Dès lundi 16 mars, les crèches, écoles, collèges, lycées et universités seront fermées «jusqu’à nouvel ordre», comme l’a annoncé le président de la République. La mesure, nécessaire pour endiguer la pandémie de Covid-19, met bon nombre de parents dans l’embarras. Certains devront télétravailler… en gardant leurs enfants.
Un huis clos en famille, avec le moins de sorties possibles. C’est à cette perspective que se prépare une majorité de Français la semaine prochaine. Dès lundi 16 mars, les crèches, écoles, collèges, lycées et universités seront fermées «jusqu’à nouvel ordre», comme l’a annoncé le président de la République lors d’une allocution télévisée le jeudi 12 mars. Une mesure forte, nécessaire pour endiguer la propagation du coronavirus Covid-19. L’objectif : éviter de surcharger les hôpitaux, qui se préparent à recevoir une vague de patients en état grave, nécessitant une assistance respiratoire.
Mais les élèves et étudiants ne sont pas pour autant en vacances : aucun examen n’est annulé et la continuité des cours sera assurée grâce à la plateforme «Ma classe à la maison». Le dispositif permet de fournir des exercices aux élèves et d’assurer des cours par visioconférences. Dans le même temps, Emmanuel Macron a aussi demandé aux entreprises d’adopter le télétravail le plus largement possible. Environ un tiers des Français sont concernés, et leurs employeurs peuvent le leur imposer. Ce qui implique, pour bon nombre de salariés, de travailler chez soi tout en surveillant ses enfants, et en s’assurant qu’ils fassent leurs leçons.
Des mesures d’exception pour les salariés parents
Les parents d’un ou de plusieurs enfants de moins de 16 ans peuvent bénéficier d’un arrêt de travail spécifique. Sans jour de carence, ni passage par le cabinet du médecin ni possibilité possibilité de refus de l’employeur, l’un des membres du couple peut s’arrêter pour 20 jours. Le gouvernement a assuré que ni le salarié, ni l’entreprise n’y perdront d’argent.
5117 sociétés ont par ailleurs déposé une demande auprès du ministère du Travail pour mettre 80.000 salariés en chômage partiel. Concrètement, cela signifie qu’une partie de leur salaire est prise en charge par l’État pour soutenir les entreprises, mises en péril par le ralentissement de leur activité.
Salarié et parent à temps plein
A priori, rien ne l’interdit. «Le Code du travail ne dit rien sur le télétravail et la garde des enfants», explique Maître Valérie Duez-Ruff, avocate au barreau de Paris et spécialiste du droit du travail. Mais est-on autorisé à s’interrompre pour s’occuper de son enfant ? À allonger sa pause déjeuner pour l’emmener au parc ? Ces règles sont définies par l’accord ou la charte de l’entreprise. Conformément à la loi, ce document doit notamment fixer «les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail» et «la détermination des plages horaires durant lesquelles l’employeur peut habituellement contacter le salarié en télétravail». Sauf que cet accord ou charte d’entreprise est facultatif : certaines sociétés en sont dépourvues. Les conditions de télétravail doivent alors être définies par le salarié et son supérieur lorsqu’ils décident de mettre en place le travail à distance.
L’objectif du télétravail reste de coller au plus près des conditions du bureau. Y compris dans une situation de crise exceptionnelle comme celle du coronavirus, qui met déjà en péril des entreprises frappées de plein fouet par l’annulation d’événements ou les mesures de confinement. Et, pour les parents, le défi peut être de taille, surtout avec des enfants en bas âge.
Gagner du temps
«Ma fille de 7 ans me sollicite beaucoup, vient voir ce que je fais, me demande si j’ai le temps de jouer avec elle, raconte Séverine, une journaliste parisienne de 42 ans. Quand je peux, je m’interromps cinq minutes pour jeter un œil à ses jouets et lui proposer une activité. Les loisirs créatifs fonctionnent bien parce qu’ils prennent un peu de temps.» Et, à en croire les réseaux sociaux et les discussions entre parents inquiets, les magasins spécialisés ou des sites comme CreaVea.com, 10doigts.fr ou même Amazon pourrait bien voir leurs commandes monter en flèche ce week-end. Objectif : faire de sa fille une experte en pâte fimo… et surtout gagner du temps.
