Notifications en rafale, comparaison de son quotidien à celui des autres nourrie par les photos Instagram… Les réseaux sociaux peuvent engendrer de l’anxiété, un sentiment de solitude ou encore des tensions. Voici quelques réflexes pour y remédier et assainir son utilisation.
Avec 37 millions d’utilisateurs actifs sur Facebook, 17 millions sur Instagram (1) et plus de 16 millions de comptes sur Twitter (le réseau social ne communique pas sur le nombre d’inscrits et ne donne qu’une estimation), les Français sont de gros consommateurs des réseaux sociaux. Si ces derniers restent positifs à bien des égards, ils peuvent aussi et paradoxalement nuire à notre santé mentale, entraînant parfois «de l’anxiété, une dépression, un sentiment de solitude…», décrit Michael Stora, psychologue, psychanalyste et cofondateur de l’Observatoire des mondes numériques en sciences humaines (OMNSH).
Nous y serions particulièrement exposé(e)s «lorsqu’il y a une perte de temps importante, quand on est victime de cyber-harcèlement, de revenge porn, d’insultes, de rumeurs», ajoute Laurent Karila, psychiatre à l’hôpital Paul-Brousse à Villejuif, spécialisé dans l’addictologie et porte-parole de l’association SOS Addictions. Voici quelques bons réflexes à adopter pour se prémunir du potentiel effet anxiogène de nos réseaux sociaux.
En vidéo, »A Social Life », le court-métrage sur la dépression liée aux réseaux sociaux
Masquer les publications de certains contacts
Ce qui pose problème : notre dépendance à ce que les autres publient, et le fait que chaque utilisateur de Facebook ou d’Instagram par exemple, y poste rarement des choses négatives, ne reflète pas la réalité, rappelle le psychologue Michael Stora. «C’est devenu une course à la réussite, à la performance, à l’idéal, et si vous n’êtes pas à l’image de ce que les autres proposent, vous pouvez vous sentir déprimé(e)s.»
Il est possible de ne plus s’infliger les publications d’un contact. Sur Facebook, on se désabonne de lui tout en restant ami avec. Pour ce faire, on clique sur l’onglet «ami», puis «se désabonner». Même manipulation sur Twitter, avec l’option «masquer». Sur Instagram, et au cas où certains l’ignorent encore, les clichés proposés dans l’onglet de recherche ne sont pas choisis au hasard et correspondent à vos likes, interactions et recherches. Si une publication dérange, on va dessus puis on sélectionne «Voir moins de publications comme celle-ci».
Arrêter la course aux likes
Ce qui pose problème : l’attente infondée et la solitude, que peuvent engendrer les likes, cet outil qui permet d’évaluer sa popularité à travers le nombre de personnes aimant une photo ou une publication. «Ils rassurent et peuvent nous donner des petites décharges de dopamine mais c’est un effet à très court terme. C’est un peu le miroir de notre narcissisme», explique le psychologue Michael Stora.
Il n’y a guère de réflexes concrets à adopter pour s’en prémunir, à part peut-être la prise de conscience personnelle des effets anxiogènes et malsains de la course aux likes. Instagram commence à considérer le problème, à moitié malheureusement. Le réseau masque depuis l’année dernière le nombre de fois qu’une publication a été aimée, et ce dans plusieurs pays du monde. L’opération est en phase de test, notamment en France. Seul problème : si les abonnés ne peuvent le voir, celui ou celle qui poste la photo peut tout de même continuer de s’informer du nombre de likes sous sa publication.
Privilégier une utilisation active
Ce qui pose problème : le temps que l’on passerait en moyenne sur les réseaux, soit 1h17 par jour, selon un rapport Digital 2019 publié en janvier par l’agence We Are Social et la plate-forme de gestion des médias sociaux Hootsuite. La faute à qui ? Notamment à «un algorithme mis en place pour nous faire rester, avertit Michael Stora. Il nous propose des thèmes qui nous intéressent, on a alors du mal à décrocher. Cela donne l’illusion d’apprendre des choses».
Le psychiatre Laurent Karila recommande alors de ne pas se déconnecter complètement, ce qui ne servirait à rien, selon lui, puisqu’on finirait pas revenir. En revanche, on peut «faire des pauses dans la journée, et des plus longues durant le week-end et en vacances». Le professionnel conseille également d’éviter «les multitâches» : «Lorsque l’on regarde une émission de télévision par exemple, on s’abstient de tweeter en même temps».
Sans surprise, on peut également se contenter de limiter leur utilisation, et opter pour d’autres activités plus saines. Marie-Pierre Fourquet-Courbet, professeure en sciences de l’information et de la communication à Aix-Marseille Université, et coauteure de Connectés et heureux ! Du stress digital au bien-être numérique (2), prône une «utilisation active des réseaux». À travers cette notion, l’enseignante sous-entend «communiquer et interagir avec les autres, au lieu de seulement faire défiler les informations. Une étude de 2017, publiée dans la revue Society for the psychological study of social issues, a démontré que cela augmenterait notre bien-être», indique la professionnelle.
Retirer les notifications
Ce qui pose problème : la sursollicitation qu’entraînent les notifications. «Une volonté de reconnaissance sociale et d’être accepté(e) par le groupe nous impose de répondre rapidement. C’est une norme numérique à laquelle on se plie», décrypte Marie-Pierre Fourquet-Courbet. La peur de manquer quelque chose, nommée «FOMO» (fear of missing out)», nous nuit également. «Il faut prendre conscience de notre vie hors ligne et se demander quelle est notre véritable motivation à nous rendre sur les réseaux sociaux. On peut par exemple avoir besoin de reconnaissance. Une fois la réponse identifiée, c’est à nous de savoir nous arrêter», souligne la professeure.
Pour limiter la sursollicitation, on supprime donc les notifications reçues des réseaux sociaux sur son téléphone. En toute logique, on sera moins tenté(e) de cliquer sur le push et davantage concentré(e) sur l’activité du moment. Pour ce faire, il suffit de se rendre dans les paramètres, et de choisir «désactiver les notifications push» pour Facebook et Twitter, et «désactiver les notifications», pour Instagram. On peut également «éloigner les écrans, ou éteindre son téléphone», mentionne Marie-Pierre Fourquet-Courbet, ou encore mettre son portable en mode «Ne pas déranger».
(1) Chiffres donnés par Laurent Solly, directeur général de Facebook, lors d’une interview donnée à Europe 1 le 10 février 2020.
(2) Coauteure avec Didier Coubert de Connectés et heureux ! Du stress digital au bien-être numérique, (Éd. Dunod), paru en février 2020, 240 p., 18,90 euros.
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