Avec ses vestes de matador, sa robe habillée de l’oeuvre cubiste "La Guitare" ou encore le look bridal parsemé de colombes, la dernière collection de Jeremy Scott pour la maison italienne est une véritable ode au travail du peintre espagnol. Quelques heures avant le défilé, Vogue a rencontré Jeremy Scott pour parler de ses inspirations.
En 1911, Pablo Picasso était accusé d'avoir volé La Joconde. Après que le chef-d'œuvre de Léonard de Vinci a disparu du Louvre, le poète français Guillaume Apollinaire est devenu le principal suspect, impliquant finalement son ami Picasso, par la suite tous deux innocentés lorsque le véritable coupable s'est révélé être Vincenzo Peruggia, l'un des employés du musée. Cette affaire mystérieuse, maintenant reléguée au rang des livres d’histoire de l’art, a été l’un des points de départ de la collection printemps-été 2020 de Jeremy Scott pour Moschino : "C’est ça le problème avec Picasso", explique le créateur à Vogue, quelques jours avant son défilé lors de la Fashion Week de Milan. "Juste quand vous pensez tout connaître de lui, il vous surprend encore".
© Jamie Stoker
La femme Picasso
Clin d’œil à cet incident, la dernière collection de Jeremy Scott pour Moschino donne vie aux œuvres d'art "J’ai créé deux cadres dorés géants pour les tops", explique-t-il. Les mannequins portent chacun des looks inspirés de Picasso, certains faisant référence à ses muses ou à son travail. Pour façonner cette collection, Jeremy Scott a lu tout ce qu'il pouvait trouver sur le sujet, regardé des documentaires et la série de National Geographic "Genius: Picasso", où Antonio Banderas prête ses traits à l'artiste. "Il a peint tellement de fois les portraits des même femmes, encore et encore." ajoute le créateur. "Ses femmes, ses maîtresses, ou même ses filles. Cela m'a fait penser à la femme Picasso".
Il cite la peintre Françoise Gilot et la photographe surréaliste Dora Maar comme exemples, deux artistes à part entière. "Cette dernière est celle qui me touche le plus", souligne Jeremy Scott à propos de Dora Maar. "Les portraits d'elle sont si emblématiques du travail de Picasso et elle a vraiment fait naître quelque chose de spécial en lui". En traduisant ces œuvres en robes à l'extravagance signature, le créateur a échantillonné une palette de couleurs vibrantes et expérimenté volumes et proportions. "J'ai beaucoup pensé au cubisme", dit-il. "Je voulais subvertir les formes des vêtements de la même manière que Picasso l'a fait avec la réalité. Les angles sont asymétriques et j'ai beaucoup joué avec cette notion de symétrie".
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Matadors et mortalité
Encore plus théâtrales sont les tenues qui évoquent des thèmes récurrents dans l’œuvre de Picasso. "Il a eu une longue carrière, alors j’ai essayé d’en aborder différentes périodes", ajoute le créateur. "Nous savons qu'il aimait les corridas, par exemple, donc je devais m'y attaquer". En inclinant des toiles comme celle de 1933 "La Mort du torero", il créa une veste et un short peints avec des pompons dorés. "J'ai moi-même confectionné des vestes de matador au fil des années et Franco Moschino avait également un lien étroit avec les silhouettes de ce style." déclare Jeremy Scott. "Ces créations vous font penser à la fragilité de la vie. Dans les corridas, le sang coule et la mort rode".
Cette idée de mort transparaît également dans un autre look de cette collection printemps-été 2020, baptisé par Jeremy Scott "la robe de la mort" – une robe longue à manches bouffantes, qui arbore une illustration à la craie d'un squelette. "La mort occupait une place si importante dans la vie de Picasso", explique le créateur. "Quand sa petite sœur était malade, il a conclu un pacte avec Dieu selon lequel, s’il la laissait vivre, il ne peindrait plus jamais. Après sa mort, il a eu le sentiment que c'était de sa faute, car il vivait pour l'art et voulait continuer à travailler à tout prix." Deux de ses partenaires et muses – Jacqueline Roque et Marie-Thérèse Walter – se sont suicidées. "Pour Picasso, la mort rodait toujours", raconte Jeremy Scott. "Cela me semblait vraiment puissant."
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Motifs abstraits et formes cubistes
Au-delà de la robe de deuil noire, les silhouettes extravagantes ne manquent pas. L’une des préférées de Jeremy Scott est une robe inspirée de l'oeuvre "La Guitare", habillée de cuir et de clous. "Elle a un bustier sexy, des empiècements imprimés et un look abstrait, comme une guitare éclatée", explique-t-il. "Le motif de la guitare était important pour Picasso, tout comme pour Juan Gris et Georges Braque. Ils l’ont décomposé et disséqué, et j’ai donc voulu examiner les instruments de musique à travers cette esthétique cubiste". Il y a aussi une robe de mariée en mousseline froncée et parsemée de colombes. "Il y a un double hommage, parce que Picasso a nommé sa fille Paloma, "qui signifie colombe, en espagnol", explique-t-il. "C'est angélique."
Et l'ultime détail ? "Mon cher ami Stephen Jones a confectionné quelques chapeaux", ajoute le créateur. "C’est une version abstraite des chapeaux portés par les toreros, que j'ai vraiment hâte de découvrir".
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