• L’histoire d’amour malsaine, prémices d’une fin de relation toxique
  • Une stimulation constante pour faire plier l’autre
  • De l’amour à la violence : le vrai danger de la toxicité
  • Gérer son ex toxique : colmater les failles et savoir s’entourer
  • Quand la parentalité s’en mêle
  • L’hystérique vs le romantique : le biais sexiste de l’ex toxique

Le 14 février dernier, Kanye West faisait livrer à son ex-femme Kim Kardashian un 4×4 rempli de roses pour la Saint Valentin. Pourtant, les deux Américains sont officiellement divorcés et la mère de trois enfants a refait sa vie. Dérangeant, non ?

Érigé comme un geste romantique de reconquête – pas merci la téléréalité – le comportement de l’ex collant est, quand on y regarde de plus près, nettement plus inquiétant que séduisant. Des actions qui attestent d’une certaine obsession et d’un désir de garder le contrôle sur celle/celui qui part, sont loin d’être des preuves d’amour. 

« Voilà un an que je me suis séparée de mon ex-copain, bien que je l’ai bloqué sur tous les réseaux et par téléphone, il continue à m’envoyer des mails presque tous les jours. Certains sont des lettres d’amour, d’autres des déferlements de haine”, confie Marina*, 25 ans. 

Si vivre avec un chewing-gum collé sous sa chaussure peut nous empêcher d’avancer, dans certains cas, cela peut même se révéler dangereux.

Décryptage d’un phénomène pas si rare, qui doit être ré-étiqueté tel qu’il est : malsain et non romantique. 

L’histoire d’amour malsaine, prémices d’une fin de relation toxique

Quand elle parle de sa relation passée, Marina commence par expliquer que les débuts étaient beaux, pleins d’attentions. “Mais dès le premier mois, j’ai compris qu’il m’avait trompée”, avoue la jeune femme. 

Elle pardonne, mais les infidélités se multiplient, alors Marina tente de quitter son compagnon “cinq ou six fois”. Mais lui, joue sur les sentiments et lui dit que, sans elle, il pourrait faire une bêtise. « Petit à petit, il est rentré dans ma tête, tout était toujours de ma faute, s’il était en colère, s’il me trompait, même s’il cassait un objet”, se souvient-elle. 

Il faut se poser les bonnes questions, si la relation active votre système nerveux et vous met dans un état de stress, ce n’est pas sain.

À l’époque sous emprise, la jeune femme, parle aujourd’hui d’une “relation malsaine”, dont la fin a été à l’image des derniers mois de couple : toxique. Un constat qui ne surprend pas Véronique Kohn, psychologue spécialisée dans les relations amoureuses. 

“Si déjà la personnalité est de type contrôlante, n’aime pas voir le pouvoir lui échapper, les drapeaux rouges s’agitent”, prévient l’experte.

Parce qu’avant d’être un ex toxique, on est déjà un.e compagnon.gne toxique. “Il faut se poser les bonnes questions, si la relation active votre système nerveux et vous met plus dans un état de stress que d’épanouissement et de stabilité, ce n’est pas sain”, précise l’experte.

Une stimulation constante pour faire plier l’autre

Ainsi, les mêmes techniques de manipulation peuvent s’exercer une fois le couple séparé. Habitué.e à détenir un certain ascendant, le/la largué.e n’acceptera pas de laisser partir l’autre et usera de différents stratagèmes pour le/la faire plier. Et l’amour n’a souvent rien à voir là-dedans.

“En général, même si on pense aimer encore, c’est surtout que l’on sait que l’autre nourrit nos besoins”, rapporte Véronique Kohn. 

Il m’appelait constamment, j’ai des captures d’écran qui montrent qu’il me téléphonait toutes les minutes.

“Mon ex a très mal pris la rupture, il m’a d’abord dit qu’il allait se suicider, alors je suis revenue”, partage Marina. Pourtant, encouragée par ses amies, elle décide de vraiment tirer un trait sur la relation quelques jours plus tard. À partir de là, le harcèlement commence : “il m’appelait constamment, j’ai des captures d’écran qui montrent qu’il me téléphonait toutes les minutes. Quand j’ai bloqué son numéro, il m’a harcelée sur tous mes réseaux sociaux”, se souvient, émue, la jeune femme.

Pour Véronique Kohn, la stimulation excessive est un phénomène courant : “il y a un manque que l’on va chercher à combler, souvent par de belles paroles, éclaire-t-elle avant d’ajouter, si c’est motivé et qu’un travail d’introspection a été effectué, pourquoi pas retenter, mais à l’inverse, c’est juste malsain”. 

De l’amour à la violence : le vrai danger de la toxicité

Tantôt amoureux transit, tantôt menaçant, l’ex toxique va user de la séduction, du chantage affectif puis de la peur. « J’ai eu le droit à des menaces physiques, témoigne Marina, il se rendait sur mon lieu de travail et me suivait dans les rayons, il me parlait, m’agrippait et plusieurs fois des collègues ont dû s’interposer ». 

La jeune femme commence à avoir peur, elle rentre chez elle en Uber pour ne pas le croiser en chemin et angoisse, chaque jour, de voir son ex conjoint revenir sur son lieu de travail. « Un jour, il est venu jeter tous les cadeaux que je lui avais offerts dans la poubelle face à mon entreprise”, raconte la jeune femme. 

Il était menaçant verbalement et physiquement, les gens ont appelé la police parce qu’il criait très fort et qu’il était violent.

Et puis un soir, la police doit intervenir. Après l’avoir attendue six heures le temps qu’elle termine son service et l’avoir suivie dans les transports en commun, il tente d’intercepter la jeune femme dans les couloirs de la gare. “Il était menaçant verbalement et physiquement, les gens ont appelé la police parce qu’il criait très fort et qu’il était violent, j’ai été recueillie par les agents de la RATP”, se souvient-elle avec effroi. 

