Le passé resurgit au détour d’un paquet de biscuits ou de lessive, en cette période où nombre de marques relancent leurs anciens articles mythiques.
Vous vous rappelez ? « Vous vous changez, changez d’Kelton ! » ; Bonux et Maïté avec « Y a pas écrit bécasse ici » ou même ce lion de Merveilles du Monde qui se léchait les babines. Rien que d’y penser, tout vous revient, le goût inoubliable du chocolat fondant sur la langue, le bracelet coloré de votre montre pour votre première boum, l’odeur du linge étendu dans le jardin de votre enfance. Vous croyiez ces marques de votre jeunesse rangées soigneusement au rayon des souvenirs.
+ de 88 % des mots-clés liés à la nostalgie ont été utilisés sur Internet (Google Trends, 2020)
Icônes
Pourtant, les voilà ressuscités. L’heure est à la nostalgie. Ce qui appartient au passé semble, à tort ou à raison, être plus sûr, plus authentique. Au point que des fans se regroupent sur Internet pour réclamer le retour de leur produit fétiche. Ainsi Figolu, disparu en 2015, est revenu grâce aux 10 000 signatures d’une pétition en ligne et à la passion de la journaliste de France Inter Fabienne Sintes.
Pour sa part, la société Héritage France* a repris des marques historiques, telles Minidou (« les petits génies du doux ») ou Bonux et son emblématique cadeau.
Point n’est besoin cependant de se rappeler le passé pour plébisciter une marque iconique. Les jeunes générations craquent aussi pour ces produits : la chaussure Stan Smith, les vêtements de sport Ellesse, Fila, Sergio Tacchini, Le Coq Sportif devenus très tendance.
Mais revenir ne signifie pas photocopier la version originale. On s’en inspire tout en modernisant. « Nous avons seulement renforcé la recette, en passant de 23,5 % de figues à 26 %, et réactualisé le paquet », détaille-t-on chez Figolu. L’axe du renouveau s’inscrit dans une production verte, locale et de qualité.
Du neuf avec du vieux
Krokola, qui a relancé Merveilles du Monde, coche ici toutes les cases. La société marseillaise a résolument ancré la marque dans l’air du temps. « Nous utilisons des ingrédients issus du commerce équitable, fabriquons nos tablettes en France, à Saint-Étienne, et nous défendons la préservation des espèces menacées », explique Amélie Coulombe, cofondatrice. Ainsi, pour les inévitables images de collection, lion, zèbre, girafe cohabitent avec baleine, dauphin, et aussi avec des cactus, baobabs et autres séquoias.
Chez Kelton, rachetée en 2016, le message est clair : « Nous voulons revenir à des montres plus qualitatives, mécaniques, montées et assemblées en France. Nous avons des répliques à l’identique de modèles anciens comme la Lady 50, mais aussi des modèles revisités ou des créations. L’important pour nous est de garder l’esprit pop du début, avec des produits accessibles pour tout le monde », déclare Édith Chapelle-Petit, directrice de la marque qui propose une gamme de 90 à 500 euros.
Au final, la nostalgie permet de faire du neuf avec du vieux. Un recyclage bienvenu, à condition de ne pas en profiter pour faire exploser les prix de ces produits du passé. Solex va ainsi sortir un e-Solex au tarif impressionnant de 4 599 euros !
Destins brisés
Remettre en vente un produit disparu n’est pas une martingale. Cela ne marche pas à tous les coups. Certaines marques n’ont jamais réussi à retrouver un public. C’est le cas de Pschitt, la fameuse boisson, orange ou citron.
Une première tentative en 1999 avec les Pokémon, puis une deuxième, en 2005, pour le cinquantenaire, ont échoué. Meccano a aussi du mal à ressusciter. Au bord de la faillite en 2000, il est successivement racheté par un groupe japonais, puis canadien, qui est en train de fermer la dernière usine française.
3 questions à Alexandra Vignolles : “Les produits de l’enfance sont nos doudous”
Enseignante-chercheuse à l’INSEEC de Bordeaux, spécialiste du rétro-marketing
France Dimanche : Pourquoi la tendance rétro est-elle aussi forte aujourd’hui ?
Alexandra Vignolles : La nostalgie est liée à notre anxiété du futur. Elle tend à idéaliser le passé, qui nous semble plus rassurant, parce qu’on le connaît déjà. Tous ces produits de notre enfance sont nos doudous d’aujourd’hui. Ainsi en misant sur leur histoire, les marques se renouvellent. La limonade centenaire Lorina a bénéficié d’un nouvel élan en revenant à la bouteille en verre et au bouchon mécanique.
FD : Comment des marques disparues peuvent-elles séduire les jeunes générations ?
AV : Non seulement elles parlent à une mémoire collective, mais elles sont aussi un héritage transmis aux enfants et petits-enfants, ce qui en fait des marques transgénérationnelles.
FD : Cet engouement pour le passé ne freine-t-il pas l’innovation ?
AV : Pas du tout. Les marques cherchent dans leurs archives des modèles qu’elles réactualisent comme la FIAT 500 et bientôt la R5. De même, pour accompagner le retour du vinyle, la technologie des platines, enceintes et tuners est devenue de plus en plus sophistiquée.
Béatrix GRÉGOIRE
* Héritage France n’a pas voulu répondre à nos questions.
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