Mercredi 6 novembre, certains dirigeants d’entreprises japonaises ont confié à la télévision nippone la raison pour laquelle le port de lunettes était interdit aux femmes dans leur entreprise. Depuis, les Japonaises s’insurgent contre d’obsolètes et contraignants standards de beauté.

Les lunettes donneraient aux employées une expression «froide» et «peu féminine». C’est du moins ce que prétendaient certains dirigeants d’entreprises japonaises à l’antenne de la chaîne Nippon TV, le mercredi 6 novembre. Ces employeurs ont ainsi expliqué pourquoi ils avaient interdit aux femmes de leurs entreprises de porter cet accessoire. Depuis, des milliers d’internautes ont réagi à ces propos sur Twitter. Ils ont ainsi repris le hashtag «les lunettes sont interdites» ( #メガネ禁止), afin d’apporter leur soutien aux Japonaises touchées par cette injonction.

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Une expression « froide »

Selon les directeurs de certains magasins de vente au détail interrogées par la chaîne nipponne, les lunettes donneraient aux vendeuses une expression «froide». Le dirigeant d’une compagnie aérienne a, quant à lui, affirmé que ces accessoires pourraient «entraver» la vision des employées, créant ainsi des risques en termes de sécurité. Certains restaurateurs ont indiqué par ailleurs que les bésicles juraient avec les uniformes traditionnels, comme les kimonos, que doivent porter les serveuses.

À la suite de ces témoignages, la version japonaise du site Business Insider a décrit les situations désagréables vécues par plusieurs femmes. À l’image de Mme A., d’une vingtaine d’années et dotée d’une vision très faible, qui a souhaité rester anonyme. Cette réceptionniste dans un grand magasin s’est ainsi vue interdite de porter ses lunettes, et a été contrainte de porter des lentilles durant des journées de douze heures – voire, parfois, de fermer les yeux durant toute la durée de sa pause. «Durant ces premières années de travail, on m’a dit et répété que je devais avoir l’air plus douce et féminine», a indiqué Mme A.

Une infirmière, employée par une clinique de beauté, a confié avoir rencontré les mêmes difficultés. Victime de sécheresse oculaire, celle-ci a également été contrainte de porter des lentilles toute la journée. «Il n’est pas clair si ces soi-disant « interdictions » sont basées sur les politiques d’entreprise, ou reflètent les pratiques sociales dans ces lieux de travail», a résumé de son côté la BBC.

Un mouvement de soutien qui prend de l’ampleur

Lassées de ces standards de beauté désuets et contraignants, les Japonaises s’insurgent depuis plusieurs mois face à ces injonctions réservées aux femmes. En juin, elles étaient déjà plus de 20.000 à signer une pétition en ligne contre le port des talons hauts, obligatoire sur certains lieux de travail. Une initiative qui avait pris de l’ampleur grâce au hashtag #KuToo («kutsu» signifiant chaussure et «kutsū» signifiant «pain»), dérivé du mouvement #MeToo.

Yumi Ishikawa, actrice et écrivaine à l’origine de ce hashtag, a estimé que l’interdiction des lunettes n’était pas différente du fait d’imposer le port des talons. «Si le port de lunettes est un vrai problème au travail, il devrait être banni pour tout le monde – les hommes comme les femmes», expliquait-elle à Bloomberg News, début novembre. Cette interdiction avait déjà été bravée, cette fois dans un autre pays. Ainsi, en avril 2018, la présentatrice coréenne Lim Hyeon-ju avait fait des émules en plein direct en arborant… une paire de lunettes.

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