• La 37e cérémonie des Victoires de la musique se tiendra le vendredi 11 février sur France 2 et France Inter, en direct de la Seine musicale.
  • Avant cette grande soirée, « 20 Minutes » vous propose de (re) découvrir chaque jour l’une des cinq « chansons originales » nommées.
  • Pour commencer, place à « L’odeur de l’essence » d’Olelsan, l’un des morceaux les plus marquants de 2021.

Tout le monde ne parlait que de ça ce jour de novembre 2021. « T’as vu Orelsan ? Il est vraiment trop fort ! » « Hey ! Vous avez maté le nouveau clip d’Orelsan ? Le mec défonce tout », pouvait-on entendre à la machine à café ou lire au détour d’une conversation de groupe sur Whatsapp. La raison ? Un clip de 4 minutes 44, L’odeur de l’essence,
son premier single solo dévoilé par surprise après trois ans d’absence. Ou presque.

En amont le rappeur avait déjà bien préparé le terrain. Un mois plus tôt, Amazon Prime mettait en ligne Montre jamais ça à personne,
une série documentaire sur la vie et la carrière de l’artiste, réalisée par son frère Clément Cotentin. Drôle, émouvante, nostalgique, elle aussi avait été encensée à coups de « j’ai adoré, faut vraiment que tu regardes ». Et il ne s’agissait finalement que de la première étincelle avant l’embrasement.

Car L’odeur de l’essence, nommé dans la catégorie « Chanson originale » aux Victoires de la musique, est sans aucun doute le titre le plus marquant de cette année 2021 et celui qui a propulsé Orelsan au-delà de la stratosphère.

« Dans un avion qui va droit vers le crash »

Tout d’abord parce qu’il signe le grand retour de l’artiste sur le devant de la scène rap, quasi absent depuis la réédition de La fête est finie en 2018. Après le succès notable de ce troisième album (récompensé par trois victoires de la musique à l’époque), le rappeur de Caen était forcément attendu au tournant. Comment faire mieux que Basique, Défaite de famille ou Tout va bien ? Réponse : En s’emparant d’une substance hautement inflammable. Le 17 novembre 2021, trois ans jour pour jour après le début du mouvement des gilets jaunes, Orelsan sort L’odeur de l’essence, dans laquelle il déclame : « Les jeux sont faits, tous nos leaders ont échoué/Ils s’ront détruits par la bête qu’ils ont créée/La confiance est morte en même temps qu’le respect/Qu’est c’qui nous gouverne ? La peur et l’anxiété ». D’une traite, dans une chanson sans refrain, l’artiste déverse une critique acide de notre société et porte un regard désabusé et alarmiste sur le monde qui nous entoure.

Il y a les paroles, mais aussi les images. Orelsan dévoile cette chanson en même temps que son clip dans lequel il se met en scène devant des écrans géants. S’y succède une pléthore de séquences qui viennent appuyer le propos du rappeur : incendies, émeutes, manifestations de gilets jaunes, accident de voitures, chaos… « On s’crache les uns sur les autres, on sait pas vivre ensemble/On s’bat pour être à l’avant dans un avion qui va droit vers le crash », conclut-il devant un écran noir. L’odeur de l’essence débarque à l’automne, alors que les jours raccourcissent et que le climat social se tend à quelques mois des élections présidentielles. Les 4 minutes 44 d’Orelsan mettent des mots sur un ras-le-bol général et résonnent comme un manifeste.

« Que des opinions tranchées, rien n’est jamais précis »

On avait connu le rappeur sarcastique, on lui découvre une facette plus virulente. Il aborde ici des problématiques précises du paysage politique français comme la montée des extrêmes et le racisme, ou encore une remise en question du système électoral de notre pays. « Si l’Président remporte la moitié des voix c’est qu’les deux tiers de la France en voulaient pas/Pas b’soin d’savoir c’est quoi l’Sénat pour voir qu’les vieux riches font les lois », dit-il. Un message entendu par le Président en personne. « C’est bien vu. C’est quand même quelqu’un qui dépeint la société comme un sociologue », aurait estimé Emmanuel Macron selon Libé. Invité
sur le plateau de Quotidien quelques jours plus tard, l’auteur de la chanson a réagi à ce compliment : « Est-ce qu’il n’essaierait pas de gratter mon buzz, un petit peu ? Je pense qu’il n’a pas dû écouter tout mon album ».

Au-delà du propos, la force de cette chanson pourrait surtout se trouver dans ce qu’elle provoque. Souvenez-vous des jours qui ont suivi sa sortie, tout le monde y allait de son petit commentaire, dans les médias ou sur les réseaux sociaux. Critiques dithyrambiques et génie pour certains, perplexité voir hérissement pour d’autres. Il fallait donner son avis. Au sein du service culture, elle a même provoqué un débat vif et tendu, peut-être même le plus houleux de l’année. Comble de l’ironie, Orelsan en parle lui-même dans sa chanson : « Plus personne écoute, tout l’monde s’exprime/Personne change d’avis, que des débats stériles/Tout l’monde s’excite parce que tout l’monde s’excite/Que des opinions tranchées, rien n’est jamais précis ».

Avec ce titre, le rappeur confirme sa place d’artiste populaire dont le point de vue et le regard comptent. Qu’on apprécie sa musique, ou non. De même, L’odeur de l’essence restera à jamais l’instantané d’une époque aux illusions perdues, d’une génération tétanisée et dos au mur.

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