Une femme noire peut-elle jouer le rôle de la reine Cléopâtre ? Vous ne rêvez pas : c’est la dernière polémique du moment au sujet de la sortie prochaine d’un docu-fiction de Netflix sur la fameuse reine d’Egypte. 20 Minutes vous explique les tenants et aboutissants d’une affaire aux relents racistes.
C’est quoi cette série ?
La Reine Cléopâtre est un docu-fiction produit par Jada Pinkett Smith et présenté comme « fondé sur des reconstitutions et des témoignages d’experts », qui sera diffusé le 10 mai sur la plateforme de vidéo à la demande Netflix. La bande-annonce assure que ce docu-fiction retrace la vie de la dernière pharaonne d’Egypte, « en lutte pour défendre son trône, sa famille et son œuvre ». Cette série n’a pas que l’ambition de raconter la vie de Cléopâtre car chaque saison devrait s’intéresser à une reine d’Afrique différente. Détail : le rôle principal de cette saison est joué par Adela James, une actrice noire. Jusque-là, dans la pop culture, ce sont surtout des actrices blanches qui avaient joué la mythique reine, la plus célèbre d’entre elles étant Elizabeth Taylor, dans un film de Joseph L. Mankiewicz, sorti en 1963.
Ce que disent les critiques
Pour certains internautes, notamment repérés par BFMTV, le choix d’Adela James est rien de moins qu’une « tentative de réécriture de l’histoire ». Et nouvel épisode de la « cancel culture », théorie non démontrée scientifiquement, surtout utilisée à droite et à l’extrême droite, pour critiquer la remise en cause de certains dogmes sexistes, racistes, homophobes, etc. issus de l’histoire. Une pétition a même été mise en ligne sur le site Change.org et a recueilli plus de 18.000 signatures avant d’être retirée. C’est en Egypte que la polémique est la plus vive : « Arrêtez le documentaire sur Cléopâtre sur Netflix pour falsification historique », a recueilli plus de 40.000 signatures. Dans le pays, des voix réclament régulièrement l’interdiction de Netflix pour des contenus jugés offensants pour l’Egypte ou « ses valeurs familiales ».
Ce qu’en dit l’Egypte
Jeudi, le ministère des Antiquités égyptien a publié un long communiqué citant de nombreux experts, tous catégoriques : Cléopâtre avait la « peau blanche et des traits hellénistiques », concluent-ils tous. « Les bas-reliefs et les statues de la reine Cléopâtre en sont la meilleure preuve », poursuit le ministère dans son texte agrémenté de tétradrachmes, des pièces de monnaies grecques, et de statues en marbre représentant Cléopâtre avec des traits européens. Mais ce rappel à l’ordre est surtout motivé par « la défense de l’histoire de la reine Cléopâtre, qui est une partie importante de l’histoire de l’Egypte antique, indépendamment de toute considération raciale », tient-il à préciser.
Ce que dit la réalisatrice
« Qu’est-ce qui vous dérange tant à propos d’une Cléopâtre noire ? Il est plus probable que Cléopâtre ait ressemblé à notre actrice qu’à Elizabeth Taylor », écrit Tina Gharavi, la rélisatrice, dans le magazine Variety, pour se défendre. « Les faits connus sont que sa famille grecque macédonienne – la lignée ptolémaïque – s’est mariée avec la dynastie séleucide d’Afrique de l’ouest et qu’elle était en Égypte depuis trois cents ans, poursuit-elle. Cléopâtre était à huit générations de ses ancêtres ptolémaïques, ce qui rend peu probable le fait qu’elle soit blanche. Après 300 ans, nous pouvons sans aucun doute affirmer que Cléopâtre était Egyptienne. Elle n’était pas plus grecque ou macédonienne que Rita Wilson ou Jennifer Aniston. Toutes deux sont issues d’une génération grecque. »
Est-ce si grave ?
Disons-le tout de suite : non. Si la légende raconte que la reine née vers 69 avant J.C. était d’une grande beauté, son apparence et sa couleur de peau restent largement sujettes à interprétation. Sujet d’ailleurs abordé dans le documentaire, la réalisatrice reconnaissant l’incertitude. Mais, au-delà même de la question de l’exactitude historique, dont on a bien compris qu’elle était sujette à débat sur ce point, en quoi le fait que l’actrice qui incarne Cléopâtre soir noire change quelque chose à la qualité du programme ?
Gageons que la fiction ou le documentaire produiront dans le futur bien d’autres Cléopâtre, claires, noires ou autre. « Nous devons discuter de notre rapport à la couleur de peau, de ce racisme intériorisé dont Hollywood nous a endoctriné, estime Tina Ghavari. Nous devons comprendre que l’histoire de Cléopâtre parle moins d’elle que de nous. » Le fait qu’une actrice noire joue cette fois ce rôle créé une polémique en dit plus long sur le malaise dans notre société à voir un personnage noir en majesté que sur Cléopâtre elle-même. D’ailleurs, en 2009, un documentaire de la BBC affirmait qu’elle avait du sang africain, sans pour autant éveiller les passions.
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