En manger moins mais mieux, telle devrait être la devise des amateurs de cochonnaille. Pour avoir de la qualité, il faut donc miser sur les AOP, IGP, sur le bio et le savoir-faire artisanal.
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Dénoncés en 2015 par l’OMS (Organisation mondiale de la santé), nitrites de sodium et nitrates de potassium continuent à rosir, conserver et accélérer la production de jambons, saucissons et pâtés. Si les vitrines des charcutiers restent alléchantes, les armoires réfrigérées des enseignes laissent perplexes. Malgré les pastilles « Sans conservateur ajouté » ou « Zéro nitrite », le doute subsiste. Des parlementaires bataillent pour l’interdiction totale de ces additifs d’ici 2025.
Haro sur les sels nitrités
La majorité des marques cherche à supprimer les sels nitrés, tout en arguant qu’ils permettent de lutter contre les bactéries du botulisme des viandes étuvées. Mais, dans la salaison, ils n’ont aucun rôle sanitaire, juste des avantages économiques. A une élimination radicale, elles préfèrent la neutralisation de ces additifs par d’autres, tel l’ascorbate de sodium (E300), un puissant antioxydant dérivé de la vitamine C.
Bon à savoir. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) recommande de ne pas manger plus de 150g de charcuterie par semaine, pour éviter le cancer colorectal. Mieux vaut bannir nitrites, nitrates, sel nitrité, qui vont du E249 au E252, mais aussi les bouillons, dont les nitrates naturels se transforment en fer nitrolysé, tout aussi mauvais.
Viser le haut de gamme
La gastronomie française, riche de 450 spécialités charcutières, peut s’enorgueillir de 65 produits reconnus AOP, IGP et Label Rouge. Comme il s’agit désormais d’en manger moins, privilégiez quelques tranches de l’extraordinaire porc noir de Bigorre, chouchouté dans les sous-bois pyrénéens (IPG et AOC), ou du rare jambon Kintoa du Pays basque (AOP).
Bon à savoir. Ne pas confondre le jambon Aoste fabriqué en Isère avec celui de la vallée d’Aoste, en Italie, aussi appelé le jambon cru de Bosses et couronné d’une AOP.
Identifier les vrais produits corses
Producteurs et fermiers en AOP, regroupés au sein du syndicat Salameria Corsa, fulminent contre l’IGP attribuée à des salaisonniers industriels dont les produits portent la dénomination « Ile de Beauté ». Bien moins contraignant que l’AOP, ce label autorise l’importation de porcs de l’Union européenne et met en danger le patrimoine agropastoral des productions fermières de l’île.
Bon à savoir. A Cuttoli-Corticchiato (Corse du Sud), Félix Torre élève durant 18 mois ses cochons Nustrale (AOP), nourris à la farine d’orge puis aux châtaignes, qu’il affine et transforme sans additif.
Et le bien-être animal ?
« Dans l’élevage intensif (95% de la production française), les cochons sont en cases sur caillebotis et sous lumière artificielle, déplore Lucille Bellegarde, chargée des affaires agroalimentaires de l’ONG CIWF. Même le Label Rouge ne garantit pas un accès extérieur. Le pire, ce sont les castrations à vif, que des vaccins pourraient remplacer, et les mutilations (queue et dents) pour éviter que, stressés, ils ne se dévorent entre eux. » La Commission européenne les interdit pourtant depuis 1994.
Bon à savoir. L’élevage bio se fait en plein air ou dans des espaces paillés avec accès à la lumière du jour. Les porcs ne sont pas mutilés et leur abattage intervient à partir de 185 jours (120 à 180 jours en conventionnel).
La charcuterie bio, plus de garanties
Leur charte n’interdit pas les sels nitrés, mais les divise par deux. En 2012, l’enseigne Biocoop avait tenté de les retirer, mais la couleur grisâtre des produits obtenus n’a pas séduit. Leur nouvelle gamme, Ensemble, réalisée avec du sel de Guérande et un bouillon d’aromates et d’épices, garantit un taux de nitrite huit fois moins élevé que celui imposé par la réglementation européenne en bio.
Bon à savoir. Dans les Amap et les circuits courts, de petits producteurs proposent une charcuterie à l’ancienne, vierge de tout additif.
La bretagne, terre d’élevage
Autrefois, chaque territoire avait ses propres éleveurs. Mais depuis 30 ans, avec l’explosion de l’industrie agroalimentaire, 58% de l’élevage porcin français est en Bretagne. Le label Bleu-Blanc-Cœur y a ses marques, avec une charcuterie moins grasse, moins salée, issue de porcs mieux nourris, dont la charte devrait bientôt interdire nitrites et nitrates.
Parole d’artisan charcutier
Gilles Vérot réinvente les recettes avec modernité : moins de gras, moins de sel et même du végétal.
« Comme le jambon blanc doit être saumuré, j’ai depuis longtemps remplacé les nitrites par de l’eau salée et du bouillon de légumes. Il faut savoir qu’une réaction chimique recrée ces sels nitrés, même à dose infime, donc j’explore encore pour parvenir au taux zéro. Le plus important, c’est la qualité de la matière première ! Je travaille avec le même producteur depuis 17 ans, pour ses cochons fermiers élevés en plein air dans le Perche. Sans compter l’excellence des légumes, du beurre et de la farine. Car la charcuterie, c’est avant tout de la cuisine.«
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