Filles ou fils de meurtriers, orphelins de mère, comment grandissent ces enfants dont «papa a tué maman» ? Les journalistes de Complément d’enquête ont suivi la longue reconstruction de deux fratries dont la vie a été brisée par le féminicide.

Un matin de mars 2013, Christina, mère de trois enfants, meurt sous les coups de Laurent, son conjoint. Poignardée puis étranglée, le rapport d’autopsie indique qu’elle a reçu 19 coups au visage. Le 6 avril 2018, la cour d’assises d’appel de Versailles condamme Jean-Pierre Vazard à vingt ans de réclusion criminelle pour le meurtre d’Éliane, son épouse et la mère de ses six enfants. Au-delà l’horreur suscitée par ces meurtres, qu’advient-il des filles et fils devenus orphelins de mère ? Comment ces jeunes victimes invisibles sont-elles prises en charge par l’État, qui a fait des violences conjugales et des féminicides une grande cause nationale ? Dans le documentaire Papa a tué maman (1), Paul, Cynthia, Vanessa, Maeva racontent leur vie brisée par l’assassinat de leur mère par leur père.

« C’est à peu près tout ce qui me reste de mes parents »

Paul a 13 ans et demi lorsque la journaliste Nathalie Sapena le rencontre pour la première fois. Il avait 7 ans à peine lorsque Christina, sa mère, est morte sous les coups de son père. Comme ses deux demi-frères, Mathieu et Antoine, l’adolescent tente de noyer sa tristesse comme il peut. Fils de meurtrier, élevé par ses grands-parents paternels, chaque semaine il rend visite à son père en prison. «C’est à peu près tout ce qui me reste de mes parents», explique-t-il. Condamné à une peine de 23 ans, Laurent a toujours l’autorité parentale sur son fils. «Je reste un papa tout simplement», déclare ce dernier dans le documentaire. «J’ai un garçon qui est courageux et formidable», ajoute-t-il au sujet de Paul.

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« Les enfants restent les oubliés »

Au regard de la justice française, un parent meurtrier peut aussi être un bon parent. Une position qui a évolué depuis la loi du 30 juillet 2020, qui prévoit une suspension de l’autorité parentale pendant 6 mois du parent poursuivi ou condamné pour un crime commis sur l’autre parent. C’est un progrès mais «ça n’est pas suffisant», estime Sonia Elotmany. «Les féminicides sont devenues une cause nationale mais les enfants restent les grands oubliés», constate-t-elle. Juge des tutelles, elle est en charge du suivi des six enfants Vazard. Après la mort de leur mère, c’est Vanessa – majeure et aînée de la fratrie – qui devient chef de famille pour éviter la mise en foyer de ses frères et sœurs. Mais très vite, la situation devient intenable et les difficultés s’accumulent.

Devenue elle-même maman, c’est grâce au soutien de son conjoint Aurélien, que la jeune femme arrive à faire tourner la maison. Forte de son expérience, Vanessa est devenue la marraine des Mamans du ciel, association qu’elle a cofondée avec la juge Sonia Elotmany, pour venir en aide aux jeunes victimes invisibles des violences conjugales et des féminicides.

(1) Complément d’enquête : Papa a tué maman, un documentaire de Nathalie Sapena, diffusé sur France 2, jeudi 7 octobre, à 23 heures.

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