C’est tout l’enjeu du télétravail en famille : se ménager des plages de tranquillité suffisamment longues pour travailler efficacement. Un challenge d’autant plus grand en période d’épidémie : puisque les enfants doivent suivre leurs cours à distance, les parents seront contraints de leur consacrer une à deux heures par jour, de manière fractionnée. Pour aider les plus petits à se consacrer sur leurs exercices, et pour vérifier que les plus grands ont bien fait leurs devoirs. Impossible, dans ce contexte, d’être aussi productif à la maison qu’au bureau. Seule façon de limiter les dégâts : rendre ses enfants autonomes assez longtemps pour s’occuper de quelques tâches, et éviter de stagner sans rien pouvoir mener à bien.
Quand la télé travaille…
Plein d’espoir, Fabien a préparé un véritable arsenal la veille d’une journée de télétravail avec ses enfants. «J’ai tout sorti : des jouets silencieux, de la pâte à modeler, des coloriages, plusieurs trousses de crayons pour qu’ils aient chacun la leur… Ça n’a servi à rien. Les mettre devant la télé ne correspond pas à mes principes éducatifs, mais ça a fini en dessins animés à volonté.» La télé, meilleure alliée des parents occupés ? «Il y a forcément une tranche le matin et une l’après-midi, sans ça c’est impossible», acquiesce Alexandre. Si la peinture, la pâte à modeler et autres travaux manuels occupent l’enfant un bon moment, ils semblent aussi lui donner envie de montrer ses réalisations. Il y a donc peu de chances d’obtenir la paix en chargeant les bras de sa chère tête blonde de feuilles de dessins et de feutres. Mieux vaut, à en croire les parents interrogés, les installer à la même table que soi pour réduire leur impression d’être mis de côté. «Mes enfants viennent parfois dessiner à côté de moi, en chuchotant, explique Thomas. Quand ça remue trop, je leur rappelle qu’ils ne doivent pas crier. Ils connaissent les règles du jeu.» Une autre stratégie peut être de leur donner un challenge, l’air de rien.
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Quoi qu’il en soit, une journée à la maison avec un parent occupé est intenable pour un enfant. «Le point essentiel, c’est de sortir le midi pour qu’ils puissent courir, prendre l’air, se défouler. Ça leur permet de revenir plus calmes à la maison après», affirme Thomas. Une demi-heure au parc, une promenade dans le quartier pour aller faire une course et un vrai déjeuner en famille permettent de se consacrer pleinement à ses enfants, de leur donner l’attention qu’ils réclament avant de se remettre au travail. Quitte à rogner un peu sur ses habitudes de télétravailleur ultraconcentré. «D’habitude, je mange très rapidement mais, ce jour-là, j’ai bloqué deux heures à midi pour profiter d’eux. Je n’ai pas pu traiter tous mes dossiers, mais ce n’est pas dramatique. Ces journées sont exceptionnelles», souligne Fabien, papa de trois enfants de 4 à 11 ans. En clair : il s’agit de lâcher du lest.
Être maître du temps… et de son stress
Sans ça, impossible de garder son calme au 25e «Maman, regarde…» qui tombe rarement au bon moment. «J’essaie de planifier mes réunions téléphoniques pendant les siestes, mais un bébé de 7 mois n’est pas très régulier, soupire Alexandre. Il faut surtout maîtriser parfaitement le maniement du kit «mains libres» et du bouton mute de son téléphone. Je me suis retrouvé en conf call avec mon bébé dans les bras.» Certains n’hésitent pas à décaler leurs visioconférences ou, quand ils peuvent se le permettre, à avertir leur interlocuteur qu’il risque d’entendre les enfants. Mieux vaut peut-être jouer la carte de la franchise que paniquer au moindre bruit.
Surtout, télétravailler en famille implique de bien planifier sa journée pour traiter les tâches compliquées quand les enfants dorment. Soit le matin tôt ou le soir après le coucher. «Je me suis levé à 6 heures comme tous les jours, mais eux ont dormi une bonne heure de plus que d’habitude, le temps pour moi de répondre à tous les mails reçus pendant la nuit», explique Fabien. «Quand on a vraiment besoin de se concentrer cinq minutes mais qu’on a un bébé qui hurle dans les bras et une fille de 5 ans qui pleure sur le canapé, forcément, il y a une petite montée de tension, s’amuse Alexandre. J’ai mis de côté les tâches les plus complexes et j’y suis revenu le soir.» Un système D nécessaire, mais fatigant. «Selon les journées, ça peut être assez pénible, admet Séverine. Ça dure de 8 à 21 heures, en cumulant enfants et travail. La double peine, en somme.»
Cet article, initialement publié le 11 décembre 2019, a fait l’objet d’une mise à jour.
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