Chaque année, près de 60 000 cas de cancer du sein sont détectés et plus de 12 000 femmes décèdent des suites de cette maladie. Pourtant, dépisté à un stade précoce, ce cancer peut être guéri dans 9 cas sur 10 !

Parole d’expert : “Le dépistage, ça sauve vraiment des vies !”

Dr Isabelle SARFATI, Chirurgienne plasticienne spécialisée dans la chirurgie des seins, à Paris.

Entre 50 et 74 ans, une mammographie est recommandée tous les deux ans. La campagne Octobre rose est l’occasion de sensibiliser les femmes au dépistage du cancer du sein. Cet examen est pris en charge à 100 % par l’Assurance maladie sans avance de frais et bénéficie d’une double lecture des clichés radiologiques. Notre expert précise qu’un tiers des femmes atteintes de ce cancer doivent subir une ablation du sein mais que la plupart d’entre elles ne font pas de reconstruction. Elle nous donne les clés pour mieux vivre après avoir été soignée.

France Dimanche : Pourquoi y a-t-il autant de femmes (150 000) qui voudraient une reconstruction mammaire après leur cancer, mais qui finalement renoncent ?

Dr Isabelle Sarfati : Il faut savoir que depuis le Covid, la plupart des centres anticancéreux ne font plus de reconstruction mammaire, faute de blocs et de personnels disponibles. Ensuite, les listes d’attente dans les hôpitaux publics sont longues : il faut patienter un an et demi.

Pourquoi certaines d’entre elles hésitent à subir cette intervention ?

Parce qu’elles n’ont pas accès à des chirurgiens plasticiens spécialisés. Mais certaines de ces femmes ne souhaitent pas de reconstruction car elles ne veulent plus que leur corps soit agressé par une nouvelle intervention. Elles acceptent leur mastectomie et vivent avec.

Y a-t-il un frein psychologique ou un frein financier ?

Il y a un déficit d’informations ainsi qu’un frein financier. Quand on se fait opérer dans le privé, la Sécurité sociale rembourse 225 euros pour une reconstruction par prothèse (alors que l’intervention coûte en moyenne entre 1 300 et 2 500 euros).

Vous venez d’ouvrir une nouvelle unité privée, intitulée Restitute au sein de l’institut du Sein. En quoi consiste-t-elle ?

Cette unité avec six chirurgiens spécialisés permet de couvrir toutes les techniques de reconstruction mammaire après le cancer du sein, y compris le tatouage en 3D. Nous assurons les consultations, les examens et le postopératoire à l’institut et nous opérons dans trois cliniques privées à Paris.

Quelles sont les méthodes de reconstruction ?

Il existe quatre techniques distinctes : la pose de prothèse en gel de silicone, le lambeau de peau, graisse et muscle du grand dorsal, le lambeau du ventre et les greffes de graisse.

Et quelle est la plus courante ?

C’est la reconstruction par prothèse car elle ne laisse aucune autre cicatrice (notamment sur le ventre ou sur le dos). C’est une intervention simple qui dure entre une heure et une heure trente. Soixante-dix pour cent des reconstructions se font à l’aide d’une prothèse.

Que disent les femmes qui ont subi cette reconstruction ?

Elles la trouvent parfois un peu longue car elle s’effectue en trois étapes, sur quatre mois en moyenne. La première pour la reconstruction, la seconde pour faire d’éventuelles retouches et la troisième pour reconstruire le mamelon et l’aréole par le biais du tatouage artistique. À l’issue de ces trois étapes, les femmes se sentent reconstruites et heureuses de pouvoir remettre de la lingerie, de récupérer leur confiance en elles et surtout d’éprouver le plaisir de s’habiller… comme avant !

Que proposez-vous lors de ce mois d’Octobre rose ?

Afin que les patientes puissent avoir un premier avis sans se déplacer, l’institut du Sein à Paris propose une consultation de reconstruction en visio. Lors de ce premier échange, toutes les techniques sont détaillées, celles qui sont possibles pour la patiente sont analysées avec elle : avantages, inconvénients et contraintes. À l’occasion d’Octobre rose, cette consultation sera facturée 65 euros (la prise en charge par la Sécurité sociale est de 55 euros), il ne restera que 10 euros à charge. À l’issue de cet entretien médical, la patiente aura une bonne compréhension de son cas et des solutions chirurgicales possibles. Ce qui va lui permettre de faire un choix éclairé.

Aujourd’hui, ce cancer touche 60 000 femmes. Avez-vous un message rassurant à faire passer ?

70 % des femmes qui ont un cancer traité par exérèse de la petite tumeur et radiothérapie gardent leur sein. Et pour le garder, un diagnostic précoce est nécessaire. Le dépistage est fondamental, ça sauve des vies, ça sauve des seins !

Avez-vous l’impression que les femmes ne sont pas assez informées ou négligentes ?

Il faut du courage et de la discipline pour ne pas faire l’autruche ! Quand on va faire sa mammographie, on se dit souvent : « Si ça se trouve, dans cinq minutes, on va m’annoncer que j’ai un cancer« … Donc, oui, ça fait un peu peur. Cette feuille de convocation pour cet examen, on a envie de l’ignorer, de la jeter à la poubelle. C’est humain. Mais ce n’est pas logique : plus on diagnostique tôt, moins la pilule sera difficile à avaler !

À lire

Le Guide du cancer du sein, de Cynthia Kå, éd. Hachette Pratique.

Alicia COMET

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