• Un intérêt grandissant depuis 2017
  • La lutte contre le sexisme n’est la star d’aucun programme
  • Le sujet est important, mais pas déterminant
  • Un vote jeune similaire à celui de l’ensemble de la population

En 2017, plusieurs candidats à l’élection présidentielle ont consacré une partie de leur programme à l’égalité femmes-hommes et à la lutte contre les violences faites aux femmes. Juste avant d’être élu, Emmanuel Macron déclarait être « profondément féministe » et promettait de faire de l’égalité femmes-hommes « la grande cause du quinquennat ».

Cinq ans plus tard, le gouvernement ne cesse de vanter les mérites de son action, mais les associations féministes dressent, quant à elles, un bilan insuffisant. Des dizaines de milliers de personnes ont manifesté partout en France en novembre 2021, répondant à l’appel du collectif #NousToutes, pour contester cette communication gouvernementale et demander des actions concrètes avec des résultats.

En cinq ans, le sujet des violences sexistes s’est imposé de lui-même dans la sphère publique, avec les mouvements #MeToo et #BalanceTonPorc qui ont émergés quelques mois après l’élection d’Emmanuel Macron. Et avec la succession d’accusations de harcèlement et d’agressions sexuelles, impliquant des personnalités publiques, qui a suivi.

Ainsi, les questions relatives aux violences faites aux femmes pourraient-elles devenir un sujet déterminant pour les jeunes électeurs dans le choix d’un·e candidat·e, au moment de glisser le bulletin dans les urnes en avril prochain ? Tout comme peuvent l’être déjà celles liées à la situation climatique urgente. Et dont la jeunesse se préoccupe davantage.

Marie Claire a posé la question à plusieurs électeurs âgés de 19 à 28 ans.

Un intérêt grandissant depuis 2017

Pour Corentin, qui votera pour la deuxième fois à une élection présidentielle, les violences sexistes sont un point « très important, autant que le social et l’écologie ».

Si le jeune homme de 25 ans rend compte d’une « meilleure connaissance globale des questions liées aux femmes grâce à l’émergence de mouvements féministes ». Pourtant, il ne cite aucun·e candidat·e ayant ses faveurs sur le sujet.

« Sandrine Rousseau aurait été la meilleure à ce niveau-là », estime celui qui travaille dans l’administration d’une mairie. Corentin attend une prise de position forte de la part des candidat·e·s dans leurs débats et leurs interviews, avec « un registre lexical sociologique fort ». Il espère notamment qu’ielles abordent la notion de « déconstruction ».

Je veille à ce qu’ils ne soient pas connus pour perpétuer des schémas patriarcaux violents.

Mathilde, qui a le même âge, admet que son intérêt pour la politique a beaucoup évolué depuis l’élection de 2017, tout comme sa sensibilisation aux enjeux féministes. « Depuis, il y a eu #MeToo, le décompte quotidien des féminicides en France, et une mise en lumière de la systématisation des violences faites aux femmes », situe-t-elle.

La jeune collaboratrice parlementaire place tout de même les questions environnementales en première position dans ses priorités. « Ensuite, je regarde si les candidat·e·s ne traînent pas des affaires judiciaires. Je veille à ce qu’ils ne soient pas connus pour perpétuer des schémas patriarcaux violents. La thématique est importante pour moi, parce que, s’il y a un point dans leur programme contre les violences faites aux femmes, ça sera très positif. »

Mathilde nuance tout de même : « Après, si un.e candidat.e comme Marine Le Pen se positionne sur la question, je ne voterai quand même pas pour elle. »

Si un candidat évoque les questions liées aux femmes tout en étant fermement opposé à l’immigration, ça ne va pas le faire.

À un peu moins de deux mois du premier tour, elle ne savait pas encore quel·le candidat·e l’intéresse le plus. « Je sais que Christiane Taubira (qui s’est retirée de la course le 2 mars 2022 ndlr.) veut donner un milliard d’euros pour lutter contre les violences faites aux femmes (comme Anne Hidalgo, Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot et Fabien Roussel ndlr), mais pour faire quoi ? En plus de l’argent, il y a tout un système à combattre et c’est Sandrine Rousseau qui en parlait le mieux… »

Line, 22 ans, étudie le droit en Alsace. Elle avoue qu’à ses yeux, la thématique « est l’une des plus importantes » et a même déterminé le choix de ses études. « Mais je n’ai rien remarqué de très intéressant dans les programmes des candidats », déplore-t-elle. « La sécurité des jeunes femmes m’importe beaucoup. Je suis quelqu’un d’anxieuse et quand je sors tard le soir, j’ai peur, c’est un calvaire. J’aimerais que quelque chose soit fait pour cela. Par contre, si un candidat évoque les questions liées aux femmes tout en étant fermement opposé à l’immigration, ça ne va pas le faire. Disons que je fais globalement attention aux droits humains », souligne l’étudiante.

La lutte contre le sexisme n’est la star d’aucun programme

Les jeunes interrogé·e·s regrettent que le débat sur les violences sexistes ne soit pas assez mis en valeur dans un programme en particulier. Successivement, plusieurs candidat·e·s ont affiché des prises de position sur le sujet : Yannick Jadot a parlé « d’impunité zéro sur les violences sexuelles », Jean-Luc Mélenchon souhaite de nouveaux centres d’hébergement spécialisés, mais rien ne semble avoir marqué les esprits.

Âgée de 25 ans également, Emma travaille dans le social. Elle se rappelle avoir voté pour Benoît Hamon en 2017, « de façon logique parce que c’était le candidat de gauche ». Cette fois-ci, elle aurait plutôt aimé se tourner vers Christine Taubira, avant qu’elle retire sa candidature, estimant qu’elle « incarnait quelque chose », et qui prenait des « postions fortes concernant les femmes et les droits humains en général ».

La génération 18-25 ans a une plus forte demande en matière d’égalité femmes-hommes

Pour Arnauld Leclerc, professeur de science politique à l’université de Nantes, il ne faut surtout pas négliger la pluralité de la jeunesse : « La question environnementale et plus généralement les questions sociétales, sont des thèmes qui intéressent et polarisent l’attention d’une partie de la jeunesse, plutôt celle diplômée du supérieur. Mais c’est beaucoup moins clair pour le reste des jeunes, comme celles et ceux qui travaillent et/ou sont en apprentissage. Pour eux, on ne constate pas de percée très forte derrière les candidats écologistes par exemple. »

Dans l’ensemble, selon l’expert, la génération actuelle des 18-25 ans, surtout la tranche étudiante, a une « plus forte demande en matière d’égalité femmes-hommes ». Cependant, elle n ‘est pas homogène chez la jeunesse. « Si la société bouge » sur ces questions-là, ajoute le professeur, « elle ne bouge pas d’un seul bloc ».

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