- "Ne pas apprécier les changements physiques, ce n’est pas la fin de l’amour"
- Une perte de désir spécifiquement féminine ?
- L’attirance physique, le pouls du couple ?
- De la difficile prise de conscience…
- … à la possible rupture
« Ça va faire 7 mois », annonce à demi-mots Sandrine*, 36 ans, après avoir compté discrètement sur ses doigts. On pourrait croire qu’elle nous évoque ainsi la durée de sa relation amoureuse actuelle ou le temps passé dans son nouveau job mais non. La jeune femme, originaire de Caen, évoque une réalité bien moins anecdotique : celle de son abstinence sexuelle. Et pourtant elle n’est ni célibataire, ni en quête d’une vie particulièrement chaste.
En couple depuis une dizaine d’années avec François*, de deux ans son aîné, elle avoue ne plus être attirée par celui avec lequel elle estime pourtant aimer partager sa vie. « Ça se passe très bien entre nous, c’est juste que depuis quelque temps, je n’ai plus vraiment envie de faire l’amour avec lui”, résume-t-elle.
“Au bout de quelques mois, c’est comme si mon corps avait dit stop. Je n’y arrive plus du tout, je ne suis plus attirée”, tente d’analyser la jeune femme, qui n’ose suggérer l’autre question que ce constat amène dans son sillage. Une attirance physique qui s’émousse signe-t-elle fatalement la fin du couple ?
« Ne pas apprécier les changements physiques, ce n’est pas la fin de l’amour »
Pour Elsa, c’est un « non » franc. “Pour nous, ça n’a pas été le sujet de la rupture”, affirme-t-elle, avant de conter son histoire.
À 26 ans aujourd’hui, la jeune femme se remémore l’une de ses premières relations, avec un homme qu’elle a aimé plus de cinq ans. « À notre rencontre, il avait un style classe selon moi. Typiquement le manteau à l’anglaise, la barbe très soignée, les cheveux mis en arrière, assez courts, tout comme j’aime ».
Mais petit à petit, son style change. « Il a adopté un style un peu métal, avec de plus en plus de tatouages et de piercings. Ce n’est pas forcément ce qui me plaît en terme d’apparence, donc l’attirance a commencé à diminuer. Puis ses cheveux et sa barbe n’étaient plus entretenus…. ».
Pour autant, la jeune orléanaise est formelle : « les changements physiques, ce n’est pas la fin de l’amour parce que la personne n’est pas là que pour t’attirer physiquement. J’étais toujours aussi amoureuse de lui malgré les changements« .
Une perte de désir spécifiquement féminine ?
Selon une vaste enquête réalisée par la sociologue Monique Dagnaud et la démographe Justine Dupuis pour Arte et France Culture (2021), 49 % des femmes de 25-39 ans affirment se forcer parfois ou souvent à faire l’amour. Et si la majorité des études soulignent l’existence avérée d’un décalage entre l’un des partenaires qui a envie versus celui qui a moins ou pas du tout envie, d’autres comme celle effectuée par le célèbre sociologue Jean-Claude Kaufmann pointent une spécificité féminine.
Dans son livre intitulé Pas envie ce soir (Éditions Les liens qui libèrent, 2020), le spécialiste des relations de couple souligne une différence sensible entre des hommes au désir généralement constant et des femmes à la libido plus variable. Mais pour la sexothérapeute Noëline Toribio que nous avons interrogée, la réalité est un brin plus nuancée.
« Effectivement, dans mon cabinet, je vais recevoir des femmes qui, face à la charge mentale et le déséquilibre des tâches domestiques au sein du foyer, vont perdre l’envie d’avoir envie de leur partenaire. Ou d’autres qui, avec la naissance d’un enfant sont dans une sorte de fuite vis-à-vis de leur partenaire” confirme la psychothérapeute. “Mais de façon plus générale, la perte de désir de l’un des deux membres du couple touche les hommes comme les femmes, les classes sociales bourgeoises comme les plus modestes, les vieux couples comme les étudiants” démystifie-t-elle.
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L’attirance physique, le pouls du couple ?
Et pour cause, si celui ou celle qui nous faisait passer des nuits blanches nous fait désormais moins d’effet, c’est moins pour de pures raisons d’attirance physique que de problématiques liées intrinsèquement à l’attractivité de la vie de couple elle-même.
Outre la fin de la désormais célèbre “lune de miel” – période idyllique de début de relation mêlant souvent sexualité torride et hormones en ébullition – cette baisse d’attirance physique vient souvent révéler un dysfonctionnement plus ou moins évident entre les deux amants.
“Le désir s’étiole à la suite d’une succession de formes d’investissement, soit de la part d’un partenaire, soit de la part des deux”, remarque Noëline Toribio d’après ses consultations. “Cela peut aussi s’exprimer par une multiplicité de conflits, des promesses non-tenues, des projets non aboutis, des tromperies, un manque de communication, une incompréhension…” énumère-t-elle.
