“Ce mois-ci j’étais un peu down […] on m’a détecté un truc pas super cool qui s’appelle le SOPK.” Dans une vidéo parue sur sa chaîne YouTube le 3 avril 2019, Marie Lopez – plus connue sous le pseudonyme EnjoyPhoenix – est revenue sur les raisons de son absence sur les réseaux sociaux. Après plusieurs analyses médicales, les médecins lui ont diagnostiqué un syndrome des ovaires polykystiques, un dérèglement hormonal sévère qui l’oblige à reconsidérer ses perspectives professionnelles. “Je ne sais pas encore ce que je vais faire, mais j’essaie de poser les choses et de me recentrer sur ma vie”, a -t-elle confié à ses followers. 

Comme elle, de nombreuses femmes sont affectées par ce syndrome. Marion n’a pas eu de règles pendant 6 mois, Anne, pendant plusieurs années*. Marion a 28 ans, elle est victime d’hirsutisme (une hyperpilosité, notamment au niveau de la ligne ventrale). Anne, 27 ans, a connu des épisodes elle aussi alors qu’elle est plutôt imberbe. Elle a également des problèmes de poids.

Fatigue chronique, acné dans le dos, sautes d’humeur, intolérance au glucose, pré-diabète, difficultés probables à avoir des enfants, présence de nombreux follicules sur les ovaires… Autant de symptômes, très différents selon les femmes, du syndrome des ovaires polykystiques (SOPK, PCOS en anglais).

Anne et Marion en sont toutes les deux atteintes et toutes deux rencontrent des difficultés dans leur suivi médical.

Et pour cause. En France, il n’y a que trois spécialistes du syndrome. Le Professeur Michel Pugeat, endocrinologue à Bron (69), a travaillé toute sa carrière sur ce dernier et a fait partie, en 2003, du consensus de Rotterdam qui a tenté de définir le SOPK. Il nous éclaire sur cette pathologie*.

Le syndrome des ovaires polykystiques, c’est quoi ?

Le syndrome des ovaires polykystiques est difficile à comprendre. Les spécialistes ont d’abord cru qu’il s’agissait d’une maladie génétique. Le projet Médigène, qui prend fin en 2016, devrait d’ailleurs faire la lumière sur la problématique génétique autour du SOPK.

Le syndrome a été identifié dans les années 1930 par deux chirurgiens : Stein et Leventhal – qui lui ont aussi donné leur nom. Ils ont découvert des ovaires plus gros que la normale et les ont opérés, y observant alors des follicules, et les confondant avec des kystes. Ces follicules sont très actifs sur la production d’androgènes mais ne mènent pas jusqu’à l’ovulation et ne produisent pas d’oestrogènes. Cela perturbe le cycle menstruel, et donc l’ovulation.

« Ce syndrome est difficile à vivre pour les femmes, car il attaque profondément la féminité », explique le Pr Michel Pugeat. On le déclare soit à la puberté, après une grossesse ou suite à un arrêt de la pilule contraceptive.

Les symptômes qui doivent alerter

Le Professeur Michel Pugeat tient à rassurer les femmes : « le SOPK est complètement réversible. C’est d’ailleurs pour ça qu’on parle d’un syndrome et non d’une maladie ». Comme on le constate à travers les témoignages d’Anne et Marion, les symptômes sont nombreux et il est difficile de diagnostiquer le SOPK. C’était le but du consensus de Rotterdam, qui a retenu trois signes :

  • Un cycle menstruel irrégulier ou absent : on parle alors d’aménorrhée (il n’y a plus d’ovulation donc pas de règles).
  • Des signes cliniques d’excès d’androgènes (menant souvent à l’augmentation de la pilosité ou à l’hirsutisme), ou augmentation du taux circulant de testostérones.
  • La découverte, lors d’une échographie endo-vaginale, d’une vingtaine de micro-follicules, qui ont pour conséquence d’augmenter la surface de l’ovaire.

Le consensus de Rotterdam considère qu’il y a syndrome des ovaires polykystiques lorsque deux de ces trois signes sont réunis. Lorsqu’une femme présente les trois critères, on parle d’une forme sévère de SOPK.

