Un voyage initiatique qui navigue entre Contagion et Sa Majesté des mouches ! Deux ans après le succès de Il Miracolo, Niccolò Ammaniti revient ce jeudi à 20h55 sur Arte avec Anna, une nouvelle minisérie adaptée de son roman éponyme, paru en 2015. Ce conte sombre, baroque et poétique en six épisodes raconte le voyage initiatique d’une adolescente de 13 ans, Anna, à la recherche de son frère, dans un monde ravagé par une étrange pandémie où seuls les enfants ont survécu. L’écrivain italien a parlé de cette œuvre étrangement visionnaire, allégorie d’un monde d’après aux mains des enfants, avec 20 Minutes lors de la dernière édition de
Séries Mania.

Pourquoi avoir fait de votre monde postapocalyptique, un monde sans adultes ?

Avec « Anna », je voulais imaginer comment un tel monde fonctionnerait. Quelles seraient les règles de ce monde-là ? Comment pourrait-on retourner vers un monde primitif où la loi est celle du plus fort ? Je voulais aussi comprendre le rôle de la mémoire. Nous pouvons imaginer notre futur parce que nous connaissons notre passé. C’était aussi intéressant d’imaginer comment un monde pouvait évoluer sans aucune mémoire ou transmission.

Anna dispose des cahiers que lui a laissés sa maman. Votre héroïne dispose d’un peu de mémoire, non ?

Exactement ! Anna est la seule à disposer d’un peu de mémoire grâce à ces cahiers. Sa mère lui a transmis des règles et notamment celle qui dit : « Tu dois apprendre à lire à ton frère ». Dans les livres, il y a l’histoire de qui nous sommes. La mère d’Anna lui écrit aussi qu’elle ne sera pas à même de s’occuper de son frère. Elle fait ainsi naître chez Anna le sens de la culpabilité. Je crois qu’un des moteurs de l’existence humaine est le sentiment de culpabilité. Les autres enfants ne connaissent pas ce sentiment-là. Anna est la seule à le ressentir. Comme elle se sent mal, qu’elle ne se sent pas capable, elle va essayer de trouver d’autres chemins.

Votre roman « Anna » est sorti en 2015, la pandémie de coronavirus a commencé six mois après le tournage… Comment avez-vous vécu cette collusion entre la réalité et votre fiction ?

Cela m’a beaucoup surpris ! J’ai aussi été très inquiet. J’ai bien cru qu’on n’allait pas pouvoir finir cette série. C’est vrai qu’il a des coïncidences, que l’on peut faire quelques parallèles… Mais je n’ai pas cherché à explorer cela. Je ne me sens pas visionnaire… Dans cette fiction, le virus n’est qu’un moyen pour raconter un monde sans adultes.

Du coup, cela implique un casting presque uniquement composé d’enfants, cela n’a pas été compliqué de les diriger, notamment dans certaines scènes violentes ?

Travailler avec des enfants est ce que je préfère ! L’enfant n’a pas de vision globale, il travaille scène par scène. C’est probablement la meilleure façon de faire. Les problèmes de compréhension de l’histoire, je les ai eues avec les acteurs adultes ! Les acteurs n’acceptent jamais d’être totalement dirigés… Cela conduit à des conflits inutiles que je ne supporte pas. Les enfants vous suivent parce qu’ils vous font confiance. Construire ce rapport de confiance est difficile au début, mais une fois qu’il est en place, naît l’échange.

Vous citez Werner Herzog comme influence cinématographique… Personnellement, j’ai vu des clins d’œil à Pasolini, à Fellini et le fait de travailler avec des acteurs non professionnels comme les enfants rappellent le néoréalisme italien…

Oui, de nombreux metteurs en scène italiens comme Ettore Scola, Mario Monicelli, mais surtout Vittorio De Sica, ont travaillé avec des enfants. Sur le tournage d’Il Miraccolo, ce n’était pas facile avec les acteurs professionnels. Peut-être que je n’étais pas assez aguerri à l’époque. Mais il se trouve que j’envisage de tourner mon premier film et je pense que je vais travailler uniquement avec des non-professionnels, parce qu’ils donnent beaucoup.

Comme dans « Il Miracolo » , le sacré est toujours présent, mais semble être en arrière-plan…

Le sacré apparaît notamment avec cette sorte de temple, très étrangement animiste, qu’Anna et son frère construisent autour des ossements de leur mère qu’ils recouvrent avec des bijoux, des jouets, etc. Ils honorent le corps de leur mère comme s’il s’agissait de celui d’une déesse. L’animisme m’intéressait beaucoup parce qu’il s’agit des racines du sacré. Au fil des épisodes, on voit les étapes de la consomption du cadavre de la mère d’Anna : il se gonfle, se momifie, et devient quelque chose de presque minéral. En grandissant, Anna décide d’ensevelir les restes de sa mère sous terre… Tous les enfants de la série se questionnent et apportent leur réponse à ce qu’est la vie après la mort. J’aimais l’idée d’explorer cet aspect primitif et simpliste de la foi et d’imaginer les réponses très simples que les enfants donnent à cette question.

L’espoir qui anime Anna tout au long de votre œuvre est-il lié à sa vision de la vie après la mort ?

Anna est animée par autre chose. Elle est la seule qui se demande : « Est-ce que tous les adultes sont morts ? ». C’est ça, le moteur d’Anna. C’est parce qu’elle porte cet espoir et qu’elle est motivée par cette quête qu’Anna incarne le meilleur de l’humanité.

 

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