C’est la consécration pour Yorgos Lanthimos. Avec Pauvres créatures, le réalisateur grec (The Lobster, La Favorite), habitué des festivals, a remporté samedi le Lion d’Or à la Mostra de Venise. Cette 80e édition, marquée par la grève à Hollywood et l’invitation de cinéastes visés par le mouvement #MeToo, se conclut également par un palmarès qui envoie un message de solidarité avec les migrants.
Le film est une sorte de Frankenstein au féminin, fantastique et baroque, en grande partie en noir et blanc. Parfois cru, Pauvres créatures est tout à la fois un divertissement et un message sur la façon dont les normes pèsent sur les femmes. La star américaine Emma Stone, qui produit aussi le film, y incarne une créature candide qui fait son éducation sentimentale et sexuelle. Elle n’a pas pu faire le déplacement à la Mostra en raison de la grève qui paralyse Hollywood.
Un palmarès avec un message politique
Dans une Italie dirigée par Giorgia Meloni, le jury présidé par Damien Chazelle (La-la-land, First Man) a également envoyé un message politique en décernant plusieurs prix à des films dénonçant le sort réservé aux migrants.
Grande voix du cinéma polonais, Agnieszka Holland a ainsi reçu le prix spécial du jury pour Green Border, qui montre le sort tragique de migrants originaires de Syrie, d’Afghanistan et d’Afrique, ballottés entre la Pologne et le Biélorussie en 2021, prisonniers d’un jeu diplomatique qui les dépasse.
Un jeune acteur sénégalais, Seydou Sarr, a reçu le prix du meilleur espoir pour son rôle de jeune migrant qui traverse au péril de sa vie l’Afrique et la Méditerranée pour rejoindre l’Italie, dans Moi, Capitaine de Matteo Garrone, film qui remporte aussi le Lion d’argent de la meilleure réalisation.
Côté interprètes, la Mostra a distingué deux Américains : Cailee Spaeny, 25 ans, pour son premier grand rôle, celui de l’épouse du « King », Priscilla Presley, dans le biopic Priscilla de Sofia Coppola, et Peter Sarsgaard, qui donne la réplique à Jessica Chastain, en homme souffrant de démence, dans Memory de Michel Franco. Contrairement à de nombreuses stars jouant dans des films de grands studios, et qui n’ont pas pu faire le déplacement en pleine grève, les deux lauréats sont montés sur scène pour recevoir leur trophée.
Peter Sarsgaard en a profité pour dire son soutien à la grève et lancer une diatribe contre l’intelligence artificielle, dont scénaristes et acteurs demandent l’encadrement. « Si on perd cette bataille, notre industrie ne sera que la première de nombreuses autres à tomber », a-t-il prophétisé : la médecine ou la conduite de la guerre pourraient à leur tour être confiées à l’intelligence artificielle, ce qui « ouvre la voie à des atrocités ».
Des invitations polémiques
Durant le festival, les mouvements féministes ont également cherché à donner de la voix, notamment via des collages dans la ville pour dénoncer les honneurs accordés par le plus ancien festival du monde à des artistes visés par le mouvement #MeToo : Luc Besson, contre lequel des accusations de viol ont été portées avant d’être définitivement écartées par la justice française cette année, Woody Allen et Roman Polanski.
Palmarès de la 80e Mostra de Venise
- Lion d’or du meilleur film : Pauvres créatures du réalisateur grec Yorgos Lanthimos
- Lion d’argent – Grand Prix du Jury : Aku wa sonzai shinai (Evil does not exist) de Ryusuke Hamaguchi (Japon)
- Lion d’argent de la meilleure réalisation : Matteo Garrone pour Moi, capitaine (Italie)
- Prix de la meilleure actrice : Cailee Spaeny pour son rôle dans Priscilla de Sofia Coppola
- Prix du meilleur acteur : Peter Sarsgaard pour son rôle dans Memory de Michel Franco
- Prix du meilleur scénario : Guillermo Calderon et Pablo Larrain pour El Conde de Pablo Larrain
- Prix spécial du jury : Zielona granica (Green Border) de la réalisatrice polonaise Agnieszka Holland
- Prix Marcello Mastroianni du jeune espoir : Seydou Sarr pour son rôle dans Moi, capitaine de Matteo Garrone
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