Qu’elle portraiture une vache ou un cheval de trait et vous voilà bouleversé.e, même si, des animaux de la ferme, vous n’avez cure. Rosa Bonheur, artiste star du XIXe, n’avait pas son pareil pour faire friser l’œil, saillir les muscles, déployer les échines, ondoyer les robes de nos amies les bêtes et exalter, par le pinceau, une sorte de ruralité heureuse.
Après le Musée des Beaux-arts de Bordeaux (sa ville natale), le Musée d’Orsay, à Paris, lui consacre une rétrospective en 200 œuvres* où l’empathie pour la nature, domestiquée comme sauvage, transpire de partout.
Une artiste féministe et anticonformiste
On l’avait un peu oubliée, cette peintre qui mit le vivant au centre de son œuvre : les avant-gardes du XXe, ce siècle qu’elle a failli connaître (elle est morte en 1899), ont regardé d’un peu haut son style hyper-réaliste. L’histoire de l’art, il faut dire aussi, écarte plus facilement les artistes quand ils ne sont pas des hommes, alors une femme aussi anticonformiste que celle-ci, pensez donc !
Rosa Bonheur s’habillait de pantalons (sur autorisation expresse de la préfecture de police, sans quoi c’était interdit), portait les cheveux coupés au carré, chérissait son indépendance, refusait de se marier et vivait entourée de femmes, ce qui lui vaut, depuis toujours, le statut d’icône lesbienne – même si elle-même réfutait l’homosexualité que la rumeur mondaine lui supposait.
Vendant à prix d’or ses toiles, rare femme peintre à rivaliser de succès avec les hommes, elle fit en 1859 l’acquisition du château de ses rêves, à Thomery, en Seine-et-Marne, où elle peignait au calme et au vert, proche des sujets de ses peintures, elle qui détestait Paris et les villes.
Une vie de sorrorité
C’est de cette grosse demeure un peu foutraque (ici de la brique au mur, là des colombages, là encore de drôles de tourelles), aujourd’hui Musée Rosa-Bonheur, que Stéphane Bern et ses Secrets d’histoire* nous ouvrent les portes. Le loto du patrimoine, initié par l’animateur-vedette, avait d’ailleurs sélectionné en 2019 le château de Thomery parmi les sites emblématiques de France, lequel a reçu, ainsi, 500 000 euros pour financer sa restauration.
On découvre alors des pléthores de dessins préparatoires, d’une précision folle, qui parsèment les pièces. On explore une armoire, où les vêtements de Rosa sont encore là, bien pliés, à l’image de cette veste ornée de l’insigne de la légion d’honneur – elle en était « officière », féminisant le mot, pas peu fière de son grade. On fait la connaissance de ses amies les plus chères, comme Nathalie Micas, la copine d’enfance, »la ministre de l’intérieur » de Rosa, qui gérait toute l’intendance du château, ou encore Anna Klumpke, jeune peintre américaine, dernière compagne et héritière de Rosa, qui veilla scrupuleusement à la préservation de la mémoire de sa bien-aimée.
Une vie et une œuvre en forme d’ode au féminisme, à la sororité, à l’écologie, bien avant que mots ne prennent racine dans nos lexiques.
* Secrets d’histoire : Rosa Bonheur, la fée des animaux. Le 24 octobre 2022 à 21h10 sur France 3.
Rosa Bonheur (1822-1899) au Musée d’Orsay, Paris 7e. Jusqu’au 15 janvier 2023.
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