Il suffit de taper “ Tueurs en série “ dans la barre de recherche Netflix pour voir la fascination que ces êtres humains exercent sur nous. Rien de nouveau là-dedans, de Jack L’Éventreur à Michel Fourniret, ces meurtriers ont toujours fait couler beaucoup d’encre et inspiré notre imaginaire. Mais alors, pourquoi sommes-nous fascinés par les serials killers ?

Pour commencer, qu’est-ce qu’un tueur en série ? Le terme “ serial killer “ fut inventé dans les années 1970 par l’agent du FBI Robert Ressler, comme nous le rappelle la série Mindhunter. Nous définissons généralement le serial killer comme quelqu’un qui a commis plusieurs meurtres dans des lieux différents, sur une durée indéterminée. En général, il ne connaît pas ses victimes. 90 à 95 % d’entre eux sont des hommes. Entre 73 et 84 % de ces meurtriers sont de type caucasien. Enfin, 60 % avaient moins de 30 ans lorsqu’ils ont fait leur première victime. Il est à différencier des tueurs de masse, qui tuent plus de 4 personnes sur un laps de temps très court.

Bien qu’on ne parlait pas encore de tueur en série à l’époque, le premier à avoir fait couler autant d’encre est probablement Jack l’Éventreur. 5 victimes dans le quartier WhiteChapel à Londres. Toutes des femmes, prostituées. Peu de suspects, pas de mobile défini, pas d’indice. De quoi laisser libre cours à la spéculation des journalistes, qui s’emparent de l’histoire pour vendre plus. Évidemment, l’identité du meurtrier varie selon l’angle politique du journal. Plus d’un siècle après, malgré d’innombrables tentatives de le démasquer, le tueur reste inconnu à ce jour. En 2019, un scientifique a fait une nouvelle tentative, infructueuse, pour analyser son ADN. Le mystère de Jack l’Éventreur reste entier.

Films, séries, livres, podcasts, le tueur en série fait vendre. Et ce, qu’il relève de la fiction (Le Silence des Agneaux, You) ou du documentaire (Ted Bundy, autoportrait d’un tueur, Dans la tête des criminels). D’après Emily Tibbats, autrice et créatrice du site tueursenserie.org, il est plus juste de parler d’intérêt que de fascination : “ Il y a une grande différence entre fascination et intérêt. Les tueurs en série ne me fascinent pas. Je les trouve abjects et répugnants. Ils sont ce qui existe de pire, de plus ignoble, de plus immonde, dans l’espèce humaine. Par contre, ils m’intéressent car j’essaie de comprendre les raisons de leurs actes “.

En effet, est-ce que cet engouement pour les crimes les plus sordides ne provient pas de notre besoin, très humain, de comprendre ? Depuis toujours, l’Homme cherche à comprendre le monde qui l’entoure, au travers de la science comme de la religion. Comprendre les tueurs en série, c’est mettre une raison sur ce qui est innommable. Le meurtre gratuit. Qui n’a pas d’autres raisons que cette pulsion à assouvir. Ce sentiment de toute-puissance. Ce total manque d’empathie. Nous voulons trouver une raison logique : a-t-il eu une enfance malheureuse ? Maltraitait-il les animaux quand il était jeune ? A-t-il été harcelé à l’école ? Tout en sachant que rien ne pourra jamais excuser, ou expliquer, ces comportements. Mais, en trouvant une raison rationnelle, nous avons l’impression d’être à l’abri. S’il y a une explication, nous pouvons nous en prévenir. Pourtant, à l’époque, personne ne soupçonnait Ted Bundy, alors décrit comme charmant et fort sympathique par son entourage. Durant son procès filmé, il se permet même des clins d’œil à la caméra. De jeunes femmes interviewées disent que ce n’est pas lui, car il n’a pas la tête d’un serial killer. L’homme a tué, au minimum, 36 femmes.

