• Maria Ressa, journaliste et prix Nobel de la Paix, alerte sans relâche sur le manque de transparences des plateformes qui régissent nos vies numériques.
  • Ce vendredi, elle est venue présenter à Paris une charte de bonnes pratiques guidant l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) par les rédactions.
  • Pour la fondatrice du média d’investigation Rappler, l’IA représente une opportunité mais également une menace.

« L’année prochaine, une personne sur trois dans le monde votera pour une élection majeure, et nous n’avons pas d’intégrité des faits. » Journaliste depuis près de quatre décennies, récompensée du prix Nobel de la Paix en 2021, Maria Ressa a été une des premières voix à dénoncer sans relâche le manque de transparence des réseaux sociaux, les manipulations qui s’y jouent et leur impact sur la démocratie et les électeurs. « En 2016, le jeu de domino politique a commencé à changer, a-t-elle rappelé ce vendredi matin à Paris. En mai, Rodrigo Duterte a été élu [président de la république des Philippines], puis, un mois après il y a eu le Brexit. Ensuite, il y a eu toutes ces élections, dont celle de Donald Trump en novembre. » Autant de scrutins qui ont été marqués par des manipulations sur les réseaux sociaux.

Pour la journaliste américano-philippine, qui dirige le site d’investigation Rappler, la situation actuelle est « bien pire ». « On commence à envisager ce que le monde peut devenir. On en voit une partie actuellement sur les réseaux sociaux, avec la violence au Proche Orient. »

« L’humain au-dessus des machines »

Maria Ressa était ce vendredi matin à Paris, dans les locaux de Reporters sans frontières (RSF), pour présenter une charte de bonnes pratiques guidant l’utilisation de l’intelligence artificielle par les rédactions. Initié par RSF, ce texte affirme que « l’humain doit rester central dans les décisions éditoriales ».

« L’humain au-dessus des machines », a résumé Maria Ressa vendredi, en décrivant l’usage fait par son média, Rappler, de l’intelligence artificielle. « Si vous regardez sur notre site, chaque article dorénavant peut avoir un résumé généré par IA. On l’a déployé en juillet, parce que chaque média joue avec cela. Si vous voulez survivre, vous devez jouer avec cela en arrière-plan. On l’a fait, mais on s’est engagés auprès de nos collaborateurs que l’on ne licencierait pas à cause de l’IA. »

Opportunité pour les médias, l’IA représente aussi une menace supplémentaire pour un secteur fragile financièrement. Aux Etats-Unis, Google commence à déployer dans ses pages de résultats des extraits d’information formulés avec l’aide de l’intelligence artificielle, n’incitant plus l’internaute à cliquer sur un site pour avoir plus d’informations. « Si vous êtes un site d’informations numérique, c’est la seconde source de trafic qui peut mourir une fois que cette fonctionnalité sera déployée », analyse Maria Ressa, qui souligne que Facebook a déjà pratiquement mis fin au trafic vers les sites d’info, tuant une des principales sources de trafic, et donc de revenus, pour les médias.

Une des solutions ? « Les médias doivent prendre part à la gouvernance mondiale de l’IA et défendre la viabilité du journalisme lorsqu’ils négocient avec les entreprises technologiques », lit-on dans la charte de RSF. Pour Maria Ressa, les médias ne peuvent plus la jouer solo : « Il faut collaborer, collaborer, collaborer. Ce n’est plus l’ancien monde », prévient-elle.

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