Dans la grande famille des yogas, cette technique auréolée de mystère invite à faire fusionner les énergies spirituelle et sexuelle au sein de notre corps. Anne Bianchi, charismatique enseignante, nous éclaire sur cette discipline toute en subtilité.

Chants de mantras, turban blanc, travail initiatique autour de l’énergie sexuelle… le yoga kundalini fait-il exprès de concentrer les clichés propres à la discipline indienne ? Une certitude : cette forme confidentielle capitalise sur l’intériorité, bien loin de l’exhibitionnisme acrobatique souvent mis en avant dans la planète yoga. Et elle ne cesse de faire des adeptes.

« Le Kundalini, ça se vit » recentre Anne Bianchi*. L’ancienne journaliste reconvertie en enseignante insiste sur l’importance d’expérimenter avant de juger, histoire d’en finir avec les fantasmes qui collent à la peau de cette technique, et surtout de profiter de ses bienfaits. « Le mieux est d’essayer un cours sans trop réfléchir avant, afin de ressentir l’ensemble du processus avec le plus d’ouverture possible. Après, ça résonne en vous ou non… il n’y a pas qu’une manière d’atteindre l’éveil » tempère-t-elle.

(R)éveiller son énergie sexuelle lovée dans le sacrum

Pour la grande brune au port de tête impeccable comme pour bien de ses confrères et consœurs, le yoga kundalini représente le visage originel du yoga. Son principe : éveiller en toute conscience la kundalini, traduisez l’énergie cosmique ou sexuelle, lovée au niveau du sacrum.Ce flux vital à l’origine de toute création doit pouvoir s’épanouir le long de la colonne vertébrale jusqu’au sommet du crâne, de la manière la plus fluide qui soit.

« Le maître Yogi Bhajan a mis au point cette technique et l’a diffusée en Californie, à la fin des années 60, dans le but d’aider toute une génération d’Occidentaux à éveiller leur conscience et à rompre avec leurs addictions. Il s’est appuyé sur des méthodes utilisées depuis des milliers d’années. Leurs enseignements étaient réservés aux disciples spirituels engagés dans des monastères » relate Anne Bianchi. Yogi Bhajan a sélectionné les actions yogiques les plus efficaces. Si elles sont bien suivies, elles distillent leurs bénéfices quelque soit notre âge, notre condition physique et notre passé.

Posture, position des mains, respiration et mantras chantés

La base des cours ? Le « kriya », une méditation active qui comporte une posture de yoga (asana), une position des mains (moudra), une technique de respiration (pranayama), un objet de concentration mentale et/ou un chant psalmodié (mantra). La durée des kriyas, parfois accompagnés de musique, varie entre une demi heure et une heure. Contrairement à l’image ésotérique, vaguement sulfureuse du yoga kundalini, son application est très concrète. Le déroulé de chaque séance authentique se ressemble partout dans le monde.

« Une fois assise sur votre tapis, vous chantez trois fois un mantra d’ouverture, qui vous connecte à vous-même et à votre guide intérieur. La dimension sonore est essentielle car elle active notre propre vibration et œuvre à un niveau moléculaire. On apprend à aller chercher le son dans le nombril, ce centre de commande et de gravité, et de bien le projeter par la voix ; articuler les mantras avec application permet de faire bouger la langue d’une certaine manière et de toucher des points énergétiques situés dans le palais. »

Ensuite vient le temps de l’échauffement, avec une attention particulière portée à la colonne vertébrale… et le souffle ! On enchaine de manière soutenue inspirations, expirations et apnées, tout en serrant et en lâchant le périnée.

Une fois le corps assoupli, on pratique un ou plusieurs kriyas : « J’en propose en général un grand, suivi de deux plus courts. Je poursuis par une méditation, chantée ou silencieuse, et j’aime terminer le cours par une relaxation au son du Gong. Les Kriyas diffèrent d’une séance à l’autre. Il y en a des centaines, et chacun travaille sur des organes, des glandes ou des émotions précises ; on sait toujours ce que l’on fait durant le cours », décrit l’enseignante.

Relier le corps, l’esprit et l’âme

« On ne recherche pas la perfection des postures. L’essentiel est de se connecter à notre énergie ; les exercices sont là pour la réveiller et la remettre en mouvement de manière douce et progressive, par palier, afin de venir relier Le Corps, l’esprit et l’âme. » Comme dans toutes les médecines orientales, l’approche de l’être est globale.

« En yoga kundalini, tout est relié, raison pour laquelle on le nomme aussi le yoga de la conscience, explique Anne Bianchi. Ce que l’on absorbe – air, nourriture, eau, expérience émotionnelle – se cristallise en nous et stagne, crée des nœuds, des points où les énergies ne circulent plus. À l’image d’un grain de sable qui devient caillou, puis rocher, et finit par bloquer le ruisseau de votre énergie ». Une certaine genèse des dérèglements émotionnels, dépressions et au final, des maladies, dans la vision holistique indienne.

Rouvrir ses chakras

Celle-ci décrit la kundalini tel un serpent lové en bas de la colonne vertébrale, enroulée, dormante. Les kriyas la mobilisent et l’aident à monter en s’enroulant par le truchement des sept chakras. Ces centres où convergent les énergies sont chacun relié à une glande endocrine. Ovaires, surrénales, pancréas, thymus, thyroïde, hypophyse, et glande pinéale au sommet du crâne… L’énergie vitale va purifier ces circuits l’un après l’autre, de bas en haut, pour ouvrir à une conscience élargie. La montée de la kundalini irrigue aussi bien les sphères énergétique, émotionnelle, sexuelle, spirituelle que psychologique.

« Yogi Bhajan a suivi un doctorat en psychologie à l’université de Californie », pointe Anne Bianchi. Pour mieux tisser des passerelles entre Orient et Occident ? Après tout, kundalini indienne et libido freudienne ne sont pas si éloignées. Dès 1932, C. G. Jung donnait des conférences sur le yoga de la Kundalini, alors inconnu, et faisait le parallèle entre le modèle symbolique offert par le système des chakras et les phases de développement de la conscience supérieure. 

Débrancher son cerveau

Pour Anne Bianchi, l’invitation à l’exploration de soi offerte par le yoga kundalini est une aubaine dans une société où les gens sont stressés à grande échelle. « Nous nous débattons pour relâcher la pression, retrouver du temps pour être bien chez soi et en soi, avec nos proches. C’est souvent dans des crises que l’on éprouve le besoin d’opérer des vrais changements. On est chahuté professionnellement ou affectivement et on se retrouve chez un thérapeute… ou sur un tapis de yoga ! » sourit-elle.

Elle évoque certaines de ses élèves qui retrouvent enfin le sommeil, ou « arrive à débrancher le cerveau qui mouline ». Celles qui prennent tout simplement du plaisir à chanter, une activité qui procure calme, énergie et joie, mais aussi à se sentir portées par la vibratoire sonore collective. « Ce n’est pas visible, mais c’est très puissant. Ces mantras sont sacrés. Ils sont psalmodiés, vibrés, depuis des milliers d’années. Si vous le faites en conscience, vous vous reliez à toute une chaine d’enseignement spirituel. » Et de conclure : « la mode passe, les effets du yoga restent. »

* www.atma-yoga-studio.com

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