• Télétravail obligatoire, mais pas pour tous
  • Les interlocuteurs à qui s’adresser
  • Les droits des salariés
  • De nouvelles sanctions pour les employeurs

Dès ce lundi 3 janvier 2022, le télétravail devient obligatoire au minimum trois jours par semaine « quand cela est possible ». Une durée qui peut monter jusqu’à quatre jours dans la mesure du possible, avait même annoncé Jean Castex lundi 27 décembre 2021. 

Une information corroborée quelques jours plus tard par la ministre du Travail Élisabeth Borne, qui évoquait même des sanctions pour les entreprises récalcitrantes. 

« Je souhaite un système plus dissuasif. Nous allons introduire un amendement dans le projet de loi en prévoyant la possibilité pour l’inspection du travail de prononcer des sanctions jusqu’à 1000 euros par salarié dont la situation n’est pas conforme dans la limite de 50.000 euros. C’est une mesure qui s’adresse aux entreprises qui ne respectent pas les règles”, a-t-elle déclaré le 30 décembre 2021, sur LCI.

D’ailleurs, selon une information publiée ce dimanche 2 janvier par Les Echos, l’amendement du gouvernement au projet de loi sur le pass vaccinal a été déposé vendredi 31 décembre, et devrait être examiné dès aujourd’hui. Ainsi, le dispositif de télétravail obligatoire pourrait entrer incessamment sous peu dans la catégorie des obligations en matière de sécurité et de santé, inscrites dans le Code du Travail.

Télétravail obligatoire, mais pas pour tous

Depuis le premier confinement (mars 2020, ndlr), l’application du travail à distance dans les entreprises a perdu du terrain. En effet, le télétravail peut être parfois mal vécu par les salariés qui sont victimes de détresse psychologique ou de dépression, liée à la perte de lien social.

Selon les dernières données de la Dares, rattachée au ministère du Travail, en octobre dernier, 21% des salariés étaient au moins un jour en télétravail hebdomadaire, et à peine 6% l’étaient tous les jours de la semaine.

Comme nous l’expliquait Maître Flavie Hourtolou avocate spécialisée en droit du travail, interrogée en novembre 2020 à l’occasion du second confinement : « Tous les emplois ne sont pas télétravaillables y compris dans les métiers « non manuels ». Il faut parfois manipuler du papier car la digitalisation n’est pas optimale dans tous les secteurs et il est aussi parfois indispensable de maintenir du travail en équipe, même réduite”.

De plus, même s’il constitue la règle pour les personnes pouvant effectuer toutes leurs tâches à distance, le télétravail n’est pas toujours la solution miracle. « On mesure de plus en plus les limites et risques notamment d’isolement des salariés en télétravail qui, parfois, disposent d’un cadre de travail inadapté. Certains salariés demandent expressément à ne pas être à 100 % en télétravail”, indiquait déjà l’avocate fin 2020. 

Dans ce contexte, il revient alors à l’employeur de décider de mettre en place le télétravail ou non dans son entreprise, pour les postes éligibles et en prenant en compte la situation sanitaire d’une part, mais aussi la santé mentale des salariés. “L’employeur peut donc, aujourd’hui comme hier, décider d’un télétravail total, partiel ou impossible. Il doit s’appuyer sur des éléments objectifs et factuels, ne pas se montrer discriminant et prendre des décisions dans l’intérêt du bon fonctionnement de l’entreprise. Il n’y a pas, à ce jour, de recours des salariés autre que le dialogue avec leur employeur”, confirmait notre experte. 

Les interlocuteurs à qui s’adresser

Face à l’évolution perpétuelle du discours du gouvernement sur le télétravail, beaucoup se heurtent à l’incompréhension la plus totale.

Alors que les membres de l’exécutif continuent d’insister sur l’importance du travail à distance, certains employeurs considèrent qu’il n’est pas applicable dans leur entreprise. Et quand le dialogue avec l’employeur n’a pas porté ses fruits, l’inquiétude de certains salariés grandit. En effet, ils peuvent considérer que les mesures mises en place sur leur lieu de travail sont insuffisantes, et les exposent directement à un risque de contamination. 

