Cette année, 521 ouvrages inédits se disputeront votre attention pour la rentrée littéraire 2021, contre 511 l’année dernière. Que choisir parmi ces vastes possibilités ? Marie Claire en a sélectionné six, la plupart des récits de femmes brisant les normes, et cherchant à être à l’écoute de leur désir, de leurs émotions. Bonne lecture !

"La définition du bonheur", de Catherine Cusset

Le bonheur, mais comment ? se demande comme nous Catherine Cusset, qui cherche la réponse en suivant jusque dans l’intimité les vies de deux femmes proches, Clarisse et Ève.

Le livre dévoilera la nature familiale de leur lien, mais l’essentiel reste là : ces fils de leurs deux existences se déroulant sous nos yeux, parallèles et lointains, puis mêlés mais distincts. Des passions de jeunesse aux unions chaotiques ou sereines de l’âge adulte, ils brodent les tissus très différents de vies poursuivant pourtant le même but. Le bonheur, évidemment.

Ève le construit avec patience, raison et une certaine ambition sociale ; Clarisse ne croit qu’à des éclats de bonheur, sexuels notamment, pour l’intensité desquels elle prend tous les risques. Les deux voyagent beaucoup, désirent, aiment, accouchent, se glissent dans la réalité ou s’y heurtent.

Des années 80 au dénouement tout récent, surprenant mais dont on réalise après coup qu’il était écrit entre les lignes, ce roman puissant réussit la fresque d’une époque, brossée par un pinceau aussi fin qu’universel.

La définition du bonheur de Catherine Cusset, éd. Gallimard, 20 euros, parution le 19 août.

"L’Éternel fiancé", d’Agnès Desarthe

L’amour rêvé, mais pourquoi ? C’est ce que l’on se demande en lisant Agnès Desarthe. Comprenez : pourquoi seulement rêvé ?

Tout part de cette scène fondatrice, où deux enfants de 4 ans assistent à un concert dans une salle des mariages. Le petit Étienne, mal coiffé, se retourne vers la jeune narratrice (dont on ne saura jamais le prénom, peut-être parce que les autres l’intéressent plus qu’elle-même) et lui dit, fasciné : « Je t’aime parce que tu as les yeux ronds. » Réponse : « Je ne t’aime pas car tu as les cheveux de travers. » Il en pleure, mais elle décide néanmoins qu’ils sont dorénavant fiancés, parce que la musique était belle et qu’ils sont dans un endroit où les gens se marient.

Alors plus tard, elle rejouera la scène pour elle-même, lui répondant cette fois : « Je t’aime parce que tu as les cheveux de travers. »

Quelques années plus tard, elle croisera au lycée ce garçon sensible et beau, mais il ne la reconnaîtra pas et, à d’autres époques, elle le rencontrera, lui parlera, entrera dans son cercle et sortira avec son frère, fera connaissance d’Antonia, la femme de sa vie, qu’elle admirera sans jalousie mais sans pour autant cesser d’aimer celui qu’elle considère comme son éternel fiancé. Lequel la traite, gentiment, comme une totale étrangère. Il aura de son côté un enfant, elle aussi en épousant un Yves formidable, vivant sa vie parallèlement à cette contrevie toute dédiée à son sempiternel Étienne…

Ce roman subjuguant nous emmène avec maestria dans les arcanes d’un rêve éveillé, nous rappelant ce titre d’une pièce de Calderón : La vie est un songe. L’amour aussi ?

L’éternel fiancé d’Agnès Desarthe, éd. de L’Olivier, 19 euros, parution le 19 août.

"Presque toutes les femmes", de Héléna Marienské

C’est parce qu’elle en avait assez d’être devenue « une orfèvre du mensonge » pour une partie des siens, et pour elle-même, que l’auteure s’est attelée à l’écriture de ce livre-confession aussi palpitant que bouleversant, où elle explore sa bisexualité. 

Auprès de Marie Claire, Héléna Marienské explique ce besoin de « tout mettre à plat » après une vie passée sous le masque de l’hétéronormativité. 

