Après ses réjouissants et très sérieux travaux sur l’effet de l’amour sur nos neurones, cette neurobiologiste relève les bienfaits de la danse sur notre mémoire. Interview.

Madame Figaro. – Vous avez découvert les bienfaits de la danse assez tard…
Lucy Vincent. – À cause d’un stress professionnel, il y a quelques années, j’ai souffert d’un lot de maladies psychosomatiques : migraines, maux de dos… J’ai poussé la porte d’un cours de danse, et les bénéfices ont été quasi immédiats. En tant que neurobiologiste, j’ai alors cherché à en savoir plus.

Vous avancez que danser dope les capacités cérébrales. Pourquoi ?
La danse mobilise toutes sortes d’aptitudes : équilibre, travail musculaire, coordination, expressivité… En outre, on sait depuis l’avènement des neurosciences que ce n’est pas le cerveau qui crée le muscle, mais c’est le muscle qui booste le cerveau. Au centre de tout cela, il y a le cerebellum ou cervelet, particulièrement développé chez les êtres humains. Il coordonne les mouvements, et relie les sensations physiques aux émotions et aux processus cognitifs.

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En quoi la danse est-elle meilleure alliée que le running ?
Quand on court, on met un pied devant l’autre, et on recommence. On ne crée pas de nouveaux réseaux dans le cerveau, alors que la danse exige un apprentissage et une coordination de mouvements complexes. On sait aujourd’hui que danser stimule extraordinairement la mémoire. Et d’après des études, c’est le seul sport qui soit capable de lutter efficacement contre la dégénérescence et la maladie d’Alzheimer. Bouger libère des myokines, des molécules qui ont des effets dans le corps. En restant immobiles, on affaiblit nos muscles mais aussi notre potentiel cérébral.

Est-ce que regarder un spectacle de danse sollicite aussi notre encéphale ?
Oui, et cela grâce à nos neurones miroirs. Les scientifiques ont découvert que, pendant un spectacle, on contracte a minima nos muscles. C’est donc déjà une microscopique forme d’exercice. Plus on est entraîné, physiquement à danser, plus nos circuits neuronaux sont activés pendant un spectacle. On comprend pourquoi, depuis la fermeture des opéras et des théâtres, autant de gens vont mal. La culture nous manque physiquement.

Chaque danse, écrivez-vous, aurait un effet différent sur le cerveau ?
Oui. Il est important de varier ses mouvements, comme on diversifie son alimentation. Les danses de salon sont idéales pour ça. Le rock va développer la joie, le paso-doble, avec des mouvements dont on n’a pas l’habitude, réactive des zones oubliées dans notre cerveau et nous rend plus créatifs. Tout comme on «muscle» son cerveau en dansant, on dope sa bonne humeur grâce aux bonnes postures. Replié sur soi, on ressent davantage d’anxiété. Mais quand on ouvre son thorax, on devient conquérant !

Vous écrivez que danser, c’est bon pour le couple ?
Le poète Robert Frost écrit que la danse est «l’expression verticale d’un désir horizontal». Je dirais qu’en dansant on a accès directement au cerveau inconscient de l’autre. C’est une autre façon de communiquer ensemble. En Corée du Sud, des chercheurs ont découvert que certains couples en crise pouvaient se ressouder grâce aux danses de salon…

(1) Faites danser votre cerveau, de Lucy Vincent, Éditions Poches Odile Jacob, 208 pages, 8,50 €.

Lucy Vincent a créé le site clickanddance.com, où elle propose des microchorégraphies d’une à trois minutes.

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