue couleur vert pomme du Delivery Club (un équivalent d’Uber Eats en Russie), qu’une amie a réussi à lui faire passer. Blouson à capuche qui dissimule son visage, gros sac carré réfrigéré dans le dos. Personne évidemment ne lui demande rien.

Un complice la conduit ensuite en voiture jusqu’à la frontière avec la Biélorussie, à six heures de route. Là, miraculeusement, elle passe alors qu’elle n’a que sa carte d’identité (les autorités russes lui ont confisqué son passeport) et qu’elle figure sur la liste des personnes recherchées.

Un passage en Lituanie compliqué

C’est ensuite que les choses se compliquent. Son objectif : passer de Biélorussie en Lituanie pour mettre le pied dans l’Union européenne. Deux fois elle tente, sans succès. La troisième est la bonne grâce à un document de voyage délivré par un pays européen, qui lui donne le même statut qu’un citoyen de l’Union. C’est un ami, un artiste islandais, qui lui a fait passer clandestinement. Le pays en question a demandé à ne pas être cité. Aujourd’hui Maria Aliokhina vit à Vilnius, elle y a retrouvé des membres de son groupe dont sa petite amie, Lucy Shtein, qui eux aussi se sont enfuis. « Je suis heureuse d’avoir réussi« , dit-elle aujourd’hui. C’était « un doigt d’honneur » aux autorités russes.

Le cas de Maria en tout cas est emblématique : depuis l’invasion de l’Ukraine, la répression s’est intensifiée en Russie, des dizaines de milliers de personnes ont fui le pays. Maria Alekhina en est un exemple parfait. En avril les autorités lui annoncent que son assignation à résidence va changer – c’est ce qui a été l’élément déclencheur de son évasion – ce sera 21 jours dans une colonie pénitentiaire (son crime était d’avoir appelé à manifester pour la libération des prisonniers politiques).

Les Pussy Riot ont prévu une série de concerts qui commencera par Berlin pour continuer à dénoncer l’autoritarisme du Kremlin et collecter des fonds pour l’Ukraine.

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