Presque toutes les femmes, de Héléna Marienské, éditions Flammarion, parution le 25 août

"Satisfaction", de Nina Bouraoui

Nos désirs parfois nous surprennent, et leurs ombres de près nous suivent… Ainsi pour Michèle Akli, Bretonne ayant quitté la France avec son mari algérien Brahim pour aller vivre en Algérie en 1962, au lendemain de l’indépendance.

Avant ce départ, et quelques années après, ils s’aiment. Puis viennent les années 70 et ses 38 ans où, sous le soleil d’Alger, elle tient en cachette de Brahim ce qu’elle appelle ses « carnets de la honte », y confiant ce qui ne peut être dit à personne. Et tout d’abord que s’il reste un compagnon « parfait » et un père attentionné pour leur fils, elle ne l’aime plus. Que certes, elle le désire encore et fait volontiers l’amour avec lui, mais seulement parce que son beau corps d’homme pourrait être celui de beaucoup d’autres, qui lui inspireraient le même désir. Et de cela, comme de l’évaporation injuste de son amour, elle a honte.

Elle n’aime pas non plus, elle si sage, ressentir cette détestation pour tous les hommes qui ne la désirent pas. Car dans sa tête, elle n’est pas si sage, sa sensualité omniprésente l’entraînant – intérieurement du moins – sur des chemins glissants. Notamment vers Catherine, mère de la meilleure copine de son fils préado, jeune fille androgyne et dominatrice.

Ce désir surprenant et lancinant pour une femme, ni l’une ni l’autre n’étant lesbienne, et cette recherche tout-terrain d’un amour inatteignable dans les prémices menaçantes des années de plomb algériennes, pousseront Michèle, si émouvante pourtant, à un acte venimeux – pendant que lui trotte dans la tête cette musique des Rolling Stones, irrésistiblement juste : I can’t get no satisfaction. À la musique de Nina Bouraoui, pas moyen, non plus, de résister…

Satisfaction de Nina Bouraoui, éd. JC Lattès, 20 euros, parution le 18 août

"Une nuit après nous" de Delphine Arbo Pariente

Un premier roman exceptionnel, qui vous secouera jusqu’à la dernière page et vous en fera souhaiter beaucoup d’autres… Autant pour le style, somptueux, rythmé, plein de métaphores inspirées, de raccourcis imparables, l’auteure n’ayant jamais besoin d’un long discours pour vous faire comprendre ce qu’elle brûle de vous dire, trouvant toujours l’image la plus juste pour aller au cœur des choses…

Que pour l’histoire, double, troublante au début, puis haletante. Maria, 46 ans, aime et admire son mari qui l’a sauvée des démons de son passé, on devine vaguement lesquels mais peu importe à ce moment : seule nous captive sa rencontre timide avec un professeur de taï-chi, le trouble qu’elle ressent l’embarrassant autant qu’il la ravit.

Son sens de la liberté se heurte à la puissance de sa relation conjugale, qu’il n’est pas question de mettre en danger. Mais comment résister au charme et aux qualités humaines de cet homme qui, lui aussi, sait si bien l’entendre et la comprendre ? Et agit involontairement en catalyseur, ravivant les souvenirs de son enfance, entre une mère à la dérive et un père tyrannique qui la menaçait, l’obligeait à voler dans les magasins et à mentir. Et qui, un jour, commit l’abus de trop.

Outre l’amour et ses cuisants dilemmes, seule l’écriture sauvera la narratrice. Profitons-en.

Une nuit après nous de Delphine Arbo Pariente, éditions Gallimard, 19 euros, parution le 26 août

"Le rapport chinois" de Pierre Darkanian

Le titre de ce premier roman n’est pas très accrocheur, certes, mais c’est à l’intérieur que ça brille. Dans cette histoire, aussi inquiétante que drolatique, un jeune cadre réussit les tests pour entrer dans un cabinet prestigieux de consultants élaborant des rapports-fleuves et très confidentiels pour de gros clients.

Ambiance étrange dans cette société, où l’obsession du secret fait que personne ne se parle. Tous ont l’air de fantômes, et Tugdual, cadre aux dents longues parmi les requins, peine à comprendre ce qu’il doit faire. Un chemin de croix hilarant.

Le rapport chinois de Pierre Darkanian, Éd. Anne Carrière, 19,90 euros, parution le 20 août.

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