• Lors d’une journée, le célèbre cabaret parisien, le Crazy Horse, est descendu sur la Côte d’Azur pour faire passer des auditions et trouver de nouvelles « crazy girl ».
  • A Nice, une quarantaine de femmes présélectionnées sont passées en improvisation de danse d’une minute où les seules consignes étaient d’être seins nus avec des talons.
  • 20 Minutes a pu discuter avec une quinzaine de candidates pour qui intégrer ce cabaret est « tout simplement [leur] rêve ».

Le ciel bleu de Nice est plutôt menaçant ce mardi et quelques gouttes tombent sur le trottoir de la rue Maraldi. Une quinzaine de jeunes femmes, toutes entre 1,68 m et 1,73 m, attendent, parfois accompagnées de valises ou de leurs proches, devant une porte fermée à clé où on ne peut rien apercevoir, excepté un écriteau où il est écrit : « Auditions Crazy Horse Paris ».

Ce mythique cabaret parisien crée en 1951 est à la recherche de nouvelles « crazy girls » pour compléter sa troupe et est venu exprès sur la Côte d’Azur. Au total, une quarantaine de candidates ont été présélectionnées et passeront entre une et deux minutes, en improvisation de danse, devant Patricia Folly, alias Psykko Tico, directrice adjointe de création et Svetlana Konstantinova, directrice de scène.

La « mise à nu » des danseuses

Pendant que les femmes patientent de l’autre côté de la porte, Svetlana Konstantinova confie : « Au Crazy, il y a beaucoup de danseuses qui viennent du Sud ou d’ailleurs [elles sont originaires de plus de dix pays dont la France, l’Ukraine, l’Australie, le Liban, le Japon ou encore la Nouvelle-Zélande]. Chaque endroit de la planète apporte quelque chose au groupe avec sa culture. On s’est dit que c’était bien aussi d’aller chercher nos talents et d’aller vers eux. Et on aime les filles d’ici. On remarque, sans faire de généralité, qu’elles ont une mentalité différente. Elles sont souvent très rayonnantes, solaires avec moins d’inhibitions avec leur corps et peut-être, davantage l’habitude d’être libres et de le montrer ».

Un des spectacles connus du Crazy Horse (Illustration)

Un critère qui a son importance car, lors des spectacles, les artistes « se mettent à nu ». Littéralement. « Il y a différentes manières de le faire, reprend Patricia Folly, également ancienne danseuse de cabaret. On va chercher des émotions, on est encore plus exposé, il n’y a pas qu’un aspect corporel. Et pour autant, lors du show, on ne se sent pas dénudée, il n’y a pas de pudeur car tout est mis en scène, avec des jeux de lumière pour que le fait qu’on soit nu passe au second plan. »

Elle ajoute : « Et puis, finalement, c’est comme un costume, c’est ma seconde peau. Sur la plage, je garde un maillot de bain, je ne suis jamais en topless. »

La « puissance de la femme »

Pour les candidates, la nudité n’est pas un problème puisqu’il était un critère pour passer l’audition. Certaines en ont d’ailleurs déjà passée une avant de tenter une nouvelle fois, comme Mia-Jade, 22 ans, qui est venue de Lyon. Ou encore Nina, 24 ans, de Suisse, à qui les directrices de casting avaient dit : « Reviens quand tu seras prête. » Depuis cinq ans, la jeune femme s’entraîne alors et fait même partie d’une troupe à Aix-les-Bains car « c’est son rêve ». Elle reste consciente que « c’est très, très dur d’entrer dans la troupe » mais continuera de persévérer.

D’autres tentent pour la première fois. C’est le cas de Cynthia, une Toulonnaise de 28 ans. Elle veut être une « crazy girl ». « Elles sont tout ce qu’on veut être, dans leurs différences. Quand je les vois, j’ai l’impression qu’elles me représentent toutes. Et dans le show, elles sont vraiment mises en avant. C’est la sensualité dans toute sa beauté, pas de la sexualisation. »

« Montrer qui on est en une minute »

Il est midi. C’est l’heure. « Montrez-nous ce que vous pouvez faire de mieux », diront simplement les deux directrices. Les candidates passeront chacune leur tour sur une musique différente. Dans la salle d’échauffement, le stress monte. Certaines restent dans leur coin en faisant des étirements et en enfilant des hauts talons, d’autres papotent pour faire évacuer la pression. Toutes se tiennent attentives aux retours de celles qui reviennent de l’épreuve.

Lola, 21 ans, danseuse professionnelle, est la quatrième à passer. Depuis la première fois qu’elle a vu un spectacle au Crazy Horse, il y a six ans, elle a « su que c’était ce [qu’elle] voulait faire ». Quelques secondes avant d’y aller, elle confie : « Je suis à la porte là, je me demande ce que je fais là mais on ne peut plus reculer. »

« Oh la chance ! », lâche spontanément le reste des filles en entendant la musique sur laquelle la Grassoise est en train de passer. « C’est la meilleure celle-là, elles l’ont au spectacle », souffle une autre. Même si on sent que la compétition est rude entre elles, car les places sont rares, la bienveillance règne au sein du groupe.

A son retour, la danseuse de 21 ans affiche un large sourire et des joues rougies : « Montrer qui on est en une minute, c’est très difficile, mais je suis soulagée. C’est fait ! ». Elle développe [20 Minutes n’a pas pu assister aux auditions pour ne pas déstabiliser les candidates] : « Après la mini-performance, où j’ai fait beaucoup marché, montré que j’étais souple à travers des positions, elles m’ont posé quelques questions sur mon parcours et m’ont fait me courber. Elles regardent chaque détail, même les oreilles et la nuque. »

Le « mystère » du Crazy Horse

Les directrices des auditions affirment que les critères pour entrer au Crazy Horse sont précis. « Le point essentiel, c’est d’avoir envie de s’exprimer sur scène, avoir quelque chose d’harmonieux. On regarde la symétrie du corps, développe Psykko Tico. Le spectacle est basé sur des illusions. On a l’impression de voir la même femme, on ne sait plus qui est qui. Alors, oui, il faut entrer dans cette unité graphique, stylistique avec des exigences physiques comme la taille, mais on a besoin de tous types de femmes et c’est la personnalité qui fait la différence. »

Après s’être concertées quelques minutes après le passage de toutes les femmes, Patricia et Svetlana leur indiquent de se réunir près de la porte. Les danseuses ne le savent pas mais les responsables des auditions ne cherchent pas quelqu’un immédiatement. « Peut-être une », glisse la directrice de scène. Cette dernière sait en « un regard », selon sa collègue, si la personne correspond à « l’esprit du Crazy ».

Ce jour-là, aucune du groupe n’aura été retenue directement mais deux candidates sont invitées à refaire des essais à Paris « d’ici quelques années ». C’est le cas de Lola qui a « un potentiel » mais qui doit « travailler ses expressions ».

En sortant de la salle, la jeune femme ne peut cacher son sourire qui croise les regards d’une quinzaine autres femmes qui patientent sur le trottoir sans savoir encore à quoi s’attendre. « Le Crazy Horse, c’est tout un mystère. On ne comprend que quand on entre à l’intérieur », conclura la propriétaire du studio de danse où les auditions se déroulent, ravie de pouvoir le découvrir de cette manière.

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