Parfois, l’intérêt éprouvé pour les tueurs en série peut déraper. Ainsi, Netflix a dû rappeler à l’ordre ces utilisateurs concernant la beauté et le charme présumé de Ted Bundy :

I’ve seen a lot of talk about Ted Bundy’s alleged hotness and would like to gently remind everyone that there are literally THOUSANDS of hot men on the service — almost all of whom are not convicted serial murderers

On parle même du syndrome Bonnie and Clyde : des individus sont attirés sexuellement ou amoureusement par des personnes qui ont commis des crimes. Prenons en exemple le tueur en série par procuration, Charles Manson. Âgé de 72 ans, il rencontre depuis sa prison celle qu’on appellera Star Manson, 18 ans à l’époque. Après avoir échangé des lettres pendant plusieurs années, Afton Burton de son vrai nom, rend visite à l’ex-gourou pendant près de 10 ans. Sa fiancée devient sa plus fervente admiratrice, le défendant sur Internet et auprès des médias, le jurant innocent. Chaque serial killer reçoit chaque mois des dizaines de lettres, de la part de femmes principalement. Nous pouvons également y voir un syndrome du sauveur : beaucoup de ces femmes sont persuadées d’être les seules à pouvoir les comprendre. Soit elles sont persuadées de leur innocence, soit elles pensent être les seules à pouvoir les sauver de leurs démons. Rassurez-vous, ce n’est pas parce que vous avez adoré American Psycho que vous êtes atteints du syndrome Bonnie and Clyde.

Je crois que je regarde des documentaires sur les tueurs en série quand je suis déprimée parce que ça permet de relativiser de ouf sur sa vie. Genre ok c’est la merde là mais au moins j’ai pas fini découpée en morceaux au fond d’un ravin ????????????

S’intéresser à de tels tueurs nous permet de nous rassurer sur notre propre normalité et de relativiser. Nous avons nos problèmes, mais nous n’avons pas été assassiné dans des conditions atroces. Malgré nos défauts, nos pensées sombres, il nous est impossible d’imaginer avoir ce genre de comportement. Comme lorsque l’on regarde un film d’horreur, nous recherchons à ressentir un frisson, dans la sécurité de notre canapé. Les serials killer ont en quelque sorte remplacé les loups-garous d’autrefois. Rappelons que moins d’1 % des meurtres commis aux États-Unis sont l’œuvre de tueurs en série. Nous ne nous sentons pas réellement menacés.

Notons aussi que, depuis les années 1970, les serials-killer ont, dans la culture-pop, atteint le statut de célébrités, au même titre que les rocks-stars. C’est d’ailleurs un des objectifs poursuivis par nombre d’entre eux : être connu, et reconnu. Le fait de poursuivre “ l’œuvre de leur vie “ sans être attrapé peut parfois être source de frustration pour eux, car ils ont ce besoin de reconnaissance. Mission accomplie, il existe aujourd’hui un marché du murderabilia : des sites internet dédiés à l’achat d’objets ayant appartenu à des tueurs en série, ou des souvenirs de scènes de crime par exemple. Vous pouvez ainsi acheter un dessin réalisé par John Wayne, le “ Clown Tueur “. Dans une moindre mesure, vous pouvez également trouver des pulls et t-shirts à l’effigie de célèbres serials killer, comme Ed Kemper (après tout, c’est bientôt Noël).

Pour conclure, nous avons demandé l’opinion de Megan Morgan, Youtubeuse True Crime : “ Je pense que l’être humain est naturellement attiré par tout ce qui l’effraie. C’est pour cela qu’on a créé les films d’horreur, maisons hantées, ect. On aime avoir peur, et se dire que des êtres humains sont capables d’autant d’atrocités nous captive. L’horreur attire l’œil, on essaie encore aujourd’hui de rationaliser et d’essayer de comprendre ce qui peut déclencher nos instincts de tueurs de cette façon. Certains naissent ainsi, d’autres développent cela en grandissant, certains encore vrillent du jour au lendemain sans jamais avoir montré le moindre signe avant-coureur. On ne va pas se mentir, c’est fascinant et effrayant de penser que notre mari, notre voisin ou notre boulanger pourrait se retrouver dans les gros titres après avoir réalisé l’impensable. “

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