Il existe donc 4 « phonétypes », 4 combinaisons du syndrome. Le plus sévère de ces phonétypes s’accompagne souvent d’un pré-diabète, puis d’une prise de poids et d’un diabète.

SOPK : quelles conséquences sur l’organisme et la santé ?

Les femmes atteintes du syndrome des ovaires polykystiques se retrouvent confrontées à de nombreux changements dans leur intimité, les ovaires produisant trop de testostérone.

Les règles disparaissent, la pilosité se développe avec une topologie masculine (notamment sur la ligne ventrale) – c’est l’hirsutisme. Toutefois, le Pr Pugeat rassure : « avec le syndrome, on parle d’une production de testostérone augmentée de 30%, mais on reste très loin des valeurs d’un homme, qui produit dix fois plus. Il n’y a pas de risque de virilisation, où la voix, la musculature et le clitoris seraient modifiés… »

L’acné fait aussi partie des symptômes, tout comme la fatigue chronique, une augmentation du cholestérol et des risques de diabète. Si les femmes porteuses du syndrome des ovaires polykystiques rencontrent plus de difficultés à tomber enceinte, on parle d’hypo-fécondité, jamais de stérilité.

Le Pr Pugeat rassure: « En réalité, la plupart des femmes tombent enceinte sans difficulté, on les accompagne et on les stimule. »

Une pathologie qui se soigne

La première étape de traitement consiste à régulariser le cycle menstruel. « Lorsqu’il y a désir de grossesse, on donne des progestérones pour rétablir les cycles, confie le Pr Pugeat. Puis, quand la patiente est enceinte, on est très attentif au métabolisme car elle a plus de risque de développer un diabète gestationnel. »

Pour combattre la pilosité, il existe des traitements qui mettent les ovaires au repos : on donne pour cela une pilule – généralement de 2e génération, ou des traitements anti-androgènes. Ces sont des protocoles au long cours. Le Pr Pugeat regrette qu’il n’y ait pas, en Europe, de véritable consensus sur les traitements à donner, ni une bonne communication autour du syndrome des ovaires polykystiques.

C’est aussi ce qu’ont remarqué Marion et Anne. Marion, qui a – en plus – un problème d’intolérance aux hormones, se retrouve dans l’impossibilité de prendre la pilule. Si sa gynécologue lui parle déjà de PMA, le Pr Pugeat tient un discours plus rassurant et n’exclut pas une grossesse naturelle.

De son côté, Anne a eu droit à un traitement hormonal, mais chez elle, le symptôme le plus grave est l’obésité. Ce syndrome l’a transformée physiquement, mais aussi mentalement : « Mes proches m’ont avoué que, pendant environ 6 mois, ils ne me reconnaissaient plus, j’étais toujours en colère, je me suis fâchée avec beaucoup de monde à cette époque, sans vraiment savoir pourquoi. »

Marion a aussi des épisodes de sautes d’humeur. Toutes deux ont des antécédents de cholestérol dans leur famille…

L’importance d’une bonne hygiène de vie pour faire reculer le SOPK

Le syndrome des ovaires polykystiques touche entre une femme sur six et une femme sur douze en Europe. Si la maladie est endocrinienne, le « background » métabolique est également très important : une femme dont la famille est touchée par le diabète, l’obésité ou l’hypercholestérol aura plus de risques d’être atteinte.

Une bonne hygiène de vie et une alimentation équilibrée permettent de faire reculer l’apparition du syndrome, rappelle le Pr Michel Pugeat, qui tient à rassurer toutes les femmes sur le caractère réversible du SOPK. Néanmoins, il est nécessaire désormais d’informer sur ce syndrome, pour que toutes les Anne et Marion puissent obtenir un véritable suivi et des réponses pour envisager leur futur de femme, et éventuellement, de mère.

*Merci au Professeur Michel Pugeat pour ses explications, merci à Anne et Marion (le prénom a été changé) pour leur témoignage.

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