• La sélection 2023 du Festival de Cannes s’est révélée riche en bons films.
  • Le Palmarès sera annoncé ce samedi à partir de 20h30 sur France 2.
  • La journaliste ciné de « 20 Minutes » rêve de mettre son grain de sel au moment de choisir les lauréats parmi les 21 prétendants à la Palme d’or.

Mais quels films vont donc désigner Ruben Östlund et son jury du Festival de Cannes ? Ils risquent d’avoir tant de mal à départager les 21 très bons longs métrages en compétition que j’ai eu envie de leur donner un coup de main. En affûtant mes arguments afin de défendre mes favoris devant le jury, comme si j’avais été choisie pour en faire partie.

Ma Palme d’or : « Perfect Days » de Wim Wenders

Par taquinerie, j’envisage d’abord de persuader Ruben Östlund que The Old Oak de Ken Loach, fable sur un patron de pub prenant fait et cause pour des migrants, est le film qui mérite le plus la Palme d’or. Mais Ken Loach en a déjà eu deux (tout comme Ruben Östlund). J’imagine mal le président accepter qu’un autre cinéaste le dépasse. Je renonce et cela d’autant plus que j’ai un autre grand favori.

Je crie haut et fort mon amour total pour Perfect Days, grand retour de Wim Wenders à la fiction avec le portrait d’un employé municipal solitaire chargé de nettoyer les toilettes de Tokyo, un homme humble qui aime les arbres et la littérature. Koji Yakusho est bouleversant dans ce film contemplatif, certes, mais jamais ennuyeux, d’une sobriété et d’une poésie admirable dignes de Yasujirō Ozu auquel Wim Wernders avait déjà rendu hommage dans Tokyo-Ga. Juste une ode aux petites choses qui font le sel de la vie et l’un des plus beaux plans de fin de l’histoire du cinéma. Comme Wim Wenders n’a qu’une seule Palme d’or au compteur pour Paris Texas en 1984, il ne ferait pas d’ombre au président du jury.

Grand Prix du Jury : « The Zone Of Interest » de Jonathan Glazer

C’est le film choc du festival : The Zone of Interest de Jonathan Glazer, réalisateur de Under The Skin, révèle de la façon la plus clinique qui soit la petite vie bourgeoise de Rudolph Höss, commandant du camp de concentration d’Auschwitz. Comment favoriser en même temps une application diligente de la solution finale tout en entretenant le jardin de son pavillon situé aux abords du camp ? La banalité du mal commis par des gens ordinaires a rarement été aussi bien cernée. D’autant plus que la violence reste toujours hors champs.

Prix de la mise en scène : Kahouter Ben Hania pour « Les Filles d’Olfa »

La mise en abîme vertigineuse qu’offre Kahouter Ben Hania dans Les Filles d’Olfa démontre autant de maîtrise que de talent. La réalisatrice de La Belle et la meute mêle documentaire et fiction, réalité et reconstitution, de manière originale pour parler de radicalisme islamique, de rébellion et de la vie des femmes tunisiennes. Kahouter Ben Hania réunit dans son film l’authentique protagoniste de cette histoire vraie, mère dont deux filles ont rejoint l’Etat islamique en Libye, avec des actrices qui l’aide à raconter son histoire.

Prix d’interprétation féminine : Sandra Hüller dans « Anatomie d’une chute »

Cette actrice allemande, déjà appréciée dans Toni Erdmann, est à nouveau remarquable dans Anatomie d’une chute de Justine Triet où elle incarne une femme soupçonnée d’avoir poussé son mari par la fenêtre. Elle sculpte son personnage comme un bloc de glace qui se fissure quand sa vie privée est dévoilée au grand jour. C’est aussi Sandra Hüller qui joue la femme du directeur de camp de concentration dans The Zone of Interest, bourgeoise jouisseuse choisissant d’ignorer l’ignominie derrière les murs de son pavillon. Sandra Hûller est parfaite dans les deux films. Cannes 2023 est son année.

Prix d’interprétation masculine : Jude Law pour « Firebrands : Le Jeu de la reine »

Il fait peur Jude Law dans Firebrands : Le Jeu de la reine de Karim Aïnouz. Il incarne un roi Henry VIII obèse, pervers narcissique et tyran domestique persécutant sa sixième épouse jouée par Alicia Vikander. Sa puissance vénéneuse en souverain omnipotent est ahurissante. Il est tellement loin des personnages charmeurs qui sont sa marque de fabrique qu’il mérite bien un prix ! (Koji Yakusho pour Perfect Days aussi mais j’ai déjà convaincu le jury de donner la Palme d’or au film, alors je n’insiste pas.)

Prix du scénario : Aki Kaurismäki pour « Les Feuilles mortes »

Le réalisateur finlandais signe une comédie romantique particulièrement touchante, parce qu’elle n’est pas gnangnan. La rencontre de deux solitaires qui peinent à unir leurs détresses ne contient pas un gramme de mièvrerie. Les Feuilles mortes est plus revigorant qu’un « feel good movie » hollywoodien, cette histoire si bien contée fait vraiment chaud au cœur. C’est beau et tendre en toute simplicité. Ecrire un scénario aussi dépouillé n’a l’air de rien, mais la sobriété est un art difficile à maîtriser et Aki Kaurismäki est passé maître dans ce domaine.

Rendez-vous ce samedi 27 mai à partir de 20h30 sur France 2, ou en live sur 20Minutes.fr, pour découvrir si j’ai réussi à convaincre le jury et si mes lauréats sont les bons.

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