Témoignage : Contre le coronavirus, les Pays-Bas comptent toujours miser sur « l’immunité collective » bien que jugée dangereuse par l’OMS. Une Néerlandaise et deux français expatriés nous racontent l’atmosphère actuelle qui règne dans le pays.

En ce jour, lundi 23 mars 2020, les Pays-Bas comptent 4 204 cas de coronavirus et 179 morts dus au Covid-19. Cependant, si la plupart des pays européens ont opté pour le confinement, ce n’est pas le cas du gouvernement néerlandais. Comme la Suède, les Pays-Bas préfèrent la stratégie particulièrement controversée de « l’immunité collective ». Elle consiste à laisser les personnes les moins vulnérables contracter le virus tout en protégeant les personnes à risque. Cela vise à immuniser la majorité de la population afin que la maladie ne se propage plus. Malgré tout, cette technique est considérée comme dangereuse par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Le gouvernement néerlandais recommande à ses concitoyens de rester chez eux alors que certains lieux sont désormais fermés, notamment les écoles. Néanmoins, les rassemblements sont toujours autorisés. Avec le beau temps de retour ce weekend, les parcs, les plages et les réserves naturelles étaient très fréquentés. Cela multiplie inévitablement les risques de contamination.

Mais que pense vraiment la population de cette stratégie ? Carmen Akkermans, une Néerlandaise originaire de Delft ainsi que deux expatriés français résidant à Amsterdam, Sophie Galakhoff et Clim Amar, se confient sur leurs inquiétudes et le climat actuel aux Pays-Bas.

Que pensez-vous de la stratégie d’immunité collective ?

Carmen Akkermans : Je pense qu’il y a une certaine logique, mais c’est aussi délicat car nous ne savons pas si cela fonctionne vraiment.

Sophie Galakhoff : Je ne pense pas que ce soit une bonne chose. Même si le virus fait partie d’une famille de virus déjà connue, nous ne connaissons pas vraiment son origine. De plus, selon les réseaux sociaux, il semblerait qu’une même personne l’est attrapée deux fois. Si la maladie revient sans cesse peut-on parler d’immunité ? De même, je pense que l’isolement permet non pas de se protéger mais de préserver les personnes à risque. Je crois vraiment qu’il faut minimiser les interactions au strict nécessaire. En prenant maintenant des mesures drastiques, on pourrait identifier les sujets à risque, désengorger les hôpitaux et revenir à un rythme sain dans 1 ou 2 mois. Actuellement, nous retardons des mesures inévitables. Selon moi, lorsque le taux de décès dû au Covid-19 augmentera aux Pays-Bas, des mesures comparables à celles de la France seront prises. Mais pourquoi attendre lorsque l’on voit l’impact sur les autres pays ?

Clim Amar : C’est complètement insensé, les biologistes sont d’accord sur le fait que l’immunité collective est atteinte par la vaccination ! En d’autres termes, le virus tuera plus vite que le temps d’adaptation de la collectivité sans l’utilisation de vaccin. Baser une politique incluant une population entière est osé, pour ne pas dire criminel. Le confinement a très bien marché en Chine et ils ferment leurs hôpitaux dédiés au COVID-19/SARS-Cov2 par manque de nouveaux cas… La recherche mondiale est unifiée, le vaccin ne devrait pas tarder !

Êtes-vous inquiets pour votre santé ?

Carmen Akkermans : Je ne m’inquiète pas pour ma santé. Je reste à une bonne distance des autres personnes, je ne vais pas au supermarché aussi souvent qu’avant et j’essaie de télé-travailler autant que possible.

Sophie Galakhoff : Non, ce qui est un peu ironique car je suis de nature hypocondriaque, toujours à l’écoute des moindres symptômes de mon corps. Je fais très attention, je me lave les mains régulièrement, je porte un masque/écharpe, je minimise mes sorties au supermarché… Quand bien même je serais infectée, je reste jeune et en bonne santé bien que je sache que des complications peuvent arriver. Je suis plus inquiète pour les gens autour de moi.

Clim Amar : Pas vraiment car je sais me laver les mains et respecter les règles d’hygiène de base. Je fais aussi confiance aux scientifiques pour nous sortir de cette situation. Encore une fois, l’exemple de la Chine nous montre la voie à suivre.

Connaissez-vous des personnes à risque ?

Carmen Akkermans : Oui, ma maman est une personne qui doit faire très attention. Nous restons à une certaine distance de sécurité, nous ne nous embrassons même pas. Elle reste principalement à la maison pour être en sécurité.

Sophie Galakhoff : Pas à Amsterdam. Mais en France ma mère et mon père oui. Mon père est alité depuis 3 ans avec de graves problèmes cardiaques et ma mère a une insuffisance rénale.

Clim Amar: En France oui, sinon peu aux Pays-Bas.

Quel est le climat actuel aux Pays-Bas ?

Carmen Akkermans : La plupart des gens ne sont pas encore vraiment préoccupés par les conséquences. Ils se retrouvent encore pour faire la fête ou pour faire du sport.

Sophie Galakhoff : Les gens s’en fichent, notamment dans les magasins. Quand je sors avec mon masque faire les courses, les gens me regardent comme si j’étais folle. J’ai l’impression d’être une bête de foire ! Je me demande si les gens le prennent comme un jeu ou un complot. Je viens même de recevoir un message de mon équipe pour se réunir et un autre du gouvernement conseillant de garder 1,5 mètre de distance entre chaque personne.