Et Elsa complète. « Quand tu commences à admirer d’autres personnes dans la rue que ton mec, tu te poses aussi des questions du genre ‘est-ce qu’il veut encore me plaire ?’. Et puis avec le temps j’ai compris que ce changement de style avait coïncidé avec un changement d’état d’esprit chez lui. C’est là qu’il m’a avoué qu’il ne voulait pas avoir d’enfant, ce qui signait en quelque sorte la fin de notre couple », le désir d’enfant de la jeune femme étant lui bien présent.
En parallèle, l’absence de temps forts dédiés au couple, ces derniers étant parasités par une routine chronophage ou une vie sociale intense reste toutefois le piège dans lequel la plupart des duos semblent tomber. “Je retrouve souvent des couples qui ne prennent plus de temps pour eux. Ils font beaucoup de sorties en famille ou entre amis mais ils ne se rendent pas compte que peu de temps est consacré à leur relation. Cela cache une forme de fuite qui peut provenir des deux partenaires”, analyse notre experte, qui souligne qu’un manque de créativité dans les scénarios sexuels et des interactions physiques redondantes, desensorialisées, contribuent également à diminuer l’attirance physique des partenaires l’un pour l’autre.
De la difficile prise de conscience…
Sa recommandation ? Redoubler d’attention en priorisant son couple, notamment en renouant avec une certaine forme de complicité physique qui ne se traduit pas forcément par des rapports sexuels stricto sensu.
“Il faut prendre le temps de se câliner, de se regarder, de casser le schéma quotidien, de se prendre le temps de s’embrasser le matin, de se caresser les cheveux et le corps. Faire preuve d’un maximum d’affection gratuite, sans demande d’actes sexuels à la suite, sans forcément toucher les parties génitales”, commente-t-elle.
Des conseils qui se retrouvent dans l’histoire de Jeanne*, 31 ans et en couple depuis 7 ans. “Il y a quelques années, mon mec s’est découvert une passion pour la muscu. Il a beaucoup changé de carrure en peu de temps et avec, son style a changé : il s’est coupé les cheveux très courts, revêtait souvent des joggings… Bref, on était loin du nounours de nos débuts”.
Et alors que ses amies ne comprennent pas que Jeanne s’éloigne de son compagnon parce qu’il aurait, selon elles (et “la société”, ajoute Jeanne) “glow-up”, la trentenaire se sent alors moins attirée par celui qui partage sa vie. “Je n’avais jamais ressenti ça. Je l’aimais mais en même temps je n’étais plus là à baver sur lui. Alors je lui en ai parlé. Je ne voulais pas qu’il change pour moi mais qu’il sache que ce changement m’avait aussi touchée. Et au fil du temps c’est une redécouverte, une réadaptation. Et c’est tout à fait OK, parce qu’on va continuer de changer tout au long de notre vie finalement”, analyse-t-elle.
Voilà pourquoi s’avouer son manque de désir et/ou accepter celui de l’autre, avant de s’assurer que l’on est prêt émotionnellement à renouer avec la dimension charnelle de sa relation, est important. “Ce sont des moments difficiles mais c’est important de le comprendre pour pouvoir démarrer un travail et voir l’énergie disponible pour pouvoir sauver le couple sur le plan sexuel”, souligne Noeline Toribio qui s’applique à aider les couples en difficultés à se poser au préalable les questions essentielles à toute entreprise thérapeutique.
… à la possible rupture
“Généralement, lorsqu’une personne vient me consulter parce qu’elle ne se sent plus attirée par son/sa partenaire, je lui demande si, en parallèle, elle a déjà ressenti de l’attirance, de l’envie pour une ou des autres personnes”, donne-t-elle pour exemple.
Et pour cause, aussi cliché que cela puisse paraître, la perte d’attirance physique pour son/sa partenaire peut dissimuler un désir de rupture non conscientisé, a fortiori lorsque le/la principale concerné.e se sent émoustillée à la vue ou au contact d’autres individus.
Ce/cette dernière reste alors dans la relation par sens du devoir, par peur de décevoir ou parfois pour des raisons d’ordre matériel. “Si la personne me répond par la positive – ce qui est rare car généralement elle a du mal à se l’avouer d’emblée – je lui demande ensuite si elle aura l’énergie et l’implication nécessaire pour faire tous les exercices que je lui demanderai d’effectuer et aller ressentir de nouveau cette chaleur en elle vis-à-vis de son partenaire”, interroge-t-elle.
“Car si, elle n’a pas une certaine détermination, nos consultations n’auront aucun sens et doivent laisser place à un accompagnement vers la rupture”, conlu-t-elle.
* Certains prénoms ont été modifiés
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