Depuis un album commun avec les Ecossais de Franz Ferdinand, le duo américain connaît un retour de flamme salvateur. Et amplement mérité.
En 1974, le monde du rock tombe en pâmoison devant une chanson sortie de nulle part, « This Town Ain’t Big Enough for the Both of Us », extraite du troisième album de Sparks. Les frères Ron et Russell Mael n’avaient pas connu le succès espéré aux Etats-Unis, leur terre d’origine, avec leurs deux premiers albums et avaient donc décidé de migrer à Londres dès 1973. « Nous étions de toute façon vus comme un groupe anglais, raconte Ron Mael, le compositeur et parolier de Sparks. Pour nous l’Angleterre était la terre promise, toutes nos idoles venaient de Grande-Bretagne. » Avec « Kimono My House », « Propaganda » puis « Indiscreet », le duo invente le glam rock. Alors que Bowie annonce la mort de Ziggy Stardust et que Queen balbutie, Sparks manie avec brio l’ironie so british des textes aux guitares enfiévrées. Mais quand le groupe regagne Los Angeles en 1977, le punk fait les choux gras de la presse et Sparks doit se réinventer.
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Leur salut viendra de Giorgio Moroder, considéré comme l’un des inventeurs du disco, et de la France qui fera un accueil triomphal à leur album « N° 1 in Heaven ». « Nous n’avions pas du tout le sentiment de plonger dans le disco, souligne Russell. Nous avions juste envie d’être un groupe de rock qui se confrontait aux débuts de la musique électronique. L’histoire fait que l’on pense que l’on s’est mis au disco, mais ce n’était pas du tout notre démarche. » Avec sa moustache courte, Ron Mael est même interdit de plateau télé en France au début des années 1980, certains programmateurs de l’époque y voyant un hommage à Hitler… « Mais nous avons collaboré avec les Rita Mitsouko quelques années plus tard, souligne Russell. C’est là que nous avons créé un lien spécial avec votre pays, d’autant que nous avions eu un projet avec Jacques Tati, “Confusion”, qui ne s’est pas fait. »
Le groupe a mis en chantier son 24e album, le remarquable « A Steady Drip, Drip, Drip »
Catherine Ringer et Fred Chichin avaient depuis longtemps repéré les talents du duo américain et se sont attaché ses services sur l’excellent « Marc et Robert ». Depuis huit ans, les frères Mael développent à nouveau un projet francophone qui leur tient à cœur : « Annette », une comédie musicale qu’ils ont confiée à Leos Carax. « Il avait utilisé l’une de nos chansons dans son dernier film. Nous lui avons envoyé notre scénario et il a accepté, raconte Ron. Les choses se sont vraiment emballées quand Adam Driver et Marion Cotillard ont bien voulu tourner dans le film. Nous aurions dû le présenter à Cannes, mais la pandémie en a décidé autrement. Le résultat est vraiment bluffant. »
Alors, entre deux « conference calls » avec Carax, le groupe a mis en chantier son 24e album, le remarquable « A Steady Drip, Drip, Drip » dans lequel Ron s’amuse à narrer l’histoire d’un homme délaissé par sa femme parce qu’il passe trop de temps à tondre le gazon de sa propriété. « Le sel de Sparks c’est d’aller sur des terrains où l’on ne l’attend pas. Et l’état du monde actuel est assez propice à ce genre de sujet », dit en souriant Ron. Ils osent aussi une véritable déclaration d’amour à leur public, qui continue à les suivre vaille que vaille et qui s’est même élargi depuis 2015 à l’occasion d’un disque commun avec les Ecossais de Franz Ferdinand. « Cet album, note Russell, nous a challengés dans le bon sens. Nous étions deux groupes sur scène et il fallait montrer nos capacités respectives. Nous nous sommes produits dans tous les grands festivals européens, souvent devant des gens qui ne nous connaissaient pas. »
Résultat : « Hippopotamus », paru en 2017, comme « A Steady Drip, Drip, Drip » ont fait des entrées fracassantes dans le top 10 anglais. « C’est rare qu’un groupe de notre génération puisse encore être attendu », admettent humblement les deux musiciens. De leur vie privée, on ne sait toujours rien. Le confinement a tout juste permis de voir qu’ils vivaient bien dans deux maisons séparées. Ron intervenant depuis sa bibliothèque remplie de livres sur les trains. Russell, lui, parlant devant une affiche vintage de Sparks. Quand l’un compose, l’autre s’occupe de l’image. « Nous n’avons pas besoin de discuter longuement pour savoir ce que l’on va faire. L’avantage de travailler ensemble depuis si longtemps, c’est que l’on connaît nos sensibilités respectives. » Et cela suffit pour entretenir brillamment la flamme.
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