Astuces cuisine. – Ils semblent identiques, et pourtant, l’un est toxique, l’autre pas. Avant de partir, panier sous le bras, ramasser ces fruits en forêt, il convient d’apprendre à différencier châtaignes et marrons. Précisions avec un producteur et une responsable en toxicovigilance.
C’est l’accompagnement favori des dindes de Noël. Une pépite beige striée au goût légèrement sucré et à la texture farineuse. Mais au moment d’écrire la liste de courses, on hésite. Marron ou châtaigne ? Même si ces fruits se ressemblent visuellement, un seul est comestible. Et la confusion n’est pas anodine : c’est la deuxième erreur la plus fréquemment enregistrée par les centres antipoison, selon une étude de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), publiée ce 25 septembre. L’organisme a analysé les confusions de plantes toxiques et comestibles au cours des repas de 2012 à 2018 et démontre une réelle méconnaissance en la matière. Pour apprendre à différencier châtaignes et marrons sans risquer l’intoxication alimentaire, on fait le point avec Michel Grange, castanéiculteur et président du Comité interprofessionnel de la châtaigne d’Ardèche, et le docteur Sandra Sinno-Tellier, responsable de la toxicovigilance à l’Anses.
Ne plus confondre…
Parmesan, parmigiano reggiano et grana padano
Praline, pralin et praliné
Seiche, calamar et encornet
Brasserie, bistrot et café !
En vidéo, la recette du chapon farci aux marrons
Oui à la châtaigne, non au marron
On ne va pas faire durer le suspense plus longtemps, comme le démontre l’étude de l’Anses, le marron d’Inde est toxique. Si les intoxications par des champignons sont plus fréquentes (plus de 1000 cas par an) et peuvent présenter des cas graves, les confusions de plantes toxiques et comestibles ne sont pas rares (250 cas par an). «Si on en ingère un par méprise, on risque des irritations de la gorge et des troubles digestifs type douleurs abdominales, nausées, diarrhée et vomissements», observe le docteur Sandra Sinno-Tellier, responsable de la toxicovigilance à l’Anses. Le châtaigne, quant à elle, est comestible et se déguste nature, salée ou sucrée.
Un nom trompeur
À l’origine de cette méprise, une dénomination trompeuse inscrite sur les produits vendus en grande surface et sur les marchés alimentaires. «MaronSui’s®», «marron glacé», «purée de marron»… Aucun d’entre eux ne contient la moindre trace du fruit du marronnier d’Inde. À qui la faute ? À l’arrogance de la cour du Roi-Soleil. «D’après la légende, son pâtissier a introduit ce terme en faisant confire des châtaignes, raconte Michel Grange, président du Comité interprofessionnel de la châtaigne d’Ardèche. À l’époque, ces dernières étaient consommées par les pauvres ou servaient à engraisser les cochons, des mets jugés indignes pour Louis XIV. Le chef aurait donc profité de l’introduction de l’espèce quasi-identique du marron pour donner à sa recette ses lettres de noblesse.» Par la suite, les artisans et les industriels ont conservé cette étiquette plus chic et plus vendeuse.
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Une origine, un aspect et un goût différents
Comment cuisiner la châtaigne ?
En règle générale, le fruit est mûr une fois tombé de l’arbre. Deux écoles pour le préparer : une cuisson grillée au four ou dans la cheminée, ou bien à l’eau après avoir enlevé au préalable l’écorce. Seul impératif, il faut les consommer rapidement avant qu’elles fermentent, insiste Michel Grange. La châtaigne peut être consommée nature, salée dans une salade verte, de la soupe, avec une viande rouge ou une tarte, et sucrée. Parmi les spécialités qui la mettent en valeur, on ne peut pas passer à côté des «marrons» glacés. En pratique, les fruits sont emballés, cuits à l’eau puis confits dans un bain de sirop de sucre de canne et de gousses de vanille, avant d’être glacés avec une mélange de sirop et de sucre glace, et passés brièvement au four.
Généralement, ceux qui se trompent ne mangent pas plus d’un marron car sa saveur est très amère, confirme le docteur Sandra Sinno-Tellier. Mais avant de le porter à la bouche, plusieurs facteurs permettent de différencier le marron de la châtaigne. L’origine d’abord. «Le premier est une graine d’un arbre de la famille des Hippocastanaceae et le deuxième, un fruit de la famille des Castanea sativa, apparu il y a plus de 8 millions d’années, disparu pendant la période glaciaire, avant d’être réimplanté en Perse par les Romains», explique le castanéiculteur.
Aujourd’hui, s’il existe une seule variété de marronnier d’Inde qui pousse de façon ornementale dans les villes, les jardins botaniques et les cours d’école, chaque continent possède ses propres variétés de châtaigniers, cultivés en forêt et vergers. En France, les principales zones de production se trouvent en Ardèche, dans les Cévennes, en Corse et dans le Grand Sud-Ouest. La châtaigne d’Ardèche bénéficie d’ailleurs d’une appellation d’origine protégée (AOP) depuis 2006, à l’instar de la farine de châtaigne corse.
Au moment de la cueillette, la forme de la bogue qui entoure le fruit s’avère aussi un bon indicateur. Celle du châtaigner est «brune, hérissée de nombreux et longs piquants, et contient 2 à 3 châtaignes à la fois, plutôt petites, aplaties et triangulaires », détaille l’étude de l’Anses. «Certaines variétés cultivées en renferment une seule grosse, mais on la reconnaît toujours à sa petite torche blanche sur le dessus», précise Michel Grange. La bogue du marronnier, elle, est plus «épaisse, verte, pourvue de petits pics espacés et courts, et contient généralement un seul marron, plus gros et arrondi.» Pour les yeux experts, les dimensions des feuilles de chaque arbre diffèrent également. «Les feuilles du marronnier ont un aspect palmé et celles du châtaignier sont simples et allongées», indique le castanéiculteur.
L’hésitation persiste ? La meilleure réaction consiste à les faire vérifier par un professionnel. «Certains pharmaciens sont sensibilisés à cette connaissance des plantes sauvages», informe Sandra Sinno-Tellier. Pour autant, si les consommateurs de champignons ont la possibilité de s’adresser à des associations de mycologues, la reconnaissance des plantes sauvages, dont les marrons, reste encore à développer. En attendant, si des troubles digestifs ou de la gorge se manifestent, il vaut mieux appeler le centre antipoison ou un médecin et leur apporter des restes de repas ou des photos de la cueillette. Et si l’urgence est vitale, de l’ordre de la détresse respiratoire ou de la perte de connaissance, on composera le 15 sans plus attendre.
* Initialement publié en octobre 2019, cet article a fait l’objet d’une mise à jour.
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