Certes le terme « toxique » devient de plus en plus générique, et Véronique Kohn prévient qu’il ne doit pas être utilisé à tort et à travers. Mais ces comportements sont aussi ceux que l’on a – trop – l’habitude de lire dans les articles retraçant la chronologie des féminicides.

Gérer son ex toxique : colmater les failles et savoir s’entourer 

En proie à la peur et à la culpabilité, compliqué de savoir quoi faire et vers qui se tourner pour celle/celui qui est envahi.e par son ex. « Le plus dur, c’est cette faille qui fait qu’au début c’est simple pour l’ex de rouvrir la porte, surtout quand c’est quelqu’un pour qui on aurait tout fait », admet Élise*, séparée depuis le printemps 2020. 

En effet, Véronique Kohn confirme qu’à force de tentatives de persuasion via divers messages et autres actes de présence, la personne peut nous faire douter. « C’est là que se trouve toute la complexité de la situation parce que pour beaucoup de personnes, il y a ce sentiment qu’avec l’ex, ça pourrait toujours marcher”, ajoute-t-elle.

La spécialiste conseille alors de montrer qu’on a tourné la page et de laisser l’autre taper à la porte jusqu’à ce qu’il s’épuise tout seul. “Une personne normale devrait lâcher l’affaire devant le silence de l’autre, le harcèlement fonctionne souvent parce qu’on y répond”, prévient la psychologue.

Évidemment, dans les cas extrêmes, c’est important de pouvoir en parler et de ne pas rester seul.e.

Malgré tout, dire non n’est parfois pas suffisant. Marina est séparée depuis un an et a refait sa vie, pourtant, elle continue de recevoir des mails de son ex – dernier moyen qu’il a trouvé pour la contacter.

“Je fais comme si je ne les voyais pas, certains sont encore très violents dans les mots, il sait où frapper pour me toucher, confie-t-elle. Mais je tiens, surtout grâce à mon entourage. On m’a aussi proposé un suivi psychologique, mais pour le moment, je n’en ressens pas l’envie”, partage la jeune femme.

“Évidemment, dans les cas extrêmes, c’est important de pouvoir en parler et de ne pas rester seul.e, au-delà de la décharge émotionnelle, on peut aussi aider à trouver des solutions”, appuie Véronique Kohn.

Quand la parentalité s’en mêle 

Si couper les ponts semble la meilleure solution, dans certains cas, il est impossible de fonctionner de la sorte. Lorsque l’on a des enfants avec cet ex malsain, le lien ne peut être rompu entièrement et les progénitures peuvent même être utilisées comme un nouvel outil de persuasion. 

“Un ex toxique peut très bien aliéner le second parent, en minant sa relation avec les enfants”, alerte Amy Baker, psychologue américaine et auteure de La coparentalité avec votre ex toxique

“Mettre des idées dans la tête de l’enfant pour qu’il rejette l’autre parent, est un levier, soit pour se venger de la séparation, soit pour tenter de faire revenir la personne”, explique-t-elle.

Une situation d’aliénation ne se résout pas comme un conflit parent-enfant lambda, il ne faut pas être sur la défensive et montrer à l’enfant qu’on le comprend.

Si selon la spécialiste, il convient de ne pas tomber dans la paranoïa et de questionner, dans un premier temps, sa propre relation à l’enfant pour expliquer un éloignement ou une colère soudaine, l’écrivaine conseille, si manipulation il y a, de réunir des preuves attestant que l’autre tente de monter l’enfant contre vous (e-mails, enregistrements, textos…). 

Dans ce cas, Amy Baker recommande d’oser demander de l’aide. « Une situation d’aliénation ne se résout pas comme un conflit parent-enfant lambda, il ne faut pas être sur la défensive et montrer à l’enfant qu’on le comprend pour apaiser la blessure émotionnelle, parce qu’on peut très vite se retrouver à être le méchant dans l’histoire”, explique la psychologue. 

L’hystérique vs le romantique : le biais sexiste de l’ex toxique 

Ces comportements communs, mais finalement mal qualifiés, méritent donc étude et accompagnement. Mais il convient aussi de remarquer le biais de genre qui s’est installé dans la représentation de la toxicité

On l’a dit : l’homme qui revient est souvent qualifié de grand romantique, refusant de perdre celle qui l’aime. Pourtant, quand c’est une femme qui a du mal à accepter la rupture, elle est immédiatement taxée de folle, c’est la fameuse “ex hystérique”. 

“C’est vrai que les femmes qui reviennent sont souvent qualifiées de grandes dépendantes affectives, alors que les hommes c’est limite : ‘waouh, il l’aime encore, quelle chance’”, confirme Véronique Kohn.

Pour la psychologue, cela peut s’expliquer par la vision genrée de certains comportements. “On pense que pour les femmes, être en couple est un accomplissement. Alors que pour les hommes, c’est plus un point d’attache pour se réaliser dans le monde”. 

“J’ai toujours eu besoin de validation et d’attention de la part de la gent masculine, donc quand j’ai rencontré mon ex, c’est vrai que j’ai vite été prise dans la spirale. Mais ce n’est pas pour autant que je l’aurais harcelé une fois la rupture décidée”, nuance pourtant Élise. 

Parce que oui, la dépendance affective et la manipulation sont deux choses à ne pas confondre. Alors, arrêtons de trouver mignon cet ex qui revient à la charge parce qu’il sait qu’il n’y aura pas meilleur que lui, pour vous. Il y a un monde entre courtiser et harceler. 

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* Les personnes ont souhaité être anonymisées

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