Clim Amar : L’humeur est quand même assez dilettante, advienne que pourra, carpe diem…

Les gens sont-ils inquiets ?

Carmen Akkermans : Au début, il y avait de la panique, tous les supermarchés étaient vides. C’était fou ! Maintenant ce n’est plus le cas car notre gouvernement a assuré qu’il y aurait assez de nourriture. Il semblerait que les gens oublient les conséquences des regroupements.

Sophie Galakhoff : Ce qui m’inquiète c’est l’inconscience des gens. Je vois encore beaucoup trop de personnes dehors. Une bonne partie est au-dessus des 50 ans alors que je m’isole pour eux. Mais je les vois à l’extérieur, ils fréquentent encore beaucoup les marchés.

Clim Amar : Cela dépend. Tout le monde en parle bien évidemment. Dans certains établissements, les distances de sécurité et lavages de main sont respectés mais c’est généralement détendu.

Des mesures ont-elles été prises ?

Carmen Akkermans : Toutes les écoles sont fermées, les gens doivent travailler chez eux et les professionnels de la restauration ne travaillent plus.

Sophie Galakhoff : Tous les bars et restaurants sont fermés. Certaines entreprises autorisent le télétravail. Une connaissance doit cependant retourner au travail dès ce lundi. Dans certains supermarchés, les employés distribuent des paniers, il y a aussi des vitres suspendues aux caisses pour éviter les postillons.

Clim Amar : Tous les espaces publics sont fermés à part les établissements du type supermarchés, boucheries et autres petits commerçants. Les restaurants sont encore ouverts pour les repas à emporter et à la livraison. Les coffeeshops aussi sont ouverts et sont les plus respectueux des règles d’hygiène !

Le mode de vie des Néerlandais a-t-il changé depuis l’épidémie ?

Carmen Akkermans : D’une certaine façon, oui. Les gens se regardent davantage, pensent aux personnes âgées et essaient de rester chez eux. Encore quelques personnes ne le font pas et c’est un énorme problème.

Sophie Galakhoff : Non, rien n’a changé. Des gens sur Tinder proposent qu’on se confine ensemble.

Clim Amar : Pas vraiment, voire pas du tout ! Le nombre de personnes à risque qui se baladent dans la rue sans protection ni distanciation est assez impressionnant. L’arrêt complet de l’industrie de l’événementiel est un coup dur pour Amsterdam car son économie locale repose beaucoup sur le tourisme et le service. Beaucoup de locaux et d’expats sont, comme partout, en grande difficulté financière.

Que pensent les Néerlandais des mesures prises par la France et leurs pays voisins ?

Carmen Akkermans : La semaine dernière, ils pensaient que c’était trop de prendre ces mesures mais je pense qu’ils commencent à le voir autrement et que d’autres mesures seront prises aux Pays-Bas.

Sophie Galakhoff : Je ne sais pas vraiment mais je pense que leurs actions parlent d’elles même. Je pense qu’elles ont été prises bien trop tard. On l’a vu venir mais on a eu la politique du « c’est toujours aux autres que ça arrive ». Comme en Hollande, beaucoup de Français sont toujours dehors mais eux ont été avertis des mesures de sécurité et risquent une amende.

Clim Amar : Pour ceux que je connais, la distanciation sociale est la politique que nous aimerions tous voir préconisée par le gouvernement. Peu importe les dégâts économiques, la santé de notre communauté prime devant les intérêts financiers. Nous aurons des nouvelles de la politique mise en place dès ce lundi 23 mars.

Envisagez-vous de continuer à vivre comme d’habitude ou de changer de mode de vie ?

Carmen Akkermans : Je l’ai déjà changé. Alors que le temps s’améliore, normalement j’irais à la plage ou au parc. Maintenant je reste à la maison. J’aime dire bonjour aux gens avec un câlin ou en faisant la bise, maintenant nous nous saluons simplement.

Sophie Galakhoff : Cela fait une semaine que mon colocataire et moi sommes enfermés. Je sors pour faire les courses seulement. Hier, j’ai été faire du vélo mais seule et avec gants et masque. Nous avons nettoyé l’appartement de fond en comble, les poignées de porte incluses.

Clim Amar : Cela ne change pas énormément mon quotidien, je travaille beaucoup de chez moi en tant normal. Je me concentre plus facilement et me trouve plus productif à la maison ! En plus, mon entreprise le rend possible à l’année et nous ne sommes pas trop touchés par la crise financière.

Quel est votre état d’esprit face à la situation ?

Carmen Akkermans : Je suis plutôt détendue à ce sujet mais je dois dire que cela devient chaque jour plus effrayant, comme un film d’horreur. Plus de personnes sont infectées par le virus et plus de personnes en meurent.

Sophie Galakhoff : Je dois admettre qu’au début, j’ai pensé que cette situation était une hystérie de masse. L’arrêt du système m’a vraiment fait comprendre que, oui les médias font peur, mais il y a une vraie menace. Je reste positive en me disant que tout va s’arranger mais je suis désolée de voir la réaction de certains.

Clim Amar : Zen ! C’est comme des vacances ! En réalité, un événement pareil permet de mettre beaucoup de choses en perspective et nous donnera peut-être les clés dont nous aurons besoin à l’avenir lors de crises climatiques, en termes d’union et de savoir-vivre.

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