MC Solaar, auteur, compositeur et interprète est un rappeur incontournable et un précurseur : il a été l’un des premiers artistes à populariser le rap en France dès le début des années 90. Avec sa plume, sa voix, son flow et son sourire, le temps ne semble pas avoir de prise sur lui. Il passe cette semaine sur franceinfo et évoque ses plus de 30 ans de carrière. 

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Depuis son premier album sorti en 1991, Qui sème le vent récolte le tempo, vendu à plus de 5 millions d’exemplaires et récompensé par cinq Victoires de la musique jusqu’à son huitième album Géopoétique (2017) qui marquait son retour après une dizaine d’années d’absence, MC Solaar voit son public, désormais intergénérationnel, répondre toujours présent. MC Solaar est, enfin, à la tache puisqu’il prépare un nouvel album dont la sortie est prévue en 2022 ou 2023 et pour nous faire patienter, il se produit, cet été et cet automne, avec le The big band project dans des festivals.  

franceinfo : D’après une étude réalisée, en 2014, par un développeur américain qui s’est attelé à analyser les textes des rappeurs francophones, vous arrivez en tête des rappeurs ayant le plus de vocabulaire. Il faut dire que vous êtes un obsédé textuel assumé, un amoureux des mots, un amoureux de la poésie aussi 

MC Solaar : Si je suis dans ce classement, c’est certainement parce que j’ai fait beaucoup, beaucoup d’albums ! Oui, ça fait plaisir !

Vous allez très vite devenir une icône. Comment avez-vous vécu ce moment où la lumière se tourne vers vous ?

J’ai pu voir plein de choses, visiter plein de pays. Après Bouge de là, on est allés au Sénégal, au Mali, au Bénin et puis dans quelques pays d’Afrique. C’était super. On s’est dits qu’on n’est pas juste dans notre « 9-4 » avec nos pensées similaires, le monde est vaste. Je ne me suis jamais rendu compte, en réalité, que j’étais connu. Vers 1994, début 1995, on était toujours pareil.

Dès le départ, vous avez toujours été très clair : pas de gros mots, pas d’insultes, uniquement des messages de paix, un peu comme un vieux sage. 

Oui, c’est grâce aux profs que j’ai pu avoir. Le rap était facilement caricatural. Avec un petit tour à l’université Paris 8 à Saint-Denis où un professeur d’Ethnologie trouvait qu’on avait du style, on a compris comment ne pas tomber dans les pièges et qu’on avait le droit aussi de montrer une autre image pour d' »autres personnes ». Je me suis dit : ok, donc on n’est pas obligé d’être le plus fort et tout ça. Ça a donné du sens à ce qu’on apprenait à l’école.

Bouge de là, c’est l’histoire d’un mec qui se fait rembarrer partout où il va. Ce titre raconte la vie de pas mal de gens. C’est aussi ça, la force de MC Solaar, de raconter le quotidien, d’aller se plonger dans l’écriture d’une personne lambda ?

J’ai essayé d’enlever le « je » partout. C’est pour ça que je campe des personnages. Cela me permet aussi de raconter des expériences que je n’ai pas vécues.

à franceinfo

Ca, j’aime bien. J’avais lu grâce à l’école qu’il y a de la poésie du « je » et puis celle des autres. Si tu entres dans un personnage, tu peux raconter beaucoup plus de choses.

Sans le « je », du coup, ça devient un « jeu ». J’ai l’impression que vous avez toujours eu ce besoin aussi de vous imposer des choses dans l’écriture. Ce qui est intéressant d’ailleurs, c’est que dès le départ, vous avez créé un espace de liberté. C’est ce que vous cherchiez ?

Oui, la fameuse licence poétique et puis le « jeu » parce que quand j’ai fréquenté la bibliothèque de Villeneuve-Saint-Georges, j’avais lu des trucs sur les jeux littéraires. Ensuite, à l’école, on nous a parlé de Georges Perec. Quand tu es face à une feuille, tu te dis : « Quelles contraintes vais-je m’imposer pour pouvoir écrire ? » Et c’est fabuleux les contraintes, parce qu’on trouve une personnalité grâce aux contraintes. Si on parle de Caroline, on essaie de raconter une histoire, mais avec des couleurs et des cartes. Automatiquement, ça devient quelque chose qu’on ne peut pas écrire si on ne s’est pas mis une contrainte.

Et puis d’apporter des couleurs parce qu’il y a, de fait, une écriture cinématographique.

En fait, je crois que j’ai pris ça pour ne pas parler de moi. C’est une technique pour lutter contre le « je ».

Ou bien c’est une technique pour vous protéger aussi ?

Oui, bien sûr, mais très peu de moi. Même quand je dis : du haut de mon mètre 78, ce n’est pas vrai, je suis plus petit, c’est 77.

Peu de temps après la sortie de Bouge de là va naître Caroline. Ce titre raconte une déception amoureuse avec une fille s’appelant Caroline. Vous avez toujours dit que c’était né de votre imagination et pourtant on se pose encore la question. Avec le recul, c’est vrai ou c’est faux ? Est-ce que ce que ce n’était pas un amour secret ?

C’est vraisemblable, mais elle ne s’appelle pas Caroline ! C’est la contrainte qui a fait monter le truc à un niveau poétique, mais en réalité, c’est exactement le même modèle que toutes les chansons. Nous étions bien, il y a eu une séparation et fin de la chanson. Sauf que là, avec toutes les contraintes que nous ont donné Georges Perec et les autres, dès le départ, le blanc d’œuf devient des îles flottantes et on plane.

Ce titre va être classé durant 22 semaines au Top 50. C’est vraiment un succès colossal. Est-ce la chanson la plus emblématique ?

Certainement. Celle-là, les gens l’aiment bien, vraiment, et moi aussi. En fait, ça faisait très longtemps que je ne m’étais pas mis une vraie contrainte et donc, chaque fois que j’avais un petit bout de papier, j’ajoutais quatre lignes.

Nous, on ne voyait pas du tout le succès de « Caroline », à l’époque, parce qu’il n’y avait pas de concerts de rap. On allait jouer dans les Maisons de la Jeunesse.

à franceinfo

Finalement, vous ne vieillissez pas parce que vos titres ne vieillissent pas !

Attention, il y a aussi l’aspect musical des choses. Hubert Blanc-Francard décide que, pour celle-là, on va appeler des gens pour jouer du violon parce qu’elle le mérite. Si ça avait été moi, je l’aurais fait avec un beatbox et ça aurait été anecdotique.

MC Solaar est actuellement en tournée, il sera  le  29 juillet : Festival Grandes Marées à Jullouville, le 12 août au Festival Fête du Bruit dans Landerneau à Landerneau, le 11 septembre : Festival Foire en scène de Châlons-en-Champagne ou encore les 25 et 26 octobre à la Philharmonie de Paris. 

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