De notre correspondant aux Etats-Unis,

S’il y a une personne qui peut sauver les revenus de Twitter, c’est bien elle. Choisie par Elon Musk pour prendre la tête du réseau comme CEO (directrice générale) dans six semaines, Linda Yaccarino fera face à un double défi : faire revenir les gros annonceurs, qui ont suspendu ou réduit leur activité sur un réseau beaucoup moins modéré qu’avant, et diriger une entreprise technologique qui a perdu 80 % de ses employés. Avec une personnalité affirmée et des contacts privilégiés avec les grandes marques, l’ex-patronne de la pub du groupe NBCUniversal semble la candidate idéale.

Une vétéran de la pub et des médias

A 60 ans, Linda Yaccarino a passé deux décennies chez Time Warner, et surtout 12 ans chez NBCUniversal comme patronne de la pub. A la tête d’une équipe de 2000 personnes – et un chiffre proche du nombre de salariés restants chez Twitter – elle a a généré plus de 100 milliards de revenus publicitaires, soit le triple du chiffre d’affaires de Twitter entre 2011 et 2022.

Surnommé, selon le Wall Street Journal, « the velvet hammer » (« le marteau en velours), pour sa poigne de fer cachée sous un air affable, Linda Yaccarino, issue d’une famille d’origine italienne, a participé aux plus gros chantiers de NBCU : elle a fusionné les régies pub de toutes les chaînes du groupe et joué un rôle central dans le lancement de Peacock, le service de streaming du groupe financé en grande partie par la publicité.

Selon le New York Times, elle a marqué des points en offrant ses conseils en privé à Elon Musk, et également en public, avec une interview saluée en avril dernier à l’occasion de la conférence marketing Possible.

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Arrêter l’hémorragie des annonceurs

Les annonceurs « ont besoin de sentir que l’opportunité existe pour eux d’influencer ce que vous êtes en train de bâtir », a-t-elle dit au milliardaire. Pour les séduire, il faut « faire de Twitter un endroit où ils seront enthousiastes à l’idée de dépenser plus d’argent », en misant sur « le développement de produit, la sécurité et la modération des contenus ». C’est le sujet qui fâche depuis le rachat de Musk, qui a fait de la liberté d’expression sa priorité, et a autorisé le retour de Donald Trump et de nombreux comptes d’extrême droite qui avaient été bannis pour des dérapages.

Près de la moitié des 100 plus grands annonceurs ont demandé un temps mort, notamment General Motors, Pfizer et Volkswagen. Selon les estimations d’Insider Intelligence, Twitter pourrait voir ses revenus chuter de 2 milliards 40 % en 2023, soit une baisse de 40 %.

Pour redresser le réseau, Yaccarino pourrait miser sur le sport, profitant de son expérience à NBCUniversal, diffuseur régulier des JO. Dans un tweet, elle suggérait à Elon Musk de relancer Periscope, l’appli de streaming mise au placard par Twitter, d’ici les jeux olympiques de Paris, l’an prochain.

Une sensibilité politique compatible avec elle de Musk

Certains trolls d’extrême droite ont critiqué sa nomination, l’accusant d’être une « néolibérale wokeist » car elle a mis en avant ses positions pro-vaccins/masques pendant la pandémie de Covid. Linda Yaccarino fait également partie du comité média du Forum Economique Mondial (Davos). Mais ses affinités, au vu de son activité Twitter, semblent plutôt pencher à droite, même si elle prend garde de ne froisser personne.

Sur plus de 1.000 tweets, passés en revue par 20 Minutes, Yaccarino n’a jamais mentionné Trump, Biden, Clinton ni Obama. En 2018, elle a félicité Mitt Romney, alors candidat au Sénat dans l’Utah. Ses « likes » sont plus révélateurs. Elle a marqué d’un cœur des dizaines de tweets de Musk, notamment plusieurs de ses sorties contre la pensée unique ou la censure, qu’il compare à aux dystopies de George Orwell ou à Fahrenheit 451.

La dirigeante ne cache pas sa foi et son admiration pour le pape. Et elle a liké plusieurs tweets anti-Biden de figures conservatrices, notamment de l’animateur radio Larry Elder, du candidat « anti-woke » à la primaire républicaine Vivek Ramaswamy, ainsi que d’autres publications de Jack Posobiec, influente personnalité de l’alt-right américaine.

La dirigeante suit également plusieurs comptes « MAGA », notamment des avocats complotistes Sidney Powell et Lin Wood. Si cela ne signifie pas qu’elle souscrive à leurs positions, des ex-collègues assurent au Wall Street Journal que ses convictions politiques sont un bon « fit » avec celles d’Elon Musk. L’union est peut-être plus qu’un mariage de raison.

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