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On a beau l’envisager, la disparition d’un être cher sonne comme un coup de tonnerre. S’il n’existe pas de route toute tracée pour surmonter un deuil, le réconfort se trouve parfois là où on ne l’attend pas.
Les jours qui suivent un décès, il y a les funérailles, le recueillement, les proches qui vous entourent et vous soutiennent. Mais une fois que le quotidien a repris ses droits, on se retrouve seul avec la blessure psychique, la « plaie » béante que représente la perte d’un être aimé. Commence alors une très lente cicatrisation, un long cheminement que les spécialistes appellent le processus de deuil. Un mécanisme certes inconscient et spontané, mais qui, sans un accompagnement solide et bienveillant, peut virer au chaos. « L’accompagnement consiste à créer les conditions les plus favorables possible pour que cette cicatrisation se déroule au mieux », explique le psychiatre Christophe Fauré, spécialiste du deuil (auteur de Vivre le deuil au jour le jour, éd. Albin Michel). « Car, lorsqu’on ne prend pas soin de sa blessure, lorsqu’on ne la protège pas des coups, elle peut s’abîmer et s’infecter… » Avec des répercussions physiques (stress, problèmes cardiaques), psychologiques (dépression, idées suicidaires « pour cesser de souffrir ») ou sociales (repli sur soi, ressentiment) aujourd’hui connues et évaluées*. Des études menées récemment en Suède sur l’impact du décès d’un conjoint chez les plus de 65 ans** ont révélé un taux de mortalité de 60 % plus élevé que dans le reste de la population dans les six mois qui suivent la disparition.
De possibles lendemains qui chantent
Lorsqu’il a perdu sa femme il y a dix ans, trois semaines seulement après l’annonce de sa maladie, Gérard, 79 ans, s’est demandé comment il allait faire pour « continuer » : « Je ne me voyais pas vivre sans elle, se souvient-il. On ne se quittait jamais, on faisait tout ensemble, et là je me retrouvais seul, j’étais complètement perdu. » « Un des intérêts de l’accompagnement est de transmettre l’idée que le deuil n’est pas un état fixe mais un mouvement, souligne Christophe Fauré. Bien souvent, la douleur est tellement forte après le décès, que les personnes ont le sentiment que leur vie est finie, qu’elle n’a plus de sens, que plus rien ne sera jamais possible. L’idée est de rappeler à la personne que même si le processus de deuil n’éradique pas la peine – il restera toujours en soi une dimension qui souffre – il va permettre de réduire progressivement cet espace de souffrance et par là, de libérer un espace pour autre chose (du plaisir, des moments heureux, des liens nouveaux, etc.). » Un message recevable à condition de respecter le rythme de l’autre, c’est-à-dire de ne pas chercher à lui imposer un timing calibré, mais simplement de l’éclairer sur ce qu’il est en train de vivre.
Seul… et bien accompagné
Au sein de l’association Empreintes, les bénévoles sont formés à expliquer la nature du deuil, le temps qu’il peut prendre, les étapes qui le constituent et le tourbillon émotionnel qu’il entraîne (colère, déni, épuisement, culpabilité, etc.). Une pédagogie nécessaire pour aider chacun à mieux apprivoiser ce qu’il ressent. « Juste après le décès de mon mari, j’étais dans un état de stupeur, un état second, comme déconnectée du monde, se souvient Saliha, 52 ans. Je n’arrivais même pas à pleurer. J’ai repris le travail mais j’étais comme absente aux autres et à moi-même. Je ne comprenais plus rien de ce que je vivais, j’avais l’impression de devenir folle, je perdais pied. Au bout de quelques mois, je me suis dit qu’il fallait trouver de l’aide car je n’allais pas m’en sortir. » Saliha contacte alors l’association qui lui propose un entretien individuel. Une expérience que la quinquagénaire qualifie aujourd’hui de « bouée de sauvetage » et de « lumière dans la nuit ». « Dès le premier échange, j’ai pu mettre des mots sur ce que je vivais, j’ai pu pleurer sans me sentir jugée, raconte-t-elle. On m’a dit que je n’étais pas seule à ressentir tout ça. J’ai enfin compris que ce que je vivais était normal. »
