- Chaque semaine, 20 Minutes met en avant une image marquante en allant chercher le regard du photographe.
- Le livre Ukraine, Fragments rassemble le travail de six photographes de l’agence MYOP sur le terrain depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022.
- Laurence Geai, photographe de guerre, explique à 20 Minutes le making of d’une photo prise sur le quai de la gare d’Odessa, le 3 mars 2022.
« L’attention internationale risque de se détourner de l’Ukraine, et cela aura des conséquences », a mis en garde le président ukrainien Volodymyr Zelensky à cause de la « tragédie » qui frappe Israël suite aux attaques du Hamas, lors d’un entretien à la chaîne de télévision France 2 diffusé mardi soir.
Le 24 février 2022, la Russie de Vladimir Poutine attaquait l’Ukraine et les photographes de guerre se rendaient sur place pour couvrir le conflit. Et ce travail continue aujourd’hui. Laurence Geai et d’autres de ses confrères de l’agence MYOP en font partie. Leurs clichés réalisés sur place sont rassemblés dans un livre intitulé Ukraine, Fragments. La journaliste explique à 20 Minutes le making of d’une photo réalisée dans la gare d’Odessa, le 3 mars 2022. Elle revient également sur son métier de photographe de guerre au regard de son expérience au Proche-Orient et au Moyen Orient.
Que voit-on sur l’image ?
« C’est une photo qui représente une famille, le mari est à gauche de l’image et il observe sa famille dans le train, au tout début de la guerre en Ukraine sur un quai de la gare d’Odessa », explique Laurence Geai à 20 Minutes. « Ce sont des adieux déchirants car ils sont en larmes, il essaye de les toucher une dernière fois à travers la vitre. C’était très triste, très émouvant, j’avais également les larmes aux yeux derrière mon appareil photo ». La photographe ajoute : « J’ai joué sur le reflet de la vitre pour que l’on ait l’ensemble de la scène et que l’on voit toutes les émotions ». Elle conclut : « C’est une photo où tout le monde peut s’identifier. » Après la mobilisation générale décrétée par le président Volodymyr Zelensky, les hommes ukrainiens entre 18 et 60 ans ont l’interdiction de quitter le pays. Les femmes et les enfants fuient vers l’ouest du pays ou à l’étranger.
Quel est le contexte de prise de vue ?
« Je venais d’arriver en Ukraine… En général, quand il y a une attaque, il y a souvent des gens qui fuient le pays, donc je me suis rendu à la gare, après avoir noté qu’un train d’évacuation allait partir », détaille la photographe à 20 Minutes. « J’ai vu cet homme qui m’a beaucoup touché et j’ai attendu, je n’ai pas pris des photos tout de suite, puis j’ai demandé l’autorisation de participer à ce moment d’adieu tout en étant très discrète et ils ont acquiescé. A ce moment-là, je n’avais pas de traducteur avec moi mais nous nous sommes compris par le regard. Parfois, il n’y a pas besoin de discuter. Quand les gens ne veulent pas être photographiés, on le sait tout de suite. »
Sur son métier de photojournaliste, elle confie : « Mon objectif est de faire une photo dont on va se rappeler pour raconter une histoire, avec tout ce que j’ai vu dans l’image. » Elle ajoute : « Il faut que je fasse une photo à la hauteur de l’émotion que tout le monde a ressentie, en rendant l’information accessible. » Elle explique qu’elle utilise des focales fixes (24 mm ou 35 mm) car elle considère que c’est à elle de se déplacer et d’être proche pour « avoir des photos intimes », en précisant que « cela se fait en douceur ». Elle confie ne se servir d’un zoom, comme l’objectif 24-70 mm, uniquement sur la ligne de front quand « c’est tendu ».
L’anecdote en plus
Laurence Geai a travaillé sur plusieurs terrains de guerre dans le monde et acquis une forte expérience de la photographie en zone de conflit. En plus de l’Ukraine, elle a été en Syrie et en Irak. La journaliste nous confie qu’elle a dû vaincre sa timidité au début de sa carrière car « c’est un métier où il faut oser » et « passer par la fenêtre quand la porte est fermée ». « La zone de guerre, c’est un terrain particulier. Il faut avoir une certaine connaissance des gens, des combattants et de la culture du pays. Le front, la ligne zéro, c’est plus dangereux que la ligne arrière… mais à l’arrière il y a des risques de bombardements, d’obus, d’artillerie, et il faut avoir les bons réflexes tout en écoutant les conseils des combattants. » La photographe ajoute qu’il existe des formations mais que rien ne remplace « le terrain ». « Chaque terrain est différent. A Mossoul, en Irak, je ne vais pas mettre le scratch presse sur mon gilet par balle car je sais que Daesh serait très content de cibler une journaliste. En revanche, en Israël, je vais le mettre en évidence. »
A une relance sur le danger, elle répond : « Cela nous transforme, on a peur, on tremble, donc il faut se concentrer sur le cadrage de la photo, se parler à soi-même. » Concernant la gestion de la vue de la mort, elle confit : « C’est plus facile sur les personnes déjà décédées que sur celles qui sont en train de mourir. » La journaliste nous explique qu’elle a été très touchée par les images des gens qui fuient la « rave party » en Israël ou celles des victimes des bombardements à Gaza, où elle a « beaucoup de contact sur place ». Elle ajoute : « C’est plus difficile pour moi de l’observer en étant loin que d’être sur place pour le raconter, car je me sens utile quand je suis sur le terrain. Mais c’est très dur, je ne vous le cache pas, car je suis très sensible. » Mais elle reconnaît : « Là, j’ai très envie d’aller en Israël. »
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