- La chorégraphie électro Room With A View joue jusqu’au jusqu’au 14 mars au Théâtre du Châtelet, à Paris.
- « C’est une horde qui danse et qui pense avec ses poings et ses pieds », dit du spectacle l’écrivain Alain Damasio.
- Le spectacle met en scène un effondrement écologique, économique, sociétal. Et montre comment les générations actuelles tentent de les exorciser, notamment par la danse et la musique.
Dans une carrière de marbre qui s’effrite et s’effondre, une horde de raveurs danse frénétiquement autour d’un DJ. On les voit se donner à fond, « à corps perdu » dit-on si bien dans la langue de Molière. Plus tard on les verra planer en portant le DJ en l’air et chorégraphier des scènes d’amour-haine, où les corps s’attirent et se rejettent, mimant pour certains des viols très crus. Voici Room With A View, une analyse des mouvements souterrains de notre époque par le
musicien Rone et le collectif (La) Horde. Une chorégraphie électro donnée
jusqu’au 14 mars au Théâtre du Châtelet, à Paris.
Room With A View est le récit de la réaction spontanée, désordonnée et non-contrôlée d’une génération confrontée au désastre. « Nous avons pensé ce spectacle comme celui d’un difficile éveil des consciences, d’une marche forcée par la perspective écrasante de l’effondrement », expliquent Rone et (La) Horde dans le livret d’introduction du spectacle. Les corps des danseurs et danseuses du ballet national de Marseille s’envolent dans des portés aériens, et retombent si près du bord, si près de la catastrophe. La troupe de raveurs se caresse autant qu’elle se bastonne, comme si elle n’avait d’autre choix que d’être traversée par cette violence.
« La chorégraphie rencontre la musique pour raconter la souffrance et la légitime colère des générations actuelles qui cherchent à se fédérer pour se donner sens, dans les communautés de fête et de combat, débordées par les infinies violences du monde, qu’elles rejouent en boucle, dans leur chair, comme pour les exorciser » expliquent Rone et (La) Horde. On sait que les personnes violées parfois se prostituent, pour, en rejouant le traumatisme, apprendre à le maîtriser.
Un jet de pierre qui soudain se fait transe
« Ballet ou troupe, une chorégraphie trahit toujours une vision politique, nolens volens, écrit l’auteur de science-fiction Alain Damasio, à propos du spectacle. C’est une horde qui danse et qui pense avec ses poings et ses pieds. Et qui vient te défier, OK boomer, dans un hacka hacké, où ce qui rougit est moins la peau des poitrines mises à nu, sans pitié, que la subite prise de conscience, dans ton âme de voyeur, que ce qu’on leur a laissé, en vrai, nous les plus vieux, à cette génération qui pousse, c’est ça : un monde salopé qu’il va falloir réparer »
En sortant de Room With A View, pourtant, on a envie de danser, on est remplis d’une furieuse énergie. Et il reste cette image : un jet de pierre qui soudain se fait danse. On voit des corps révoltés lancer des pavés imaginaires sur des forces de l’ordre absentes. Des corps de rage, qui balancent des doigts d’honneur, bras tendus, dont les visages se crispent. Et puis progressivement la colère se change en danse, et les corps se touchent et s’enlacent. Canalisés les corps. C’est subtil. C’est une transformation lente. Dans un même mouvement de vie on passe de la rage à l’amour. Et on se dit que de ce chaos, il naîtra bien quelque chose.
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