Alors que la colère gronde dans les lycées suite à la polémique de la «tenue républicaine», un sondage mené par l’Ifop, publié vendredi 25 septembre, révèle qu’une majorité des Français – et surtout des Françaises – s’oppose au port des vêtements mettant en valeur le corps féminin dans l’enceinte d’un établissement scolaire.

Qu’est-ce qu’une «tenue correcte» pour une fille au lycée ? Cette question divise ces derniers jours le gouvernement et les lycéennes. À travers le hashtag #Lundi14septembre, ces dernières ont d’ailleurs lancé un mouvement pour dénoncer des règles vestimentaires dépendantes de la seule appréciation du personnel éducatif et revendiquent le droit de s’habiller comme elles l’entendent, sans pour autant être considérées comme des objets sexuels. Se dirige-t-on vers une révolution des mentalités ? Pas vraiment, à en croire la dernière enquête d’opinion menée par lu pôle «Genre, sexualités et santé sexuelle» de l’Ifop (1). Réalisée pour le magazine Marianne et publiée vendredi 25 septembre, elle sonde la population française sur les jupes courtes, les crop-tops, décolletés et autres tenues de la discorde portées par les élèves. Leurs conclusions démontrent que les injonctions à la pudeur n’ont pas dit leur dernier mot.

Expression du puritanisme

Cachez ce haut du corps que je ne saurais voir. Quand on leur demande s’ils souhaiteraient que les lycées publics autorisent ou interdisent aux filles le port d’un haut laissant deviner les tétons, ou révélant le décolleté ou le nombril, les Français ne cachent pas leur désapprobation. Deux personnes sur trois (66 %) se montrent défavorables à la pratique du «No Bra», c’est-à-dire au non-port du soutien-gorge. Exit aussi toute tenue au décolleté plongeant pour 62% des sondés, le crop-top (pour 55% des répondants). «Le rejet que ce dernier suscite semble l’expression d’un puritanisme qui impose aux femmes – et seulement à elles – de cacher leur chair du regard des autres au nom d’un principe de « décence » que l’on retrouve également, chez certains, envers les cheveux, par exemple via le port du voile», analyse François Kraus, directeur du pôle «Genre, sexualités et santé sexuelle» de l’Ifop.

Sans grande surprise, l’enquête met en valeur un conflit générationnel opposant les aînés aux jeunes. 79% des personnes âgées de plus 65 ans souhaitent que le «No Bra» cesse, alors 51% des jeunes entre 18 et 29 ans le plébiscitent. Ce fossé d’opinions se constate pour chacune des autres tenues évoquées, exception faite du débardeur laissant apparaître les bretelles du soutien-gorge qui, lui, obtient les faveurs de toutes les générations. La morale religieuse participe également de ces prises de positions – par exemple, les sondés de confession catholique (69%) et musulmane (73%) sont plus nombreux que ceux sans religion (61%) à désirer interdire le port du «haut sans soutien-gorge au travers duquel la pointe des tétons est visible».

En vidéo, «le vêtement ne doit pas être un facteur ni de discrimination, ni de stigmatisation»

Un clivage de genre révélateur

L’enquête dresse un autre constat, plus surprenant : il existe «un clivage de genre très net révélateur de l’ancrage des injonctions à la pudeur dans la gent féminine.» 73% des femmes interrogées refusent le non-port du soutien-gorge au lycée, contre 58% des hommes sondés. Des chiffres étonnants, soulignent les auteurs de l’étude, au regard du combat des féministes des années 1960 qui voulaient, au contraire, brûler le symbole de l’oppression vestimentaire imposée aux femmes. Le crop-top ne fait pas non plus l’unanimité puisque plus de 61% des Françaises souhaitent l’interdire (contre 49% des hommes). Tout comme le décolleté.

En juillet dernier, l’institut de sondage avait amorcé un début de réponse à ces freins, révélant la peur des jeunes femmes de moins de 25 ans qui redoutent «d’être l’objet d’agression physique ou sexuelle» en adoptant le «No Bra» mais aussi le profond ancrage de la «culture du viol» dans notre société.

En revanche, les positions s’avèrent moins tranchées concernant les vêtements dévoilant les jambes des lycéennes. Les Français ont un avis très partagé concernant le port du mini-short ou de la mini-jupe. 56% des Français s’opposent au premier mais plus de 51% sont favorables à la jupette ou encore aux robes moulantes. Si ces vêtements n’ont pas leur place en milieu scolaire pour les anciennes générations, la mini-jupe provoque aussi «des réactions symptomatiques d’une vision très sexualisée» chez les jeunes (58% d’opposants chez les moins de 35 ans).

«Pour ces adultes qui comptent nombre de parents dans leurs rangs, ce mouvement semble plutôt soulever la difficulté à gérer le droit des filles à afficher leur féminité dans un cadre où ils estiment – à tort ou à raison – que l’institution scolaire ne sera pas en mesure de les protéger des agressions que leur liberté vestimentaire pourrait susciter», conclut François Kraus de l’Ifop.

(1) L’enquête Ifop a été menée pour le magazine Marianne sur 2027 personnes représentatives de la population âgée de 18 ans et plus, résidant en France métropolitaine, et via un questionnaire auto-administré en ligne du 18 au 21 septembre 2020.

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