Des mots sur les maux
Une écoute active et un soutien sont d’autant plus importants que, bien souvent, l’entourage est démuni voire absent ou très maladroit face à la souffrance. Toujours selon l’étude du Crédoc, un Français endeuillé sur deux se déclare heurté par certaines attitudes et certains clichés entendus : les « Vous devez être fort pour les autres », « Il faut penser à autre chose » et autres « La vie continue ». Une injonction à « tourner la page » contre laquelle les accompagnants associatifs luttent pied à pied. « Le principe de l’accompagnement est justement de permettre à la personne de faire plusieurs fois le récit de ce qu’il s’est passé depuis le décès, indique Marie Tournigand, formatrice et conférencière, déléguée générale d’Empreintes. Ce récit s’articule autour de trois questions : qui avez-vous perdu (quel était votre lien avec cette personne ?), dans quelles circonstances (accident, maladie, grand âge, suicide ?) et comment allez-vous aujourd’hui sur les plans physique, psychique, social, matériel ? » Des questions qui réconfortent et permettent d’évaluer les besoins de la personne. « Faire ce récit est comme lire un livre qui fait peur ou qui rend triste, plus on le relit, plus les émotions qui y sont liées s’apaisent », explique la spécialiste. « On peut déterminer le type d’accompagnement le plus adapté et le degré d’urgence », ajoute-t-elle.
La même histoire…
Entretiens individuels, mensuels ou bimensuels, groupes de parole ou d’entraide… : les dispositifs varient selon les associations. Avec toujours un dénominateur commun, la volonté de tisser un lien pour que la personne plongée dans le chagrin reste ancrée dans la vie. Gilberte, 70 ans, se souvient du soulagement qu’elle a ressenti lorsqu’elle a découvert l’association Favec. « J’ai rencontré des personnes qui avaient vécu la même chose que moi, et qui ont su m’écouter, dit-elle. Je me suis sentie comprise, je n’étais plus seule avec ma peine, je pouvais la partager avec d’autres. » Un échange qui incite à sortir de l’isolement. « Souvent, après plusieurs mois de cheminement personnel, émerge un besoin de savoir comment font les autres pour surmonter la perte de leur proche, observe Marie Tournigand. Dans les groupes de parole, les histoires entrent en résonance, trouvent des échos en chacun, ce qui permet soit de se reconnaître soit de découvrir comment d’autres traversent cette épreuve. »
La vie après la mort
Un moyen d’entrevoir, aussi, des pistes pour aller mieux. « Les premières fois où j’ai participé à des temps de rencontre organisés par la Favec, j’ai constaté qu’il y avait chez certains participants une gaieté, des rires aussi, cela m’a étonné, presque heurté, rapporte Gérard. Mais finalement, cela m’a montré que c’était possible. » Et pour cause : la finalité d’un processus de deuil est bien la coexistence entre le souvenir de l’être cher et une vie qui continue. « Le travail de deuil ne vise pas l’oubli, rappelle Marie Tournigand. Au contraire, il a pour vertu de transformer le lien extérieur avec l’être aimé en un lien intérieur. Il s’agit en fait de le préserver à tout jamais en prenant conscience qu’il est en nous, qu’il est une partie de nous. » D’où l’intérêt, là encore, d’aider chacun à vivre le plus harmonieusement possible ce cheminement, comme le revendique de plus en plus le monde associatif. « Nous militons pour qu’après l’annonce d’un décès, une offre d’information et d’orientation sur le deuil soit systématiquement proposée, précise l’experte. Mais également pour qu’un référent soit formé auprès de chaque école (on estime qu’il y a en moyenne un orphelin par classe), dans chaque service hospitalier, dans chaque Ehpad. Bref, nous revendiquons une prise en charge sociétale de cet enjeu qui nous concerne tous ! »
* Enquête « Les Français face au deuil 2019 », Crédoc-Empreintes-CSNAF.
** Extrait des actes « Impact du deuil conjugal sur la santé », Assises du deuil, 12 avril 2019, Paris.
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