Dans ce cas, un salarié “peut effectivement et en premier lieu s’adresser au médecin du travail, interlocuteur naturel, ou les membres élus du Comité Social et Économique (CSE)”, indiquait notre experte.

Avant de préciser que « ce qui sera déterminant c’est de savoir si la sécurité du salarié est assurée ou non sur le lieu de travail car, a contrario, l’employeur s’expose et il reste tenu à de nombreuses obligations de prévention s’il demande à ses salariés travailler sur site. Il devra mettre en place (et en justifier) toutes les mesures destinés à assurer la santé physique de ses salariés : gestes barrière, port du masque, limitation du nombre de personnes présentes, aération des locaux, nettoyage des espaces de travail…”

Les droits des salariés 

Une fois tous les recours épuisés, certains salariés ayant échoué à faire valoir leur droit au télétravail pourraient être tentés de ne plus se rendre au bureau. Mais à quels risques s’exposent-ils ? Selon notre spécialiste en droit du travail, “un refus du salarié de venir sur son lieu de travail l’expose à un risque de sanction disciplinaire. Le salarié ne peut pas imposer le travail à son employeur sans se mettre en situation d’insubordination.” Pas une bonne idée, donc. 

Toutefois, dans des cas bien particuliers, les salariés peuvent s’appuyer sur le Code du travail pour faire valoir leur droits. D’après notre experte, “la seule exception résulterait de l’exercice justifié de son droit d’alerte et de retrait. En vertu des articles L. 4131-1 et suivants du Code du travail, un travailleur peut se retirer d’une situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. Il doit avertir l’employeur de cette situation et ne pas créer pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent.” 

Comme le soulignait Maître Hourtolou, en cas de carence de l’employeur dans son obligation de sécurité, le salarié pourra mettre en oeuvre le droit suivant, comme indiqué sur le site du Ministère du travail, « dans le contexte actuel, dans la mesure où l’employeur a mis en œuvre les dispositions prévues par le Code du travail et les recommandations nationales visant à protéger la santé et à assurer la sécurité de son personnel, qu’il a informé et préparé son personnel, notamment dans le cadre des institutions représentatives du personnel, le droit individuel de retrait ne peut en principe pas trouver à s’exercer. » 

De nouvelles sanctions pour les employeurs

Si jusqu’à présent aucune autorité n’était habilitée à effectuer des contrôles, excepté en cas d’intervention des services de santé au travail ou des services d’inspection du travail, cela devrait changer dans les semaines à venir.

La ministre du Travail a indiqué, lors de son passage sur LCI, que désormais des contrôles renforcés seraient menés. « Toutes les entreprises qui peuvent le faire et qui ne l’ont pas encore fait doivent renforcer le télétravail (…). J’ai demandé à l’Inspection du travail de reprendre ses contrôles, de revenir à 5.000 contrôles par mois. On en était à moins de mille au mois d’octobre« , a-t-elle déclaré. 

Lors de leurs visites, « les inspecteurs contrôleront le respect des gestes barrières et la remobilisation des entreprises sur le télétravail », a-t-elle ajouté. Car « il faut absolument qu’on repasse à la vitesse supérieure » en matière de télétravail, a insisté la ministre, en rappelant la « responsabilité de l’employeur » à l’égard de la santé de ses salariés. Ainsi les entreprises ne respectant pas ces nouvelles mesures pourraient se voir sanctionner d’amendes jusqu’à 1000 euros par salariés, dans une limite de 50 000 euros, si le projet de loi et l’amendement sont adoptés.

Enfin, dans le cas où un salarié à qui on a refusé le télétravail contracte le virus de la Covid-19, un employeur pourrait être inquiété. “Si un salarié est atteint de la COVID-19 et qu’il arrive à prouver qu’il a contracté cette maladie au sein de l’entreprise alors que l’employeur aurait manqué à ses obligations de prévention, la responsabilité de l’employeur pourrait alors être engagée. Il faut prouver une faute de l’employeur, un préjudice du salarié et un lien de causalité entre les deux”, indiquait Flavie Hourtolou.  

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